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Adama Tounkara, directeur général de l’OCS : «Certains stupéfiants sont trop facilement accessibles»

Le Mali, à l’instar des autres pays du monde, a célébré la Journée internationale de lutte contre l’abus et le trafic illicite de drogues, le 26 juin dernier. Dans l’interview qui suit, le directeur général de l’Office central des stupéfiants donne des précisions sur le thème retenu cette année par l’Organisation mondiale des douanes et évoque les difficultés auxquelles l’OCS est confronté

 

L’Essor : «Une meilleure connaissance pour de meilleurs soins» était le thème de la Journée de cette année. Quelle était la portée de ce message ?
Adama Tounkara: Le thème mondial retenu cette année s’inscrit en droite ligne de la volonté nourrie depuis quelques années au sein des Nation unies de demander aux États de mettre l’accent sur la prise en charge des toxicodépendants.
C’est-à-dire que les limites du «tout répressif» ont été constatées et, depuis, on essaye de changer d’approche. Aujourd’hui, les consommateurs sont considérés comme des victimes, parfois comme des malades compte tenu de leur addiction.

Et dans ce cadre, il est demandé à tous les pays de mettre en avant la prise en charge de ces toxicodépendants, en leur apportant des soins et essayer de travailler sur tout ce qui peut y avoir comme conséquence par rapport à cette dépendance. Puisque parmi les consommateurs, il y a les usagers des drogues injectables qui partagent les seringues. Dans ce contexte, il a été relevé que certaines maladies comme la tuberculose, l’hépatite et le VIH sont transmissibles à cause du partage de ces instruments. Il est donc demandé aux États de faire la part des choses, de revoir leurs législations afin de prendre en compte cette nouvelle dimension.

L’Essor : Y avait-il un thème national ?
Adama Tounkara : À cause de la crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid-19, il y a eu une diminution des activités. C’est la raison pour laquelle, nous n’avons pas retenu cette année de thème national. Il n’y aura pas de rassemblement, ni d’activités de grande ampleur. On se limite seulement à la sensibilisation à travers les médias.

L’Essor : Comment l’Office central des stupéfiants intervient-il dans le cadre de la lutte contre la drogue ?
Adama Tounkara : En tant que service de police judiciaire, l’OCS continue de remplir ses missions qui consistent à réprimer non seulement le trafic, mais aussi la consommation. En plus de cette mission de répression, l’OCS sensibilise aussi et a, au-delà, une mission de coordination de la lutte au niveau national. En outre, il sert d’interface avec les structures des autres pays dans le monde. C’est dans ce cadre que nous essayons au quotidien de mieux comprendre nos adversaires qui sont les trafiquants. On fait de la sensibilisation au niveau des populations, au niveau des consommateurs. Mais en ce qui concerne les trafiquants, c’est tolérance zéro. Nous avons des antennes à travers tout le pays et chaque jour, nous avons des comptes rendus. Nous donnons des orientations par rapport à cette mission de répression du trafic.

L’Essor : Actuellement, quelles sont les drogues les plus consommées dans notre pays ?
Adama Tounkara : Nous avons deux catégories de produits. Il y a le cannabis, mais aussi les médicaments qui sont détournés qu’on appelle les psychotropes, tel que le tramadol qui commence à être un problème de santé publique. Il y a d’autres médicaments comme le diazépam, tous des analgésiques utilisés pour lutter contre la douleur et, parfois, dans le cadre des troubles du sommeil. Lors des échanges au niveau international, nous avons noté que le trafic de médicaments est devenu une activité très lucrative. Des laboratoires et des pharmacies implantés dans certains pays, s’adonnent à la contrefaçon de médicaments, surtout ceux tombés dans le domaine public. Aujourd’hui, dans notre pays, nous avons deux gros problèmes : le cannabis et tous ces médicaments en raison de leur accessibilité. La boule de cannabis fait 100 Fcfa et un comprimé de tramadol, environ 50 Fcfa. Ce qui fait qu’aujourd’hui, beaucoup de nos jeunes se sont tournés vers ces produits.

L’Essor : Quelles sont les localités les plus touchées par la consommation de ces médicaments au Mali ?
Adama Tounkara : Il y a Bamako avec une concentration de plus de deux millions d’habitants. Il y a aussi les zones d’orpaillage, dans les Régions de Sikasso, Kayes et une partie de Koulikoro. Ce sont les zones géographiques les plus touchées par la consommation de ces médicaments.

L’Essor : Le Mali traverse depuis quelques années une crise sécuritaire. Comment l’Office arrive à opérer dans le Centre et le Nord du pays, réputés comme étant des zones de trafic de drogue par excellence ?
Adama Tounkara : Nous sommes un service de sécurité. Nous travaillons d’abord sur le renseignement, les informations que nous recevons. à partir de cela, nous planifions des opérations et des actions. En fonction du niveau de sécurité dans les régions du Centre et du Nord et à partir des orientations données par les exécutifs locaux, nous planifions des missions. à partir des renseignements, nous essayons d’interpeller les personnes qui sont considérées comme suspectes. Lorsque la situation sécuritaire ne le permet pas, nous nous efforçons de ne pas intervenir. Mais, nous créerons les conditions pour pouvoir interpeller les personnes qui sont ciblées dans des endroits plus favorables.

L’Essor : Quelles sont les difficultés majeures que l’OCS rencontre ?
Adama Tounkara : De plus en plus, nous avons des adversaires qui changent régulièrement de mode opératoire. Nous avons besoin de renseignements, d’informateurs. Malheureusement, nous n’avons pas les ressources nécessaires pour entretenir ces informateurs. Par rapport à la sensibilité de notre matière, aux ressources financières générées par ces activités, ceux qui nous donnent des informations demandent de plus en plus à être motivés. Il est bon de rappeler que le trafic de drogues est une activité souterraine. Ceux qui pratiquent ce commerce illicite ne le font pas au grand jour et pour pouvoir les découvrir, il faut forcément avoir des collaborateurs extérieurs.

L’Essor : Un appel à l’endroit de la population ?
Adama Tounkara : Nous avons besoin de la collaboration et du soutien de la population. Notre mission consiste à veiller à la tranquillité, à la sécurité et à la bonne santé des populations. Nous ne pouvons remplir pleinement cette mission sans leur contribution. Vu nos effectifs, vu notre mode d’implantation, nous ne sommes pas partout, nous ne pouvons pas tout savoir. Il faut que les populations nous apportent des informations, des renseignements qui pourront nous permettre d’aller sur des pistes, de mener des enquêtes et d’arrêter ces personnes qui sont des hors-la-loi.

Propos recueillis par
Aboubacar TRAORÉ

Source : L’ESSOR

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