Après l’attaque de Bamako dans la nuit de vendredi à samedi contre le restaurant La Terrasse et l’attaque du camp de la Minusma à Kidal dimanche, Abdoulaye Diop, ministre malien des Affaires étrangères, a rencontré ce lundi 9 mars son homologue français Laurent Fabius à Paris. Abdoulaye Diop répond aux questions d’Amélie Tulet.
Adoulaye Diop : Vous savez qu’il n’y a pas de risque zéro en matière de lutte contre le terrorisme et que des pays plus nantis que le Mali ont été victimes de ce genre d’attentat. Nous ne pouvons que déplorer ce qui s’est passé et exprimer toutes nos condoléances. Et cela renforce notre détermination à lutter contre le terrorisme.
Pour vous, quel est le message des assaillants ?
Le message est clair, sans équivoque, c’est une attaque contre la paix. Ces attaques interviennent au moment où, le 1er mars, nous avons paraphé un accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Et nous sommes en train de travailler pour que le groupe de la coordination des mouvements qui n’a pas encore apposé son paraphe puisse le faire.
La coordination des mouvements de l’Azawad, donc les groupes du nord du Mali ?
La coordination des mouvements du nord du Mali.
Donc pour vous, c’est une attaque à ce processus de paix ?
Pour nous, c’est une attaque claire pour faire dérailler le processus. Il y a urgence. Nos frères doivent aller vite, faire leur choix sur la base de l’accord de paix qui est sur la table.
Pour Bamako, c’est le groupe al-Mourabitoune de Mokhtar Belmokhtar qui a revendiqué l’attaque, est-ce que cette revendication vous a surpris ?
Nous savons qu’il y a plusieurs groupes terroristes qui opèrent dans le nord du Mali : Ansar Dine, Aqmi, al-Mourabitoune. Ce qui est clair, c’est qu’aujourd’hui nous sommes déterminés à lutter contre ces groupes d’où qu’ils viennent. Le président de la République lui-même a réuni un Conseil de défense pour donner des instructions claires, élever le niveau d’alerte et puis travailler avec nos amis, pour éviter que ce genre de situation ne se reproduise. Et il est important que la population, et nos amis qui vivent parmi nous, comprennent que l’objectif recherché par le mouvement, c’est justement de faire partir nos amis, de créer la panique. Et que la meilleure façon, comme cela a été fait ici quand il y a eu l’attaque contre Charlie Hebdo, c’est aussi de dire non, de dire que nous n’avons pas peur, nous allons continuer à vivre notre vie. Nous invitons nos amis à observer les mesures de prudence, dictées par leur gouvernement, mais à rester avec nous et à continuer aussi à nous soutenir.
Vous venez de rencontrer le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qu’attendez-vous de la France ?
Nous attendons l’appui politique de la France dont nous avons été assurés. Nous souhaitons aussi que la France, en tant que membre du Conseil de sécurité, continue à faire en sorte que le Mali puisse bénéficier de l’assistance pour se remettre sur pied.
Est-ce que vous souhaiteriez une plus grande présence de la force internationale dans la capitale malienne ?
Ce qui est certain, c’est que la police scientifique du Mali, la police technique et nos services en général ont besoin d’une collaboration avec les autres et de mesurer maintenant quel renforcement de dispositif. Mais le plus important, c’est de faire en sorte que les services maliens puissent eux-mêmes prendre en charge la sécurité des Maliens et des étrangers, qui sont toujours les bienvenus.
Peut-on parler d’une cellule dormante terroriste présente dans la capitale malienne ?
Nous n’avons pas d’indication spécifique par rapport à ça. Mais si ces unités ont pu intervenir à Bamako c’est qu’il y a des complicités certainement, il y a des cellules qui ont pu exister ici et là, qui ont pu être activées. Encore une fois, comme dans tout pays, c’est difficile de se prémunir totalement contre ces types d’actes, nous devons nous organiser et être plus vigilants. Et le plus important, la population qui est partout, qui voit les allées et venues des citoyens, doit aider les forces de sécurité à signaler des activités suspicieuses.
Vous demandez à la population malienne de collaborer avec les forces de sécurité par exemple ?
Absolument, c’est nécessaire, c’est indispensable. C’est aussi un devoir citoyen.
D’où vient le vrai danger pour le Mali ? Des réseaux du nord, des réseaux islamistes, de Boko Haram ?
De partout, à mon avis. Le premier pas est de faire en sorte que les frères des mouvements qui hésitent encore, se décident rapidement pour que l’on ait un accord de paix, pour que l’on ait la réconciliation entre Maliens. Ceci nous permettra, dans un second temps, d’isoler les groupes terroristes maliens ou étrangers, de les isoler et de les combattre. Ces groupes, ce n’est un secret pour personne, ont des liens avec Boko Haram, ont des liens aussi avec d’autres groupes qui opèrent en Libye, probablement au-delà, donc nous ne faisons absolument aucune différence. Il y a aussi les narcotrafiquants. Il y a une frontière poreuse entre tous ces différents groupes. Je crois que c’est vraiment une lutte globale. Mais il nous appartient de voir la dimension politique, de voir là où il y a des revendications qui peuvent paraître légitimes, comment les prendre en charge ? Comment faire une alliance pour lutter contre les forces obscurantistes qui s’opposent à la paix ?
Puisqu’on parle du nord, après Bamako, c’est Kidal qui a été frappé dimanche. Le camp de la Minusma, la mission des Nations unies, a été visé, est-ce que cette attaque à Kidal a été revendiquée ?
Nous n’avons pas eu d’informations pour l’instant sur l’identité des assaillants. Mais l’objectif est d’attenter à la paix et de faire partir les forces internationales qui sont là pour aider.….Lire la suite sur rfi.fr