L’arrêt persistant du trafic voyageur constitue une préoccupation sociale. Les riverains sont en détresse car, les économies locales sont paralysées, les familles sont menacées, la pauvreté s’accentue.
A cela s’ajoute le manque d’infrastructures et l’absence totale de services sociaux de base. Votre journal préféré a cherché à en savoir d’avantage. Lisez l’interview de Abdoulaye Coulibaly, un riverain des rails.
Mali Sadio : Qui êtes –vous ?
Abdoulaye COULIBALY : Je m’appelle Abdoulaye COULIBALY, je suis ressortissant d’un village riverain des rails.
Mali Sadio : Comment vous percevez l’arrêt du trafic voyageur ?
Abdoulaye COULIBALY : L’arrêt du trafic voyageur est un coup dur, une détresse pour les populations riveraines des rails. Comme vous le savez, les habitants riverains ont l’habitude du train depuis des décennies, la circulation régulière du train voyageur. Avec son arrêtactuel, c’est une détresse, c’est un arrêt de vie.
En son temps, quand le train voyageur circule, les populations riveraines étaient tellement intéressées, enthousiastes puisque cela crée une activité ambiante et mouvante. Cela crée une dynamique d’abord le passage du train voyageur donne de l’engouement aux enfants des localités concernées. Cela les fait voir, les recrée et puis encore les enfants sont tentés de voir quelque chose qui passe. Cela éveille et cultive les enfants qui voient ceux qui quittent ailleurs pour une autre destination. Cela crée du brassage et amène la diversité culturelle. Les enfants apprennent beaucoup.
En plus, ces populations riveraines qui sont là n’ont pas d’activité lucrative. Or, elles exerçaient de petits commerces autour du service voyageur qui venait plusieurs fois dans la journée.
Beaucoup de familles se procuraient de l’argent pour subvenir à leur besoin. Le train est vital pour les riverains. Pendant que certains vendent de l’eau, du poisson, de la viande, d’autres vendent des légumes et fruits etc… C’était vraiment un échange commercial.
Voilà une activité économique développée à ce niveau. Ce qui a un impact sur la population et c’est très important.
Quand le train voyageur s’arrête, ce sont des milliers de familles qui vont en détresse alors les difficultés s’installent. Du coup, cela crée la mésentente voire même la dislocationde nos familles.
Mali Sadio : Alors le trafic voyageur est synonyme de développement, économique, social et culturel des localités riveraines des rails ?
Abdoulaye COULIBALY : On ne peut pas mesurer, quantifier l’importance du trafic voyageur tellement qu’il joue un rôle inestimable, important dans le développement économique, social et culturel des villages et villes riverains des rails.
Mali Sadio : Quelles sont les conséquences de l’absence du trafic voyageur ?
Abdoulaye COULIBALY : L’absence du trafic voyageur est d’abord synonyme de chômage. Imaginez-vous, combien de vies humaines sont liées à ce service voyageur du point de vue travail ? Dans le train voyageur, il y a plusieurs agents tels que les électriciens, visiteurs, contrôleurs, convoyeurs, conducteurs, les vigiles ou les gardes voitures etc… qui en longueur de journée sont en activité.
Quand le trafic voyageur est arrêté, tous ceux-ci seront arrêtés. D’ores et déjà, les conséquences sont visibles puisque l’arrêt du service voyageur se répercute sur nos familles. Vous allez voir jusqu’où cela peut arriver.Automatiquement, cela amène des difficultés en famille et souvent source de tension voire même la dislocation des foyers.
Quand un chef de famille ne parvient pas à subvenir aux besoins de la famille comment il est perçu dans sa famille ?Ces travailleurs en chômage forcé font pitié même si on ne le sent pas.Il est encore important, nécessaire que l’on reprenne le trafic voyageur.
Maintenant, il y a des foyers qui n’ont pas de chefs de famille. Avant, même les veuves sans soutienfaisaient le petit commerce pour nourrir leur familleau passage du train voyageur, pour subvenir à leurs besoins. Si ce train n’est pas là, comment celles-ci vont se débrouiller ? Qu’est-ce que ces gens vont faire pour subvenir au besoin de leurs foyers ?Les enfants ne voient plus rien.
Maintenant, ils sont concentrés dans la famille.Le passage du train est une activité à part où chacun se dirige vers les gares.
L’engouement manque encore dans les gares et les enfants sont concentrés à la maison autour du thé ne voyant plus rien, il n’y a plus de contact avec les nouvelles cultures.
Le développementest freiné, arrêté à ce niveau. Ce sont les conséquences majeures de l’absence ou de l’arrêt du trafic voyageur.
Moi, je me pose cette question quelle est la vision du département en charge des transports sur la question ?
Actuellement nous avons des localités comme Babouko, Galouko, Mahina jusqu’à Oualia où nous sommes sur une piste non praticable. Il en est de même deFangala jusqu’à Toukoto, Boulouli et jusqu’à Kita.
Comment ces populations peuvent vivre ? Je ne sais pas quelle solution le Ministère des transports peut proposer s’il y avait au moins une route bitumée qui crée un engouement dans ce sens mais cela manque.
Pourtant, l’Etat malien accepte de changer de partenaire, d’actionnaire à tout moment. Il se contente seulement du train marchandises alors que les populations souffrent d’enclavement depuis plusieurs années avec tellement de changements au niveau du département. Personne n’y parle.
Est- ce qu’on est là pour gouverner et fermer les yeux sur des corridors aussi importants ?
Ces populations riveraines crient, mais personne ne les entend.
Des populations restent bloquées sur place faute de moyen de transport. Dans le temps, il y avait de petits trains Kita et Mahina. Ces trains ravitaillaient les marchés de Bamako et de Kayes. Tout cela n’est plus qu’un lointain souvenir. Je demande au Gouvernement d’avoir pitié de ces populations riveraines des rails. S’il ne prend pas ses responsabilités, il risquera d’assister un jour à leurs réactions et jouer au pompier.
Il vaut mieux prévenir pendant qu’il est encore temps au lieu de laisser éclater. C’est dur excusez –moi pour la façon dont je m’exprime. C’est parce que je vis ces difficultés et puis je suis riverain des rails.
Je sais ce que vaut le trafic voyageur sur la ligne.
C’est pour quoi je parle ainsi.
Mali Sadio : Quel appel lancez-vous ?
Abdoulaye COULIBALY : J’en appelle à l’unité, à la mobilisation générale. Il faut que les populations riveraines s’unissent et agissent en tant que société civile et nous devenons une société civile forte afin de donner un signal fort au gouvernement. Le dernier mot revient à la société civile même s’il y a lieu d’arrêter le train marchandises par ce qu’on ne va pas vouloir laisser ce train marchandises continuer à tourner en longueur de journée pendant que nous déplorons des années sans le trafic voyageur . S’il n’y a pas de train voyageur que les populations riveraines se mettent ensemble et arrêtent le train marchandises. La société qui s’occupe du chemin de fer sera obligée de donner une petite vie à ces paisibles populations. Il suffit simplement de mettre en mouvement ou en circulation un train voyageur par semaine.
Cela facilitera l’accès.
Ces villages enclavés comme Fangala, Badoumbé, Bouremassou (KP 880), etc… et ce n’est pas tout.A côté de ces villages, il y a d’autres villages qui n’ont même pas de pistes et qui ont des difficultés à se rendre dans les grandes villes tellement qu’ils sont enclavés. Or, ils se déplaçaient par train. Mais où allons-nous en ce moment ?
Si le gouvernement ne voit pas, c’est à nous populations de résoudre notre problème en ce moment. Que cela puisse être un déclic pour le gouvernement à agir.
Notre appel pressant va à l’endroit des plus hautes autorités pour assurer notre développement.
Elles ont hâte de se porter au chevet du nord où l’on se précipite pour gérer la crise alors que cela aussi est un facteur de soulèvement populaire.
Donc, j’en appelle au gouvernement d’être encore plus regardant, très attentif, sensible d’avoir pitié de ces populations afin de mettre sur les rails, un train voyageur par semaine même si les trains intermédiaires ne sont pas là. Il ne suffit que d’un train voyageur pour soulager une grande partie de la population.
Mali Sadio : Votre mot de la fin ?
Abdoulaye COULIBALY : J’invite le gouvernement à avoir pitié de ces populations. Je vous remercie.
Mamadou Sissoko
Source: Mali Sadio