C’est peu dire que les relations séculaires de bon voisinage entre notre pays et la Côte d’Ivoire sont impactées, au moins émotionnellement, depuis dimanche 10 juillet 2022, par cette cocasse et honteuse Affaire dite des 49 mercenaires. Elle est d’abord révélatrice des dysfonctionnements pour ne pas dire du manque de rigueur et de la légèreté des Administrations d’État, notamment ivoiriennes, dans la conduite des affaires publiques et des relations avec ses voisins. Manifestement, il y a faillite quelque part qu’aucune communication ostentatoire et circonstancielle ne soit gommée. Le narratif officiel a souvent autant manqué de mesure que de crédibilité non seulement du côté ivoirien qu’onusien. L’Affaire désormais dite des 49 mercenaires a mis en lumière une facette des pratiques lugubres sinon mafieuses des opérations de paix extérieures singulièrement sous conduite des Nations unies avec les contradictions et les dénégations des porte-parole onusiens. Beaucoup de sociétés privées gravitent autour des opérations des Nations unies dans une insolente opacité.
La société Sahel aviation services (SAS) est-elle un contingent de la Minusma pour bénéficier du soutien d’un contingent ivoirien déployé, dit-on, dans le cadre de la National Support Element (NSE) du Mali ? Sur le sujet la Minusma se grouille et tente de brouiller les pistes. Le tort du Mali est-il d’être un pays assisté cherchant à restaurer sa souveraineté en dépit des réticences de la communauté internationale ? Son gouvernement a-t-il été démenti en un seul point de son communiqué N°34 du 11 juillet 2022 ? La Côte d’Ivoire a-t-elle apporté une seule preuve tangible qu’elle avait préalablement informé les autorités maliennes du déploiement de contingents ? La Minusma a-t-elle prouvé que les autorités maliennes savaient en dehors des ouï-dire ? Le Mali a-t-il poussé loin les bouchons en qualifiant des soldats d’un pays ami et voisins de mercenaires ?
Voici autant de questions dont les réponses permettront de percevoir une partie de l’Iceberg du complot qui est longtemps tramé contre notre pays.
Où est le Cinquantième soldat ivoirien ?
Le premier des quiproquos concernant ce fameux détachement porte, en effet, sur le nombre de mercenaires, l’appellation 49 soldats/militaires ou 49 mercenaires s’étant imposé sur la pression médiatique. Succombant à la facilité, le gouvernement ivoirien à pris à son compte ce décompte au mépris de sa propre signature. En effet, le second paragraphe du communiqué du Conseil national de sécurité de la Côte d’Ivoire tenu le mardi 12 juillet 2022 dit que « l’ordre du jour de cette réunion a porté sur l’arrestation par les autorités maliennes de 49 militaires ivoiriens, le dimanche 10 juillet 2022, à l’Aéroport international Président Modibo Keïta- Senou de Bamako ». Or, sur l’ordre de mission N°3742/MEMDEF/DGAF/DRH du 8 juillet 2022 signé par le Directeur de cabinet du ministre d’État, ministre de la Défense, Jean Paul Malan il est clairement écrit « le ministre d’État, ministre de la défense donne ordre au Lieutenant Kouassi Adam Samni de se rendre à Abidjan-Bamako-Abidjan accompagné(e) de quarante et neuf personnes dont les noms figurent en annexe… ».
Outre que le mécompte fait ressortir 50 (Lt Koussi +49), nulle part l’Ordre de mission qui parle de PERSONNES n’énonce de soldats de l’armée ivoirienne ni de grade. À moins qu’il s’agisse de ce qu’on appelle ici de « Lave-Garde » habillé en tenue de FACI… Auquel cas la bizarrerie des professions sur les passeports se comprendrait aisément : étudiants, chauffeurs, maçons, mécaniciens, vendeuses, électriciens, vigiles, peintres, etc.
Soldats ivoiriens transportés par des avions privés
Le dimanche 10 juillet 2022, deux aéronefs immatriculés ZS-BBI et UR-CTH, en provenance de la Côte d’Ivoire, transportant quarante-neuf (49) militaires ivoiriens avec leurs armements et munitions de guerre, ainsi que d’autres équipements militaires ont atterri à l’Aéroport international Président Modibo KEITA Sénou. Il s’agissait selon un communiqué du Conseil national de sécurité de Côte d’Ivoire de militaires régulièrement inscrits dans l’effectif de l’Armée ivoirienne envoyé au Mali, dans le cadre des opérations des Éléments nationaux de Soutien (NSE)… par «voie aérienne civile», note l’ordre de mission que le détachement n’avait pu produire à son arrivée à Bamako.
En effet, au regard de leur immatriculation, ces deux aéronefs n’appartiennent pas à la Côte d’Ivoire. Pour cause ? Le Préfixe d’immatriculation octroyé par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) est TU, comme pour le Mali c’est TZ. Alors à qui appartiennent ces avions qui ont transporté les «49 soldats ivoiriens » à Bamako ? Les préfixes ZS, ZT et ZU appartiennent à la Nation arc-en-ciel, l’Afrique du Sud, et le préfixe UR a été attribué à l’Urkraine. Dites : comment la Côte d’Ivoire, un pays prospère, la première économie de l’UEMOA, qui ne manque pas d’avions pour transporter ses troupes a-t-elle pu affréter des aéronefs d’Afrique du Sud et de l’Ukraine (un pays en pleine guerre) pour convoyer seulement 49 de ses soldats avec leurs équipements au Mali, la porte d’à côté et pour quelle mission ? Ils pouvaient même venir par bus.
Selon l’ordre de mission N°3742/MEMDEF/DGAF/DRH du 8 juillet 2022 les 49 soldats ivoiriens ont été transportés par les soins et moyens de leur service employeur, Sahel Aviation Services, SAS qui est un sous-traitant (un Cocksair) de la Minusma. Pour brouiller les pistes, on a affrété des avions privés pour faire croire que les soldats viennent d’ailleurs alors qu’ils ont embarqué à Abidjan tout près. Est-ce pour ces raisons obscures que le détachement des 49 mercenaires a débarqué à l’aéroport de Sénou avec de fausses identités sans ordre de mission et sans le manifeste de vol ?
Arsenal non autorisé
Le gouvernement malien a été clair et sur ce point il n’a toujours pas été démenti : les quarante-neuf (49) militaires ivoiriens se sont retrouvés illégalement sur le territoire national, sous de fausses identités, en possession d’armes et de munitions de guerre, sans ordre de mission ni autorisation et par conséquent, ils ont été immédiatement interpellés et leurs armements, munitions et leurs équipements de guerre ont été saisis. Selon le gouvernement de la Transition, « ces militaires, dont une trentaine des forces spéciales étaient en possession d’armes et de munitions de guerre, sans ordre de mission ni autorisation». Ce qui ne veut pas dire qu’ils avaient sur eux leurs armes en descendant de l’avion. Le communiqué de la Présidence ivoirienne précise qu’aucun militaire ivoirien de ce contingent n’était en possession d’armes et de minutions de guerre, à sa descente de l’avion. Où étaient alors les armes ?
Selon le Conseil national de sécurité ivoirien, «les armes du contingent, comme autorisées par les Nations Unies pour la protection personnelle et les cas d’autodéfense et selon les procédures en la matière, se trouvaient dans un second avion ». Or, selon un média dont on ne peut soupçonner d’être à la solde du Mali, les armes en question, transportées dans le deuxième avion, n’auraient jamais été autorisées par les Nations unies non plus comme l’a affirmé la présidence ivoirienne.
Déploiement suspect
Sur les raisons du déploiement du détachement des 49 mercenaires à Bamako, la présidence ivoirienne avait expliqué qu’il s’agissait d’une présence dans le cadre des Éléments nationaux de Soutien qui était conforme aux mécanismes de soutien aux contingents des pays contributeurs de troupes dans le cadre des Missions de Maintien de la Paix et qui était bien connu des autorités maliennes. « En effet, en vertu d’une convention signée, en juillet 2019, entre la Côte d’Ivoire et l’Organisation des Nations Unies, et conformément à un contrat de sécurisation et de soutien logistique signé avec la Société Sahel Aviation Service (SAS), des militaires ivoiriens sont présents à l’Aéroport de Bamako. Or, selon cette correspondance particulière d’un Média suspendu au Mali qui a fait le buzz mardi sur les réseaux sociaux maliens, les Nations-Unies informées, en aval de cette Affaire, n’avaient pas pu de déterminer dans quel cadre ces 49 soldats ont été dépêchés à Bamako, ni leur lien contractuel avec la société censée les embaucher, Sahel Aviation Service. Ce qui veut dire que l’ONU n’était pas au courant, et quand on l’a mise au courant elle n’a pas pu faire le rattachement au NSE.
La vraie mission des 49 mercenaires
Les autorités ivoiriennes expliquent la présence des 49 éléments de leur armée nationale sur notre territoire par l’existence d’une convention signée, en juillet 2019, entre leur pays et l’Organisation des Nations Unies, et par un autre contrat de sécurisation et de soutien logistique signé avec la Société privée Sahel Aviation Service (SAS). Un contrat de prestation de service suffit-il pour que la présence de ce détachement des Éléments nationaux de Soutien soit conforme aux mécanismes de soutien aux contingents des pays contributeurs de troupes dans le cadre des Missions de Maintien de la Paix ?
Le jeu trouble
de la Minusma
À en croire le porte-parole de la Minusma, Olivier Salgado, «ces soldats sont déployés depuis plusieurs années au Mali dans le cadre d’un appui logistique pour le compte de l’un de nos contingents…» Le second mensonge du porte-parole de la Minusma est troublant. Faux et archifaux les 49 soldats de la Côte d’Ivoire ne sont pas sensés être déployés dans le cadre d’un appui logistique pour le compte d’un contingent de la Minusma. Parce que le communiqué de la présidence ivoirienne indique clairement «un contrat de sécurisation et de soutien logistique signé avec la Société Sahel Aviation Service (SAS)» et non avec un contingent de la Minusma. Dès lors la question est : quand est-ce que SAS est-elle devenue membre de l’ONU au point d’avoir un contingent au Mali ? Où est-ce que le porte-parole de la Minusma est-il un menteur pathologique ?
Donc SAS n’étant pas un contingent de la Minusma, alors la conformité de la présence du détachement ivoirien par rapport aux «aux mécanismes de soutien aux contingents des pays contributeurs de troupes dans le cadre des Missions de Maintien de la Paix ».
Éléments nationaux
de Soutien (NSE)
Donc quand Olivier Salgado, porte-parole de la Minusma, affirme que «ces soldats (centre de la controverse) «sont déployés depuis plusieurs années au Mali dans le cadre d’un appui logistique pour le compte de l’un de nos contingents», il est loin de dire la vérité. Idem pour les autorités ivoiriennes qui ont laissé circuler un document interne adressé au Chef d’État-major qui disait que le «8e détachement NSE » ivoirien allait être déployé dans notre pays. Pourquoi cela ne correspond pas à la vérité ? C’est quoi un détachement NSE ?
Dans le cadre d’une mission militaire internationale, les Nationaux support Element (NSE) sont de petits contingents nationaux qui sont déployés par chaque pays en appui de son propre contingent national sous mandat. Mais ces NSE ne font pas partie de la force (dans notre cas la Minusma). En effet, dans le Dictionnaire des termes militaires et associés, NSE veut dire « élément de soutien national ». Il s’agit de «toute organisation ou activité nationale qui soutient les forces nationales qui font partie d’une force multinationale. Leur mission est un soutien national aux unités et un soutien commun qui est conservé par la nation ». Selon Olivier Salgado lui-même, «Les Éléments nationaux de Soutien (NSE) sont des effectifs nationaux déployés par les Pays Contributeurs de Troupes, en soutien à leurs contingents ». Le soutien du détachement est apporté à leur contingent, d’où le nom NSE veut dire « élément de soutien national ». Dès lors que SAS n’est pas ivoirienne, il ne peut s’agir que de business pour que la Côte d’Ivoire pays contributeur de troupes puisse lui apporter «sécurisation et de soutien logistique». Et dans les coulisses on dit que le contrat est juteux !
Crime de mercenariat
À moins que l’État ivoirien ne produise les clauses de ce fameux contrat (là aussi attention à la manipulation frauduleuse) pour dire que c’est par pure charité qu’il assiste, sécurise et soutient logistiquement SAS, la logique voudrait qu’on donne acte au gouvernement du Mali qui a qualifié les 49 soldats ivoiriens de mercenaires. Car un mercenaire n’est rien d’autre que quelqu’un qui travaille que pour un salaire, qui est inspiré par la seule considération du gain ou un soldat qui sert à prix d’argent un gouvernement étranger, une entreprise ou une personne privée.
Cette définition du Petit Robert n’est pas loin de celle de l’article 1re de la Convention de l’OUA sur l’élimination du mercenariat en Afrique.
Comment la Côte d’Ivoire, nation respectable et souveraine, est-elle arrivée à monnayer à une société privée le soutien pour son contingent déployé dans le cadre de la Minusma ? N’est-ce pas là un sordide business au détriment de ses troupes et du Mali qui est tenu en totale ignorance de business dans lequel la Mission onusienne n’est pas totalement blanche ?
Le complot avéré
Comment la Minusma se permet-elle sans aucun accord préalable du pays hôte (le Mali) d’autoriser le déploiement d’un détachement de militaires d’un pays contributaire de troupes à la Minusma sous les ordres d’une société privée (SAS) chargée de se sécuriser ou de sécuriser le détachement allemand ?
Comment la Minusma a autorité (convention signée en 2019) à la société privée, Sahel aviation services (SAS) à avoir sa petite armée privatisée dans notre pays basé à l’aéroport ?
Les constats faits par le communiqué N°34 restent irréfutables à savoir que :
« 1. Ces militaires, dont une trentaine des forces spéciales étaient en possession d’armes et de munitions de guerre, sans ordre de mission ni autorisation ;
2. La profession réelle des militaires était pour la plupart dissimulée. Sur la majorité des passeports des militaires interpellés, les professions inscrites étaient les suivantes : étudiants, chauffeurs, maçons, mécaniciens, vendeuses, électriciens, vigiles, peintres, etc. ;
3. Quatre (4) versions différentes ont été avancées par les militaires interpellés pour justifier leur présence sur le territoire malien, à savoir : la mission confidentielle, la rotation dans le cadre de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA), la sécurisation de la base logistique de la compagnie aérienne « Sahelian Aviation Services » et la protection du contingent allemand».
La RCI Confondue
Nulle part le communiqué de la Présidence ivoirienne ne démet des constatations. Il se contente tout juste d’aligner une autre contre-vérité en disant qu’à « leur arrivée au Mali, dans le cadre de la 8e rotation, le dimanche 10 juillet 2022, une copie de l’ordre de mission du contingent a été transmise aux autorités aéroportuaires maliennes, pour attester de la régularité de la mission. Le Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale ainsi que le Chef d’État-major des Forces armées maliennes en ont reçu copie».
Pour vernir ce mensonge, les services ivoiriens font largement fuite la lettre en date du 11 juillet 2022 de leur ambassade au Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale (Direction du protocole de la République) dont l’objet était de « faire parvenir, ci-joint, l’ordre de mission du 8e détachement de la Nationale support Element (NSE) au Mali pour la relève du 7e détachement». Si on se fie à ce document fuité par les services ivoiriens le 11 juillet 2022, soit 24 heures après l’arrestation des 49 soldats ivoiriens leur ordre de mission n’avait pas été transmis. Mieux, le policier sanctionné dans cette affaire dit clairement dans un audio qui circule sur les réseaux que lorsque le détachement a débarqué et voulait viser ses passeports, il n’avait pas d’ordre de mission.
PAR SIKOU BAH
Source : Info-Matin