Le procès Sonatrach s’est ouvert, dimanche 15 mars 2015, au tribunal criminel d’Alger qui a rejeté après délibération une demande de report du procès formulé par l’avocat d’un des prévenus. Dix-neuf personnes dont Mohamed Meziane, ancien PDG du groupe public pétrolier, ses deux fils, huit de ses adjoints, un patron d’une filiale d’une entreprise allemande Contal Algérie Funkwerk sont accusées de corruption.
Quatre entreprises étrangères sont également poursuivies pour obtention frauduleuse de marchés publics au détriment de Sonatrach. Ces poursuites n’alimentent que le premier volet dit « Sonatrach 1 » d’un procès qui devrait dans un second temps s’intéresser aux pots de vin versés par une filiale de la société italienne ENI à des cadres de Sonatrach.
L’affaire a éclaté en janvier 2010 avec la « décapitation judiciaire » spectaculaire et sans précédent en Algérie de l’ensemble du top-management du groupe pétrolier public dont l’activité est vitale pour l’économie algérienne.
Le PDG de l’entreprise, Mohamed Meziane et ses adjoints avaient été placés sous contrôle judiciaire ou mis en détention provisoire par un juge d’instruction à la suite d’enquêtes menées par le Département de renseignement et de sécurité (DRS), les services de renseignements algériens.
Les 19 prévenus sont poursuivis notamment pour « association de malfaiteurs, passation de marchés contraires à la loi pour accorder des privilèges injustifiés à des tiers, blanchiment d’argent, augmentation de prix dans des contrats avec une entreprise publique, détournement de deniers publics, blanchiment d’argent et corruption. »
La presse algérienne souligne que le procès se déroule en l’absence de l’ancien ministre de l’énergie, Chakib Khelil, qui avait la haute main sur le secteur des hydrocarbures depuis l’arrivée au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika, en avril 1999.
L’ancien PDG de Sonatrach, Mohamed Meziane, qui a déjà purgé une peine de prison pour une autre affaire a, pour la première fois, accepté de parler dans les médias. Il s’est dit victime d’un « règlement de compte à un très haut niveau » et a assuré que tous les contrats pour lesquels il était poursuivi ont été conclus en conformité avec la loi.
Il a surtout expliqué que l’ancien ministre de l’énergie avait la main sur tout à Sonatrach et lui avait imposé un de ses proches, Réda Hemche, actuellement en fuite, comme chef de cabinet. Hemche a été « nommé par le ministre (…). Son bureau, au fond du couloir, lui permettait d’avoir l’œil sur toutes mes allées et venues ».
Membre du clan Bouteflika
Pour sa défense, l’ancien PDG a choisi de ne plus ménager l’ancien ministre. Il a récusé un avocat, Mohsen Amara, qui avait fait des déclarations spectaculaires sur une chaîne de télévision défendant l’ancien ministre et accusant le procureur d’avoir délivré un mandat international contre lui sur instigation des services de renseignement.
Absent du procès, l’ombre de Chakib Khelil pèse dans cette affaire. Déstabilisé en janvier 2010 par l’enquête menée par le DRS, ce dernier a continué à bénéficier de la protection du président Bouteflika qui lui a évité un limogeage immédiat. Il a organisé son départ, en mai 2010, dans le cadre d’un remaniement ministériel.
Khelil a quitté l’Algérie en mars 2013 pour les États-Unis, il n’assistera pas aux funérailles de sa mère le 21 mai, à Oran. Un exil prudent car il était menacé par une autre affaire déclenchée, en Italie, par le parquet de Milan sur le versement de commissions d’un montant de 198 millions de dollars par Saipem, filiale d’ingénierie du groupe parapétrolier italien ENI, à des responsables algériens en contrepartie de contrats d’une valeur globale de 8 milliards d’euros.
Les versements étaient effectués par Saipem au profit de la Pearl Partners Limited, basée à Hong Kong, et propriété de Farid Bedjaoui, l’homme de confiance de Khelil.
Les informations publiées en Italie ont été relayées par les médias en Algérie où la justice a fini par réagir. Une instruction a été ouverte sous la dénomination de « Sonatrach 2 ». Un mandat d’arrêt international a été lancé contre Chakib Khelil mais il a été annulé pour vice de procédure… De quoi conforter ceux qui pensent en Algérie que jamais Khelil, membre du « clan Bouteflika » ne sera jamais jugé.