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ADAMA SISSOUMA, conseiller technique au ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation à propos de la mise en œuvre de la régionalisation

« La régionalisation se met en place dans le cadre d’un Etat unitaire, conformément au principe de la libre administration des collectivités territoriales. L’Etat s’engage à donner 30% des ressources publiques aux régions d’ici l’horizon 2018»

Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, M. Adama Sissouma, conseiller au ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation nous explique ici  entre autres le concept de la régionalisation, les enjeux qu’elle recouvre,  les modalités de la mise en œuvre de ce nouveau mode de gouvernance et les compétences que détiendront désormais ceux qui auront la légitimité d’être à la tête des nouvelles collectivités territoriales.  

 

Infosept: Depuis l’Accord de paix de Bamako, on parle de plus en plus de la régionalisation. Pouvez-vous nous expliquer ce que revêt ce nouveau concept ?

 

M. Adama Sissouma : Vous savez au Mali, l’organisation administrative comporte deux aspects, à savoir l’aspect décentralisation et déconcentration. Dans l’aspect déconcentration, l’Etat est représenté sur le terrain au niveau de la région par le gouverneur, au niveau du cercle par le préfet, au niveau de l’arrondissement par le sous-préfet. Et, pour l’aspect décentralisation, il y a des collectivités territoriales avec les régions, les cercles et les communes. Mais c’est dans l’aspect de la décentralisation que le Mali a généralisé sur l’ensemble du territoire national et rendu opérationnel à partir de 1996 et 1997, la libre administration des collectivités territoriales par des organes élus, un conseil au sein duquel émerge un bureau. Au niveau de la commune on a le maire à la tête du bureau communal, le président du conseil de cercle au niveau du cercle et le président du conseil régional pour la région. Ainsi, depuis 1999, la décentralisation est généralisée sur l’ensemble du territoire et les collectivités travaillent pour rendre les services sociaux de base à la population. Dans ces services de bases, vous avez les questions administratives, comme les actes de naissance, les actes malheureusement de décès et les actes de mariage. Ces collectivités s’investissent dans les questions de protection d’environnement, de salubrité mais aussi dans les services de base comme l’éducation et la santé. C’est donc dire que les collectivités territoriales travaillent depuis le début du processus de décentralisation jusqu’à nos jours sur ces questions et elles continuent de le faire. A chaque étape, l’Etat en collaboration avec les élus et les partenaires techniques et financiers évalue le processus et fait le bilan pour diagnostiquer ce qui a bien marché, ce qui a le moins bien marché et ce qu’il faut corriger. Donc après dix années de pratique de la décentralisation, on a fait un bilan très pointu qui a montré que les collectivités ont apporté une bonne contribution dans les questions de délivrance des services de bases, comme la santé, l’éducation, l’eau potable, les services administratifs et les questions d’assainissement à nos concitoyens. Mais, le bilan a fait ressortir aussi que depuis 2011 peu d’effort ont été fait par les collectivités en matière de développement, de création de richesses et de création d’emplois. Et comme l’objectif de la décentralisation n’est pas seulement les services de base, il faut aussi créer les conditions d’un développement durable. Donc, pour aller au développement, les analyses ont été faites que la porte d’entrée des efforts de l’Etats et de ses partenaires doit être focalisée sur la collectivité-région. Par exemple, dans une collectivité-région, comme celle de Sikasso, on a des cercles et des communes et c’est la région qui doit être l’interlocuteur et l’interface entre l’Etat et les collectivités mais aussi entre les collectivités et les partenaires, c’est-à-dire tous ceux-ci qui veulent venir aider. Et si on s’organise pour soutenir la collectivité-région et voir en elle notre interlocuteur, on peut amorcer rapidement les questions de développement. C’est pour cela qu’un accent a été mis sur le soutien, un accompagnement plus soutenu de la collectivité-région afin qu’elle porte les questions de développement. Pour être simple, le concept de régionalisation, est un concept de renforcement de la décentralisation, qui vise aussi à donner plus de rôle économique à nos collectivités à travers la région. La régionalisation se met en place dans le cadre d’un Etat unitaire, conformément au principe de la libre administration des collectivités territoriales.

 

Infosept : Pouvez-vous nous expliquer les enjeux que recouvrent cette décentralisation axée sur la régionalisation ?

 

M. Adama Sissouma : Comme je vous le disais ci-haut, l’un des enjeux majeurs de la régionalisation reste le développement global. Un autre enjeu reste la création des richesses et des services de meilleures qualités. Selon les statistiques, le Mali fait partie des pays les plus en vue sur le plan de la croissance démographique et le constat est qu’il y a une ruée de l’ensemble de nos concitoyens de nos villes et villages vers la capitale parce que tout simplement on pense qu’il y a tout à Bamako à savoir : l’emploi, un meilleur accès aux services sociaux de base. Pendant que sur le terrain on constate que dans les villes secondaires, il n’y a pas d’opportunités d’emplois, d’études et de soins convenables. Alors, la régionalisation permettra de faire en sorte que chacune de nos localités puisent avoir les infrastructures nécessaires et les conditions idoines d’amorcer son développement et surtout de délivrer des services de bases de qualité à l’ensemble de nos concitoyens. Et si on développe beaucoup plus le concept, on dira aussi qu’il recouvre des enjeux de stabilité et de cohésion. Car, si une bonne partie de nos concitoyens n’ont pas d’emplois, ni de quoi se traiter, le pays ne peut être stable et les désœuvrés s’allieront aux sirènes des premiers venus pour faire la guerre.

Il faut souligner ici que la réussite de la régionalisation implique l’ensemble des acteurs à savoir l’Etat à travers ses départements ministériels et leurs services rattachés, qui ont mission d’orienter le processus, de déléguer des compétences et des moyens aux régions et d’en assurer le contrôle. Quant aux régions, elles devront assurer le leadership des dynamiques régionales et créer  les conditions d’une meilleure implication de l’ensemble des autres acteurs à savoir les cercles et les communes qui pourront ainsi mettre en œuvre certaines actions en fonction de leurs compétences spécifiques sur la base des planifications arrêtées à la suite des concertations régionales. Un autre acteur clé de ce processus est le secteur privé qui constitue le moteur du développement économique. Il doit être le porteur de projets productifs, créateurs de richesses et d’emplois au niveau régional. Enfin, la société civile, elle aussi doit jouer un rôle important pour assurer un développement régional fort et équilibré en tenant compte des équilibres qui favorisent la participation de toutes les composantes de la région.

 

Infosept : Selon vous, quelles seront les modalités de mise en œuvre de la régionalisation?

 

M. Adama Sissouma : Ici, je dirais que nous avons un certain nombre d’éléments forts. D’abord, faire en sorte que les collectivités-régions aient plus de visibilité dans leurs missions. Faire en sorte qu’elles aient un mode de désignation des organes des collectivités-régions de façon plus directe et plus démocratique. Les textes prévoient avec la régionalisation, qu’il y ait une élection au suffrage universel direct dans les régions pour mettre en place les conseils de région à partir de scrutins de liste à la proportionnelle. C’est-à-dire que les listes vont être mises à compétition à travers l’élection et les voix seront réparties au prorata du nombre de voix obtenues par liste. Dans ce contexte, il est prévu que le premier nom sur la liste majoritaire qui a obtenu le plus grand nombre de sièges devienne automatiquement le président du conseil de région. C’est le même schéma qui est prévu au niveau communal. Mais pour le reste des membres du bureau qui accompagne le président du conseil régional ou communal, pour le travail au quotidien, ils seront élus par leurs pairs.

 

A cela il faut ajouter l’engagement de l’Etat qui envisage la création d’une agence régionale de développement dans chacune des régions et dans le District de Bamako. Ces agences auront pour rôle d’appuyer et d’assister leur région sur les questions de développement. Techniquement parlant, elles appuieront la maitrise d’ouvrage des actions de développement, mais concrètement, il s’agira de faire en sorte que les régions aient de bons programmes et projets de développement, des études de dossiers de marchés pour que les appels d’offres soient faits de la façon la plus efficace et professionnelle possibles, que les travaux une fois entamés soient suivis de la meilleure manière. Parallèlement à cela, le financement sera accru, car l’Etat s’est engagé à donner d’ici à l’horizon 2018, 30% des ressources publiques aux régions contre 10% aujourd’hui. En plus, il y aura la continuité du dispositif d’appui avec l’ANICT auquel viendra s’ajouter le contrat-plan Etat-région. Ainsi, avant la fin de l’année 2015, il y aura la conclusion de deux contrats-plans. L’ambition du Gouvernement pour les prochaines années sera la mise en place d’un contrat-plan entre l’Etat et chaque région qui visent un programme pluriannuel de développement dans lequel l’Etat précise ce qu’il va prendre en charge et idem pour la région. Il devient un cadre dans lequel peuvent intervenir d’autres partenaires pour soutenir le développement.

 

Infosept : Apparemment c’est la région qui sera au cœur de ce nouveau mode de gouvernance. Alors quelles seront les compétences que détiendront finalement ceux qui seront à la tête des régions ? 

 

M. Adama Sissouma : Vous savez, chaque collectivité est dirigée par un organe délibérant qui décide conformément à la loi de la préparation de son programme de développement économique, social et culturel assorti d’un budget et d’un chronogramme d’exécution. L’organe délibérant ne peut décider d’une matière qui n’est pas prévue par la loi. Par exemple, une commune ou une région ne peut décider de frapper sa propre monnaie. Car cela relève de la compétence exclusive et régalienne de l’Etat. Donc, l’exécution du PDESC est confiée à un bureau régional dirigé par le président, assisté de vice-président et au niveau communal par le maire assisté d’adjoints. A leur côté, nous avons les représentants de l’Etats, à savoir les gouverneurs, les préfets et les sous-préfets qui restent même avec la régionalisation pour veiller au respect de l’intérêt général et à l’application correcte des lois et règlements de la République. Il importe donc de souligner que dans toute collectivité, c’est l’agent public du Trésor qui est le comptable de la collectivité.

Propos recueillis

source : Inf@sept

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