Au Mali, lorsqu’une femme accouche, elle a droit à une période de repos qui s’étend sur 40 jours. À quelles fins cette pratique répond-t-elle?
Dans certaines de nos cultures, à chaque maternité, la nouvelle maman est envoyée chez ses parents. Chez d’autres, elle ne va en famille qu’à la première maternité. Cette pratique serait une forme d’abstinence, qui a évolué avec le temps, car certaines femmes peuvent rétomber anceintes très rapidement, ce qui peut être source de complications.
Ainsi, cette situation met la vie et de la maman et de l’enfant en danger, et joue aussi sur l’épanouissement du couple. Les moyens contraceptifs modernes n’étant pas assez connus ou acceptés par certaines personnes, elles préféraient envoyer la femme faire un court séjour dans sa famille. D’autres disent que c’est pour permettre à la femme d’apprendre l’art d’être mère auprès de sa maman. Elle est accompagnée et guidée tout au long de cette période.
Une période de veille
Les premiers mois de l’enfant étant complexes à gérer, la jeune maman a besoin d’assistance. Dans cette tâche, elle est aidée par la grand-mère maternelle du bébé. « Une nouvelle maman a besoin d’attention, tout comme le nouveau-né. Or les membres de la belle-famille n’ont pas la patience qu’il faut, contrairement aux personnes de ta propre famille », nous explique Sali, une dame trentenaire trentaine qui, à chaque accouchement, passe la quarantaine chez sa mère.
Mais cette période profite aussi aux maris. « Pendant la quarantaine, le bébé passe la nuit à pleurer. Après une journée chargée, ce n’est pas aisé de supporter les vagissements du nouveau-né qui, souvent, durent une bonne partie de la nuit. Donc, quand la femme rentre chez elle, ça permet à l’homme de se reposer un peu. », nous confie Karim Doucouré, aujourd’hui père de quatre enfants.
Pourquoi 40 jours ?
Les lochies (saignements après accouchement) durent entre trois et quatre semaines. Elles peuvent souvent se prolonger jusqu’à huit semaines chez certaines femmes. Ce qui explique les 40 jours de retraite des femmes. Aussi, cela met la femme à l’abri d’un rapport sexuel pouvant comporter des risques pour sa santé.
Sur le plan médical et religieux, notamment musulman, il est fortement déconseillé d’avoir des rapports avec une femme qui a ses menstrues ou qui a encore ses lochies. « Lors de l’accouchement, le placenta accroché à l’utérus se détache et cela provoque une plaie, ce qui cause le saignement. Il faut donc donner du temps à cette plaie de cicatriser.», explique Dr. Fatoumata Lalla, enseignante et chercheuse à la Faculté de médecine de Bamako.
Selon elle, avoir des rapports sexuels avec une femme durant ce moment peut non seulement lui faire mal, mais il y a aussi le risque d’infection car, explique-t-elle, cette plaie est une porte ouverte aux maladies sexuellement transmissibles. « Contrairement à ce que beaucoup pensent, il y a des hommes comme le mien qui demandent les rapports intimes dès que les lochies paraissent avoir diminué. Tu as donc le choix entre prendre tes distances, ou le repousser à chaque fois, ce qui peut provoquer des disputes », témoigne Sira Koïta, quarantenaire.
Quelles qu’en soient les raisons, la quarantaine reste sacrée chez beaucoup de Maliens. Dans diverses contrées du Mali, à la fin de cette période, la femme est telle une nouvelle mariée. Elle est couverte de présents par le mari et se fait toute coquette avant de regagner son foyer. Cela est aussi un nouveau départ pour le couple sur le plan intime.