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Algérie : « Le gouvernement joue sa crédibilité » dans le conflit entre Cevital et le port de Béjaïa

Le bras de fer entre Cevital et les autorités portuaires de Béjaïa, entamé il y a plus d’un an, n’a toujours pas trouvé d’issue. Mourad Bouzidi, porte-parole du comité de soutien aux travailleurs de Cevital, qui doit comparaître dimanche pour répondre d’accusations de « diffamation » envers le directeur du port, le gouvernement doit prendre ses responsabilités. Interview.

Dimanche 20 mai, Mourad Bouzidi, porte-parole du comité de soutien aux travailleurs de Cevital, aurait dû comparaître devant la cour d’appel de Béjaïa. Il est accusé de diffamation par le directeur du port de Béjaïa (EPB), Djelloul Achour. Le procès a finalement été reporté à ce dimanche 3 juin prochain. Mais Mourad Bouzidi aborde cette future audience avec sérénité : il est sûr de son fait.

Condamné en première instance à trois mois de prison avec sursis et 20 000 dinars (146 euros) d’amendes, Mourad Bouzidi juge que son seul tort, lors de la marche citoyenne du 2 juillet 2017 pendant laquelle il est accusé d’avoir diffamé le directeur général de l’EPB, a été d’avoir pris la défense des salariés du groupe dirigé par Issad Rebrab, fortement touchés, selon lui, par le bras de fer en cours avec les autorités du port.

Bras de fer

La crise dure en effet depuis plus d’un an dans cette cité portuaire à l’est d’Alger. Le 26 mars 2017, le Tian Le, un navire chargé en matériel pour un projet du groupe Cevital se voit refuser l’accès au port. Motif invoqué alors par le directeur général de l’Entreprise portuaire de Béjaïa : le premier groupe privé algérien n’aurait pas été autorisé à lancer sa nouvelle activité industrielle en Algérie, la production d’huile brute et de tourteaux de soja destinés au bétail.

En juin, un second navire est empêché d’accoster. Au fil des semaines et des mois qui passent, le bras de fer tourne à la crise. Et, depuis, la situation est au point mort. Interrogé par Jeune Afrique, Mourad Bouzidi revient ici sur sa vision du dossier, ce qu’il dit de la gestion du gouvernement actuel et de la persistance d’une vision clientéliste et régionaliste du développement du pays.

Jeune Afrique : Pourquoi, selon vous, le projet industriel que Cevital veut installer dans la région est-il toujours bloqué par les autorités du port de Bejaïa ? 

Mourad Bouzidi : C’est toute la région qui est visée par ce blocage, pas seulement Cevital ou Issad Rebrab. C’est la région qui est visée, car le gouvernement ne veut pas de développement économique en Kabylie. Le groupe Cevital investit un peu partout dans le pays et il n’y a jamais eu de blocage.

Le groupe emploie plus de 3 000 pères de famille à Béjaïa. Il y a également un autre projet, du côté de Cap Djinet pas loin de Tizi Ouzou, en Kabylie, qui est également bloqué. Donc, le problème n’est pas Cevital mais la région. Cela dit, il n’ y a pas que Cevital qui est bloqué. Selon nos données, 143 projets font l’objet de blocages à Béjaïa, dont la construction d’un stade de 35 000 places, ainsi que le doublement de la voie ferrée.

De notre côté, nous restons dans une dynamique de mobilisation pacifique. Jusqu’à maintenant, on a fait preuve de beaucoup de patience et de sérénité. Ce qui est malheureux c’est que nous, qui sommes des porteurs de projets, sommes amenés à nous battre pour des choses évidentes.

Vous aviez déjà interpellé le gouvernement sur cette situation, dès juillet 2017. Où en est cette demande ?  

Pour nous, le directeur du port est un simple instrument. C’est le gouvernement qui est derrière tout ça. Aujourd’hui, malgré deux relances au sujet de notre demande légitime de débloquer le projet et d’encourager l’Algérie qui produit, le président de la République et le Premier ministre se sont illustrés par un silence coupable.

Ils se font complices de lobbys destructeurs pour l’investissement productif. Leur silence ne fera qu’accentuer le sentiment de ségrégation, de régionalisme et de favoritisme économique qui prévaut dans plusieurs régions du pays.

 

Que doit-on conclure quand de hauts décideurs de la politique économique du pays reprochent à de quelques rares investisseurs audacieux de vouloir investir en Kabylie ? On ne peut qu’être scandalisé et inquiet pour l’avenir de notre pays.

Aujourd’hui, nos gouvernants sont plus que jamais interpellés pour assumer leurs responsabilités devant l’Histoire. Il est clair, pour nous, que c’est de la gestion actuelle que cette affaire Cevital que dépendra la crédibilité de la politique économique du gouvernement Ouyahia. L’Algérie regarde et le monde aussi.

 

Le directeur du port affirme que le blocage est motivé par le fait que Cevital n’a pas les autorisations nécessaires pour son projet d’usine de trituration de graines oléagineuses…  

Ils n’ont aucun argument ! Le directeur du port de Béjaia a annoncé sur TSA [Tout sur l’Algérie, média algérien] que le premier groupe privé du pays ne dispose pas de terrain.

Il faut savoir que ce groupe vient d’apporter la preuve qu’il dispose d’un terrain à l’extérieur du port et qu’il l’a acheté avec ses propres moyens.

Vous évoquiez le blocage du chantier du stade de 35 000 places. Qu’en est-il de ce dossier ? 

De nombreux projets sont bloqués à leur naissance, pas uniquement le stade. Le wali [l’équivalent d’un préfet] a annoncé le gel de 143 projets pour un montant de 30 milliards de dinars algériens (plus de 241 millions d’euros).

Je persiste et signe ! Le problème n’est pas celui du choix du terrain, mais réside plutôt dans l’absence de volonté politique de notre gouvernement à débloquer ces 143 projets structurants pour notre wilaya. Je profite à travers votre question pour féliciter notre club phare le MOB pour son retour en première division.

Vous accusez le gouvernement de bloquer les projets à Béjaïa. Mais quelles seraient, selon vous, leurs motivations ?

Le régionalisme est hélas une donnée sociologique qui continue de régenter la vie algérienne. On le voit dans la répartition des postes, aussi bien au niveau des quotas électoraux que des affectations de projets économiques. Cela tient en partie à notre histoire politique. Cela tient également aux tendances clientélistes, qui prennent le pas sur la construction d’institutions sur la base de programmes et de convictions.

Ce sous-développement politique empêche de juger les équipes dirigeantes sur la base de leur bilan. Et il est en train de créer de nouvelles impasses. En ce qui concerne Cevital, nous sommes maintenant un cran au-dessus du traditionnel régionalisme, puisqu’il y a un déni de droit de la part d’une administration qui outrepasse ses prérogatives, sans que sa tutelle ne s’alarme de cet abus inédit.

Jeune afrique

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