En dépit de l’instauration de la démocratie pluraliste dans la quasi-totalité des pays africains dans les années 90, l’alternance démocratique peine à devenir une réalité politique. Rares sont les pays africains qui connaissent des changements notoires de dirigeants politiques. Lesquels continuent de garder le vieux réflexe du monopartisme où le Chef de l’Etat, au lieu de préserver l’unité nationale et l’intérêt supérieur de la nation, s’érige en véritable timonier qui confond les deniers publics avec son propre patrimoine.
Pour être dans les bonnes grâces des puissances occidentales, beaucoup de dirigeants africains leur permettent un accès privilégié aux ressources naturelles, minières et d’hydrocarbures de leurs pays. Aussi, les dignitaires africains, dans le but de perdurer au pouvoir, établissent avec leurs homologues occidentaux des contrats militaires et de marchés publics juteux. C’est le cas de figure généralement observé dans les pays francophones d’Afrique où l’ancienne puissance coloniale nourrit une dépendance économique à la limite d’un néocolonialisme, moins soucieux de la pratique des règles démocratiques dès lors que les intérêts économiques et géostratégiques de la métropole sont garantis.
Fort de ce soutien politique, certains dirigeants africains qui sont actuellement au pouvoir développent un réflexe fâcheux qui s’appuie sur leur ethnie ou leur clan pour dominer les masses populaires. Ils transforment quasiment leur armée régulière en milice quand le reste de l’appareil d’Etat doit répondre au service exclusif de la classe dirigeante. Toutes choses qui contribuent à institutionnaliser le tribalisme et le népotisme comme modèle de gouvernance.
Dans ces conditions, les partis politiques classiques meurent et cèdent la place à un pseudo-ensemble, où pour plaire au prince du jour, tout le monde prétend désormais être de son côté. Les élections qui deviendront viciées si elles ont lieu, vont de moins en moins refléter la volonté populaire et plébisciter le régime au pouvoir. D’où l’affaiblissement des institutions démocratiques républicaines, sinon la disparition de certaines d’entre elles.
Dans la plupart des cas, le pouvoir judiciaire finit par se résigner pour se soumettre au service du pouvoir exécutif. Une situation qui permet ainsi au pouvoir en place de modifier, à travers l’Assemblée nationale ou le Parlement monolithique, de modifier la Loi fondamentale du pays pour se pérenniser. Tant la limitation du mandat présidentiel est régulièrement mise en cause dans nombre de pays africains.
Toutefois, les impératifs de la démocratie pluraliste exigent forcément la culture de l’alternance politique. Laquelle ne devrait se fonder que sur l’indépendance de la justice, la liberté, l’égalité devant la loi, la règle de la majorité et la consultation du peuple par voie électorale, dans des conditions libres et régulières, comme dans les démocraties occidentales. Ainsi, si l’Afrique veut véritablement être dans le concert des nations libres et développées, elle doit évoluer vers le respect scrupuleux du jeu démocratique, gage de l’alternance démocratique. Mais comment inverser la donne politique en Afrique ?
Il n’y a quasiment pas de solution miracle aussi longtemps que la génération future africaine ne prend pas conscience des véritables enjeux de l’alternance démocratique pour se soumettre à un changement de mentalités. Et elle peut bien y parvenir. Puisque dans certains pays africains, la jeunesse, qui a compris qu’elle doit être maîtresse de sa destinée, constitue d’ores et déjà un incontestable contre poids au pouvoir politique.
Gaoussou Madani Traoré
Source: lechallenger