En dépit de la crise ukrainienne qui défraie la chronique en Occident, la campagne présidentielle française accorde une attention particulière à l’Afrique. Confrontée depuis une décennie à une crise sécuritaire sans précédent, la région sahélienne connaît des soubresauts politiques majeurs : coups d’Etat militaires -quasiment populaires- au Mali, en Guinée et au Burkina (en 2020, 2021 et 2022). Cette situation politique d’exception est certes la conséquence de l’échec de la mission antiterroriste Barkhane dans ces pays sahéliens, mais aussi de la mal gouvernance des régimes déchus dont l’Elysée était le principal soutien.
Cela se traduit par le rejet par une majorité des populations sahéliennes de la politique française en Afrique. Mieux, les nouveaux pouvoirs militaires sont en train de s’émanciper de la tutelle de l’ancien colon en renforçant leur partenariat avec la fédération de Russie. C’est le cas notamment du Mali dont les dirigeants ne sont plus en odeur de sainteté avec l’Elysée après avoir assumé leur choix en dénonçant l’inefficacité de la coopération militaire française. Plus grave, du fait de l’absence de résultats probants de la force Barkhane les opinions sahéliennes et même au-delà sont majoritairement hostiles à sa présence dans leurs pays. Prétendument antiterroriste, Barkhane passe désormais à leurs yeux comme une force d’occupation chargée plutôt de maintenir le terrorisme international dans leurs pays.
Il en résulte une détérioration progressive des relations franco-africaines. Le renvoi de l’ambassadeur français de Bamako et la suspension des fréquences de France 24 et RFI au Mali en sont de parfaites illustrations de la tension actuelle. L’ancien Soudan-Français a ordonné « le départ sans délai » des forces françaises et jeté son dévolu sur la Fédération de Russie dont il privilégie la coopération militaire !
Il est évident que la France n’a pas intérêt que l’Afrique francophone (d’où elle tire l’essentiel de ses matières premières) et le Sahel (qui lui offre une meilleure position géostratégique) lui tournent le dos. N’est-ce pas pourquoi l’Afrique s’invite aux débats de la campagne en cours?
Ainsi le président sortant, Emmanuel Macron, qui a perdu l’estime des opinions sahéliennes comme de certains dirigeants, propose “un agenda ambitieux entre l’Afrique et la France” où il est question de gouvernance et de coopération économique mais aussi d’un véritable travail sur “les traumatismes liés à la colonisation”. Jean-Luc Mélenchon, lui, pense qu’il faut “construire une relation avec l’Afrique basée sur la souveraineté des peuples”. Le candidat “insoumis” tire à boulets rouges sur le bilan du président sortant : “des dynamiques de révolutions citoyennes se sont déclenchées à travers toute l’Afrique ces dernières années. Le gouvernement français est resté sourd à ces aspirations populaires. Sa politique est pourrie par une vision affairiste répondant aux seuls intérêts bornés des oligarchies. Il est dans l’intérêt des peuples que la France adopte une politique africaine guidée par l’intérêt général humain. La coopération entre les peuples est la méthode qui permettra d’avancer en ce sens”. Les propositions de Jean-Luc Mélenchon portent également sur le retrait des troupes françaises déployées au Sahel et sur le franc CFA.
Gaoussou Madani Traoré
Source : Le Challenger