Proche du président Ibrahim Boubacar Kéita dont il a été le directeur de campagne à la présidentielle de 2013, Abdoulaye Idrissa Maïga parle sans détour ! Ancien de l’IPR, il a travaillé un peu partout au Mali dans le domaine du développement rural. Au niveau de la société civile, il a été de 1990 à 1999, secrétaire général adjoint de l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH). La présidentielle de 2013, la section de Gao, ses relations avec les maires, avec Tréta… il dit tout dans l’entretien ci-dessous qu’il nous a accordé.
Les Echos : Quelles sont vos ambitions pour le RPM ?
Abdoulaye Idrissa Maïga : Que le RPM retrouve la sérénité et toute sa place au sein de la majorité. Mon ambition est que notre parti, le RPM, puisse jouer toute sa partition en tant que parti majoritaire. Il faut que le RPM puisse s’affirmer comme parti de gauche dans l’intérêt du Mali, qu’il puisse apporter des solutions aux problèmes d’un pays en crise. Notre parti doit être lucide et responsable. Nous voudrons, au RPM, faire autrement la politique.
Les Echos : Vous avez été directeur de campagne d’IBK. Et votre candidat a gagné les élections. Quels sont les enseignements que vous en tirez ?
A.I. M. : Je crois que je n’avais pas eu l’occasion de remercier les électeurs et les militants publiquement. Mieux vaut tard que jamais. C’est vraiment pour moi le lieu de remercier tous ceux qui ont cru en nous. Nous avons fait une bonne campagne. Sur 25 candidats, le nôtre s’est largement détaché dès le 1er tour. C’était à la hauteur de nos attentes.
Contrairement à ce que beaucoup pensaient, le « takokelen » n’était pas ma vision. Tel que les électeurs l’ont décidé, c’est ainsi que je le voulais : majoritaire dès le 1er tour, renfloué par les autres qui sont venus nous soutenir. La situation d’un pays en crise demande la cohésion.
Après la victoire, la raison commande de distinguer le vrai de l’ivraie, de défendre la vérité contre l’abime. Je remercie IBK pour sa volonté de vouloir rassembler. Il nous fallait une majorité parlementaire pour conforter la victoire du 4 septembre. Dès le départ, IBK a voulu rassembler le plus, pour avoir une capacité parlementaire. C’est toujours bien de rassembler.
Les Echos : Etes-vous candidat à la présidence du RPM ?
A.I. M. : Je ne suis candidat à rien du tout ! Je ne suis dans aucune espèce de positionnement. J’ai une ligne de conduite claire. Au dernier congrès, de juillet 2011, nous avons copté au bureau des camarades. Le parti a déjà un président. Il faudrait attendre un congrès, que le président, même s’il a été élu président de la République, dise qu’il n’est plus candidat et qu’il décide. Notre rôle, c’est juste l’animation du parti. Il faudrait attendre un congrès pour que le président actuel du parti décide. Sinon, nous avons déjà un président, et personnellement, je n’aspire à rien du tout !
Les Echos : Quels sont vos problèmes avec Tréta ?
A.I. M. : Votre question a au moins le mérite d’être directe ! Tréta et moi avons juste des différences caractérielles. Ce qui m’oppose à lui, c’est une divergence de vue sur tous les sujets que vous avez évoqués.
Il est le secrétaire général du parti, je suis son adjoint. Dans le fond, rien de personnel ne nous oppose. C’est juste idéologique, et il n’y à rien à étaler sur la place publique. Lui et moi, nous avons eu l’occasion, de parler d’homme à homme, le 2 août dernier devant 7 de nos camarades. C’était pour nous comprendre et ne pas surtout tomber dans les combines et aplanir les aspérités.
S’il y a différend entre nous, nous le vidons rapidement, car lui comme moi devons travailler à conforter le président. Le RPM doit être revisité par les pensées et les convictions. Rien n’est à lier à nos petites personnes.
Les Echos : Au RPM, on pense que la section de Gao est celle qui a plus de problèmes. Que faites-vous pour les résoudre ?
A.I. M. : La section de Gao n’est pas un enjeu pour moi. On s’empresse de vous voir, de vous plaire, comme dit Corneille !
Ce qui se passe à Gao est la voie choisie par ceux qui sont membres de tous les partis au pouvoir : Ils ont été de l’Adéma, du PDES, maintenant, ils veulent venir au RPM.
De 2001 à nos jours, avec un nombre restreint de camarades, dont certains sont aujourd’hui à l’Assemblée nationale, nous avons porté le parti à Gao. Je suis de la localité, j’y ai travaillé 18 ans. J’ai donc très vite compris les combines. Pour les législatives, j’ai dit que si le RPM ne va pas avec l’Adéma, il ira seul, mais pas avec un autre parti. Ceux qui avaient échoué à être candidats du RPM en lieu et place de ceux qui étaient là dès le départ continuent à courir derrière leurs échecs de septembre 2013.
Jusqu’ici, j’ai gardé le silence, mais dans l’esprit de Kipling. Je ne prête pas le flanc, sinon je ne suis candidat à rien. Je n’ai jamais eu de complexe. J’ai appris à me connaître et à connaître les autres. Les questions d’honneur et de dignité ne s’inventent pas. Défendre des valeurs, défendre la vérité n’est pas facile.
Des gens tentent de nous accabler par la surcharge médiatique. Ces battages médiatiques ne m’atteignent pas. Au-delà de la guéguerre et de la guerre des plumes, il faut que chacun fasse la guerre à ses propres passions.
Des gens qui n’ont pas correctement adhéré au parti veulent en prendre le contrôle. Voilà le problème à Gao. Pour ma part, j’entends rester dans le format d’éducation des valeurs que je porte. Au mois de mai, vous aller constater qu’ils vont encore alimenter la presse en charriant l’ivraie. Mais, nous avons compris depuis. Ils pensent pouvoir affaiblir le RPM pour en prendre le contrôle. Ça ne sert pas la cause du RPM et nous n’allons pas laisser faire.
Les Echos : Vous avez eu beaucoup de problèmes avec des maires. Finalement, ce n’est pas un acharnement politique de votre part ?
A.I. M. : Nul acharnement ! Ce sont des faits patents ! Il y a eu 4 maires suspendus, mais c’est seulement deux qui font l’objet de battage médiatique.
Il y a d’abord le cas du maire du district. Il y avait mille raisons à agir dans le sens de la décision de juillet. Pourquoi avons-nous attendu ? Une série de faits : il revenait d’une suspension, mais c’est une banque qui nous a saisi pour un impayé d’un milliard F CFA. Nous avons transigé. Mais, dans le cas de la zone aéroportuaire, la loi est la loi. Tous ceux qui se trouvaient dans le dossier ont été sanctionnés. Je ne cherche pas à être populaire. La mesure est générale.
Pour ce qui concerne Gao, je vous disais tantôt que je suis de la localité. S’il s’agissait d’acharnement, j’allais le sanctionner sur la base de ce que je savais de lui. Et tout le monde le connaît. Quand on prend des fonds de la mairie pour les mettre sur son propre compte, on ne peut plus parler publiquement !
C’est une plainte des citoyens de sa Commune qui a été traitée. Avant, j’ai personnellement visité l’endroit, objet de la plainte. Le compte-rendu fait dans la presse est loin de la réalité. A Gao, c’est le préfet qui décide, contrairement à Bamako. Vous avez de gros menteurs qui ne seront jamais dans le cercle vertueux de la démocratie.
Je m’impose de garder la même ligne de conduite. Je ne dérogerai jamais à la règle. Mon juge, au-delà du Juge suprême, est ce que je tiens à remplir comme part de contrat vis-à-vis de nos parents. Ma mère va sur ses 98 ans. Je voudrais qu’elle n’ait jamais à reprocher à ma conduite, par rapport à l’éducation qu’elle m’a inculquée.
Le maire de Gao est PDES, c’est tout à son honneur d’être resté dans son parti, contrairement à tous ceux qui nagent en eau trouble.
Vous savez, il y a comme un jeu de rôle, un jeu de vases communicants, une imposture, une tentative d’usurpation. Seule une analyse fine permet de comprendre les vœux funestes des protagonistes qui ne veulent pas comprendre que le Mali mérite respect et considération de tous. Cela doit passer par nous d’abord. Le pouvoir, c’est une grande clairière que personne ne peut traverser sans perdre quelques plumes.
Mon vœu le plus ardent est que chaque Malien soit défenseur de la République. Pour être à même de défendre l’Etat, il faut avoir souci de l’Etat et travailler pour l’éloquence des faits.
Les Echos : Avec le report des élections, les maires vont-ils continuer ou y aura-t-il des délégations spéciales ?
A.I. M. : La question n’est pas tranchée. Maintenant, ce sont dans les prérogatives du ministre de la Décentralisation. J’ai souhaité une concertation avec la classe politique. Les acteurs politiques restent les acteurs majeurs avec lesquels il faut échanger. Je félicite ceux qui sont venus à la rencontre, dont le ministre de la Décentralisation. Dans ma posture actuelle, je n’ai pas de choix. C’est le ministre de la Décentralisation qui décide.
Déjà, il y a un consensus pour découpler les communales et les régionales. Tout le monde est d’avis que 7 ans, c’est trop pour un mandat de 5 ans. L’urgence, c’est qu’il faut décider d’ici le 25 octobre, date de la fin des mandats des élus. Si on opte pour des dérogations, il faudrait vite retourner devant les députés.
Source: leschos