L’étonnante facilité qu’ont les groupes armés à faire libérer leurs cadres convaincus de malversations criminelles pose question. Ils sont parvenus, un an après l’intervention antiterroriste de 2013 à peser suffisamment sur la politique intérieure malienne pour obtenir l’impunité. Et apparemment, le mécanisme bien huilé qui leur permet de passer entre les mailles du filet repose avant tout sur la collusion entre sécessionnistes et loyaux, ou entre laïcs et jihadistes.
De nos jours, vous pouvez être surpris en flagrant délit d’atteinte à la sûreté de l’état, de complot contre l’unité du pays, de recrutement pour les groupes armés, de trafic d’armes, et ne pas être inquiété outre mesure, à une condition près : faire partie de la nébuleuse des groupes armés au Nord. Les groupes armés ont très bien compris comment bénéficier des pressions lobbyistiques qu’ils exercent, tous de la même manière, à Alger, Bamako, Nouakchott ou Ouagadougou.
Il est de notre devoir de nous insurger contre l’apparition de facto d’une sorte de fédéralisme judiciaire avant même l’achèvement des pourparlers d’Alger. L’état malien ne peut pas se voir priver de cette prérogative régalienne ; le déficit de justice favorise l’instabilité, la violence, et le terrorisme. En effet, tant que les cadres de ces groupes armés bénéficient de l’impunité de leurs crimes, le sang coule.
A la suite de la libération de Houka Houka, c’est une tête décapitée qui a été retrouvée sur le marché de Zouera ; et le lendemain de l’annonce de la libération d’Aiguissa Maiga, ce sont 9 soldats nigériens qui trouvent la mort dans une embuscade. Il serait évidemment hardi de faire des liens directs entre les événements, mais leur concomitance interroge : les terroristes, renforcés dans leur sentiment d’impunité, osent de nouveau tout. A chacune des défaites de l’appareil judiciaire malien correspond une victoire pour l’insécurité, la violence et la peur.
Or, la peur ne peut certainement pas être le sentiment sur lequel se bâtira le Mali de demain. C’est pourtant sur ce levier que pèsent de tout leur poids les groupes armés du Nord, dont les intérêts convergent une fois encore. Lorsque cessera l’impunité, cessera également l’hypocrisie, et lorsque l’hypocrisie disparaîtra, disparaîtra la peur et renaîtra la paix.
C’est le vœu que je formule pour le Mali en cette fête de Tabaski.
MLSIDIBE