Les propriétaires des champs situés aux alentours de la ville de Baraouéli étaient face à la presse le jeudi dernier. Ils entendent manifester toute leur indignation et leur mécontentement face au comportement inqualifiable de leur Maire Cheickna Hamala Tounkara. Ce dernier veut en effet s’accaparer de 72 hectares de leurs champs pour les morceler et les vendre. Face à leur refus, ils font l’objet d’harcèlements et de menaces de la part de leur édile. Pour éviter tout affrontement, les paysans ont saisi le juge de paix à compétence étendue de Baraouéli pour faire respecter leurs droits coutumiers dans ce litige foncier à défaut annuler l’arrêté scandaleux de l’ancien gouverneur de Ségou, Georges Togo, relatif au schéma directeur d’urbanisation de la ville.Cette rencontre avec les hommes de média s’est déroulée dans la cour de Barou Sylla sise à l’entrée de la ville. La conférence a été animée par Sadio Traoré.
Le maire Cheickna H. Tounkara est appelé le jeudi 7 juin 2018 à comparaitre devant le juge de Baraouéli, suite à une requêteaux fins de confirmation de droits fonciers coutumiers des paysans. Ils sont au nombre de 54 cultivateurs regroupés en un collectif présidé par Amadou Gory, qui ont porté plainte contre le maire pour réclamer leurs droits.
Les faits …
Selon le conférencier, Sadio Traoré, ancien député de la localité et aujourd’hui conseiller communal, cela fait deux ans que les propriétaires des champs sont opposés au Maire Tounkanra. En effet, depuis la première semaine de son investiture, en décembre 2016, le Maire a entamé des concertations avec l’association des jeunes, le chef de village et ses conseillers, de son intention de viabiliser les quatre côtés de la ville de Baraouéli.
« A notre grande surprise, nous avons appris que le Maire, lors d’une de ses rencontres avec le chef de village et ses conseillers, a demandé à ces derniers d’informer tous les propriétaires de champs, de son intention de lotir les quatre côtés de la ville de Baraouéli et pour ce faire, il souhaite leur adhésion moyennant une contrepartie. D’abord, nous n’avons jamais été touchés par nos conseillers respectifs et quand il s’en est rendu compte, il nous a envoyé dès fois les membres de la commission domaniale de la Mairie, dès fois l’imam et le chef de village, à l’effet de nous convaincre d’adhérer à son projet. », a expliqué M. Sylla. Face au refus des paysans de céder leurs terres, le maire passe à la vitesse supérieure et brandit quelque temps après un arrêté magique pondu parl’ancien Gouverneur de la région de Ségou, M. Georges Togo,à seulement quatre jours de son départ à la retraite, suivant Numéro 1300-GRS-CAB qui date du 27 décembre 2017. Faisant l’émiettement des 72 hectares dont il n’a pas la qualité en parcellesà usage d’habitation du lotissement des Titres Fonciers (TF) N° 291, 292, 293, 294, 295, 296, 297, 298,299 du cercle de Baraouéli. Cet arrêté, qui est un acte unilatéralémanant du gouverneur qui n’en avait pas la qualité, selon les conférenciers car, la loi lui autorise la mise à disposition de 10 hectares. Au-delà de quoi le dossier doit passer impérativementpar le conseil des ministres. Le gouverneur Georges Togo, un administrateur de classe exceptionnelle,a-t-il méprisé l’esprit des textes en la matière ou a-t-il fermé les yeux pour des raisons dont on ignore ? Dans sa forme, l’arrêté doit respecter un certain nombre de règles. D’abord son auteur devrait préciser quelles sont les lois et les règlements sur lesquels il se fonde pour prendre sa décision. Ensuite le texte de l’arrêté devrait informer les propriétaires des champs pour les mesures envisagées, a fait savoirle conférencier, ancien législateur. En poursuivant, Sadio Troaré dira que le Maire a dit qu’il a acheté les titres fonciers en question avec la direction régionale du domaine de Ségou et que la parcelle de 400 m2 en TF lui a coûté 310 760 F CFA. Qu’il faille donc vendre la parcelle à 410 000 FCFA aux demandeurs de parcelles dont lui-même (le Maire) a invité les populations via les antennes des radios de la place à venir faire des demandes de lots à usage d’habitation sans préciser les conditions, auprès de certains de ses amis et collaborateurs. Dans cette opération de communication, il y aurait au moins 3000 demandes. Un chiffre confirmé par le Maire Cheickna. Chiffre sur lequel, il se base pour convaincre les uns et les autres de la nécessité de son projet de lotissement. Donc l’objectif caché est mercantile.
Pour mettre en branle le plan d’arnaque du Maire, l’ancien député Sadio dira que qu’« au même moment, le même maire nous parle du schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la ville de Baraouéli et environs pour une durée de 20 ans ».Dans ce schéma, tout est clair, concis et précis. Mais dans son application par le nouveau Maire, élu de l’URD, la contradiction est flagrante ! Soit le Maire Tounkara ne maitrise pas le schéma, soit il a des intentions inavouées. Le schéma est déjà un acquis, mais lui prétend acheter des titres fonciers auprès des services du domaine de Ségou. A ce niveau, l’interrogation demeure entière.
Car le Décret d’application N°02-030/P-RM du 30 janvier 2002 signé par le président de la République Alpha Oumar Konaré est très clair et précis. Dans son article 3, il est écrit noir sur blanc que le schéma directeur ainsi approuvé est opposable à toutes les collectivités publiques et aux tiers opérants dans son périmètre. Dans sa stratégie d’application, il est clairement mentionné les différentes étapes dont la première est la stratégie foncière qui traite de la problématique liée à la gestion des terres. Malgré l’avènement du droit positif malien avec le code domanial et foncier, le droit coutumier reste très ancré dans la localité. Cette étape cruciale n’a pas été respectée par le Maire, regrettent les paysans victimes de la mesure. Donc pour eux, le Maire veut leur arracher leurs terres de culture pour les vendre. Or, selon leurs dires, ces champs n’ont rien à avoir avec le schéma directeur en question.
Que prévoit le schéma directeur ?
Le document du schéma précise en son point 5.2 relatifaux stratégies d’application, d’importantes mesures concernant sa mise en œuvre.Au jour d’aujourd’hui, il ne serait pas superflu d’interroger le Maire et les services techniques compétents sur l’état de mise en œuvre dudit schéma durant ces deux décennies.
Les programmations du schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la ville de Baraouéli, en ce qui concerne sa stratégie d’application,ont été réparties en deux phases : la premièreallait de 2002 à 2011 et avait pour objectif la réhabilitation des tissus anciens autrement dit les deux vieux quartiers de Baraouéli Madina et Gounouba ; l’aménagement des zones de recasement et l’aménagement du 1/3 de l’habitat administré (l’attribution des Maires) soit 19 hectares durant les dix années. Et 10 hectares pour l’habitat planifié (les logements sociaux).A noter que durant cette première décennie,à part le bitumage de la route Konobougou-Barouéli suite à quoi certaines maisons aux abords de la route ont été cassées, le conseil communal a saisi la tutelle afin de lui affecter dans son schéma une parcelle de terrain à usage d’habitation pour les populations touchées par l’agrandissement de la route. En réaction à cette demande, le Gouvernement a pris le décret n°2013-837/P-Rm du 31 octobre 2013 portant affectation au Ministère de l’Administration Territoriale de la parcelle de terrain sise àBaraoueli, objet du titre foncier N°73 de plus de 10 ha du cercle de Baraoueli.
La seconde phase s’étend de 2012 à 2021 et concerne principalement l’aménagement des superficies restantes pour les deux types d’habitat à savoir : 38 hectares pour l’attribution des Maires et 20 hectares pour les logements sociaux.
En termes clairs, le document du schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la ville de Baraouéli a prévu sur une période de 20 ans, en tout pour tout 57 hectares pour l’attribution au compte du service domanial de la Mairie de Baraouéli. Mais en une année de gestion, le Maire Tounkara bat tous les records en matière de lotissement de l’indépendance à nos jours.A lui seul, il veut morceler plus de 72 hectares au nom d’un schéma qui n’atteint pas en réalité 60 hectares sur une période de 20 ans. Et cela au détriment des paysans sans purge de leurs droits coutumiers.
C’est pourquoi les paysans, lésés, ont décidé de porter l’affaire devant les tribunaux compétents. Pour sa part, le Maire Tounkara se dit serein et balaie d’un revers de la main les accusations et estime que tout le monde était d’accord y compris le chef de village, qui lui a donné son feu vert pour le faire.« J’ai fait 18 ans accesseur du droit coutumier au tribunal et je sais de quoi il s’agitet on verra la suite. », conclut-il. En tout état de cause, toute expropriation pour raison d’utilité publique et par n’importe qu’elle autorité, se fait selon des principes législatifs et réglementaires dans notre pays. Wait end see ….
A.B.D, envoyé spécial
Source: L’Enquêteur