Pour l’ONG Human Rights Watch (HRW), les autorités algériennes procèdent à des expulsions sommaires d’Africains subsahariens. Sur fond de profilage racial
(Beyrouth, le 30 octobre 2017) – Depuis le 25 août 2017, les autorités algériennes ont procédé à des rafles d’Africains subsahariens se trouvant à Alger et aux abords de la ville, expulsant plus de 3 000 d’entre eux vers le Niger, sans leur donner la possibilité de contester cette mesure, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Parmi les personnes expulsées figurent des migrants ayant vécu et travaillé pendant des années en Algérie, des femmes enceintes, des familles avec des nouveau-nés et 25 enfants non accompagnés environ.
« Rien ne justifie de regrouper des gens en fonction de leur couleur de peau, puis de les déporter en masse », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « L’autorité dont dispose un État pour contrôler ses frontières n’est pas un blanc-seing pour traiter ces personnes comme des criminels ou leur refuser le droit de séjour au motif de leur ethnicité. »
Des sources crédibles à Alger ont indiqué à Human Rights Watch que, parmi les personnes détenues initialement, figuraient quinze réfugiés et demandeurs d’asile. Ils ont été ensuite relâchés après vérification de leur statut par les autorités.
Migrants=criminels
Le 7 juillet dernier, Ahmed Ouyahia, le chef de cabinet du président Abdelaziz Bouteflika, a assimilé les migrants à une « source de criminalité et de stupéfiants », affirmant que les autorités doivent protéger la population algérienne de ce « chaos ». Le 11 juillet, Abdelkader Messahel, le ministre algérien des Affaires étrangères, a déclaré que les migrants « font peser une menace sur la sécurité nationale ».
Lors des vagues successives d’arrestations, les forces de sécurité ont rassemblé des migrants subsahariens dans les rues, sur des chantiers de construction – où nombre d’entre sont employés – et à leurs domiciles. Les migrants ont été conduits dans un établissement de Zeralda, une banlieue de la capitale, où ils sont restés entre un et trois jours, dans des salles bondées, en l’absence de matelas et de nourriture suffisante, ont confié des témoins à Human Rights Watch. Les migrants ont ensuite été transportés à 1 900 kilomètres au sud dans un camp situé à Tamanrasset, puis expulsés vers le Niger, selon des témoins et des contacts sur place.
Profilage racial
Trois migrants subsahariens interrogés séparément par téléphone par Human Rights Watch se sont dits convaincus que les gendarmes s’en sont pris à eux en raison de la couleur de leur peau. « Quand les ouvriers noirs ont vu les gendarmes, ils ont tenté de s’enfuir, mais ont été poursuivis et contraints de monter dans le fourgon », a relaté un migrant arrêté juste auparavant dans des circonstances similaires. « Ils ont procédé à l’arrestation de sept hommes ».
Une organisation non gouvernementale basée à Gao, au Mali, a indiqué que plusieurs Maliens ont également été expulsés à la frontière séparant ce pays de l’Algérie, une région dangereuse où sévissent des groupes armés, notamment ceux liés à Al-Qaïda.
D’après le Comité international de secours, qui administre un programme d’assistance aux migrants à Agadez, au Niger, parmi les individus expulsés figuraient des Nigériens mais aussi des centaines de ressortissants du Mali, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, tous des pays d’Afrique subsaharienne. Le Comité a précisé à Human Rights Watch que les migrants ont été expulsés par vagues successives, le premier convoi étant arrivé à Agadez le 25 août, le dernier le 25 octobre. Le Comité a enregistré 3 232 migrants en provenance d’Algérie, dont 396 femmes et 850 enfants, y compris 25 enfants non accompagnés.
Encadré. L’Algérie et le droit international l
L’Algérie dispose de l’autorité requise pour contrôler ses propres frontières et les personnes qui se trouvent sur son territoire en situation irrégulière, mais devrait accorder à chaque personne concernée une voie de recours pour contester son expulsion. L’Algérie ne devrait pas exercer de discrimination fondée sur l’ethnicité, ni soumettre les migrants à une détention arbitraire et à un traitement inhumain et dégradant.
En outre, en tant qu’État partie à la Convention de 1951 sur les réfugiés et à la Convention de 1987 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l’Algérie ne peut expulser de force un réfugié, un demandeur d’asile ou toute autre personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ou à un traitement inhumain et dégradant. Les demandes de toute personne exprimant de telles craintes devraient être examinées dans le cadre de procédures complètes et équitables pendant qu’elle est autorisée à séjourner dans le pays.
L’Algérie est également un État partie à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, qui interdit les mesures d’expulsion collective de travailleurs migrants et de leurs familles et exige que chaque cas d’expulsion soit examiné et tranché sur une base individuelle. La Convention s’applique à tous les travailleurs migrants et à leurs familles, quel que soit leur statut juridique ou professionnel.