A défaut de ramener la paix dans un pays dont le nord s’embrase de jour en jour et qui est à la limite de la guerre civile, la cérémonie de vendredi dernier a permis au président de la République de signer un accord de paix avec lui-même et avec son peuple, et de marquer son désaccord avec l’Onu sur les questions d’honneur et de dignité. Ibrahim Boubacar Kéita, quoi qu’en disent ces sondages télécommandés et aux résultats préfabriqués, était tombé en disgrâce depuis longtemps à cause de son échec à résoudre les problèmes pour lesquels il a été élu par la quasi-totalité des votants. Un de ces problèmes, c’est la crise sécuritaire, notamment la question du nord. Les opérations de vote de 2013 avaient pu avoir lieu dans le nord grâce à Tiébilé Dramé, le président du Parena, qui, en sa qualité de conseiller spécial du président de la transition, était parvenu, à décrocher un accord entre le gouvernement malien de transition et la rébellion armée, en juin de la même année à Ouagadougou. Les premiers déboires du président Kéita sont partis de sa réticence à mettre en œuvre cet accord préliminaire par notamment l’ouverture de négociation en vue d’un accord définitif de paix. Il aura tergiversé pendant près d’un an avant d’accepter d’engager des pourparlers avec les groupes armés terroristes du nord, puis de négocier. Et c’est après donc un processus de huit mois de négociation que l’accord pour la paix et la réconciliation a été signé ce 15 mai entre le gouvernement malien, l’équipe de médiation internationale conduite par l’Algérie et la Plateforme des mouvements populaires et patriotiques de résistance. La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) boudera la cérémonie de Bamako pour aller parapher le document à Alger. Ce qui prouve à suffisance que l’accord qui vient d’être signé est mort-né.
Accord et réconciliation
Mais, paradoxalement, sa signature va permettre au chef de l’Etat de se réconcilier avec son peuple et de lui faire comprendre, sans pour autant trop s’expliquer là-dessus, pourquoi il a échoué dans son entreprise de ramener la paix au Mali. En effet, avant et pendant la cérémonie de signature du fameux accord, le nord et le centre du pays étaient en proie à la violence. Des personnes et des villages entiers étaient régulièrement attaqués, rançonnés et dépouillés de leurs biens. Avec très souvent des pertes en vie humaine. Les positions et convois militaires aussi font l’objet d’attaques souvent meurtrières. Mais malgré les critiques de l’opposition et la pression de la population, le gouvernement n’a jamais pu se résoudre à donner l’ordre politique à l’armée de riposter ou de sortir de ses positions. En cela, le président Kéita entendait rester dans le cadre strict du respect des relations internationales : devant la communauté internationale son gouvernement avait signé et entendait respecter les accords de cessez-le-feu et de cessation des hostilités jusqu’à ce qu’une issue favorable soit trouvée au processus de négociation en Algérie. Peut-être avait-il tort car, dans le même moment, les groupes rebelles terroristes, également signataires des mêmes accords, s’en donnaient à cœur joie dans le massacre des populations civiles et militaires. Et ils le faisaient sous les yeux des forces françaises et des troupes onusiennes. Si la mission officielle des premières est de lutter contre le terrorisme transfrontalier, celle des secondes est bien la protection des populations. Et pourtant, quand les rebelles terroristes du Mnla et du Hcua sont entrés à Ménaka, en mai 2014, pour contrôler cette zone et terroriser ses populations, la Minusma y avait déjà son camp. Comme elle a des camps un peu partout dans le nord dont les populations sont régulièrement victimes des exactions des rebelles terroristes de la CMA.
Mauvaise foi et hypocrisie
Le représentant spécial du secrétaire général de l’Onu au Mali, également chef de la Minusma, Mongi Hamdi, et le chef des opérations de maintien de paix, Hervé Ladsous, n’avaient jamais parlé si haut de violations de cessez-le-feu et de reprise des hostilités que quand le Groupe d’autodéfense des Touareg Imghad et alliés (Gatia), attaqué, s’est défendu et est entré à Ménaka pour en chasser les indésirables occupants que sont des éléments de la CMA. Ce faisant, ces hauts « gradés » de l’Onu n’ont pas hésité à mentir en disant que l’accord de cessez-le-feu est violé par toutes les parties. Et pourtant, Hamdi Mongi et Hervé Ladsous sont les mieux placés pour savoir que l’armée malienne n’a pas levé le petit canon. Et pour cause, c’est dans le camp de la Minusma que les militaires maliens sont cantonnés depuis la recrudescence des actes de violence en 2014. Le président Kéita, qui s’était longtemps tu, ne pouvait que s’émouvoir devant tant de mauvaise foi et d’hypocrisie, surtout quand ces « qualités » diplomatiques sont exprimées devant un parterre de chefs d’Etat et de gouvernement dont certains, comme l’Ivoirien Ouattara, connaissent les ravages de l’occupation d’un pays par l’Onu.
Autant de Gatia
Aujourd’hui, moins d’une semaine après les propos mensongers du diplomate onusien et de la réplique cinglante de son hôte trop consentant et conciliateur à la limite de la complaisance, après que la presse a traduit la sympathie générale pour le président qui consent enfin à redevenir un homme d’Etat et l’exaspération de tout un peuple envers l’Onu, c’est le peuple de Ménaka qui demande le départ de la Minusma pour complicité avec les rebelles terroristes. Dimanche, la population a marché pour soutenir le Gatia que la force onusienne voudrait mettre à la porte et faire revenir ses protégés de la CMA. La Minusma n’a visiblement pas encore tiré toutes les leçons de la marche des jeunes de Gao, au cours de laquelle ses casques bleus ont tiré sur la foule en faisant des morts et des blessés, quand cette force censée être neutre avait voulu désarmer les mouvements d’autodéfense pour créer une soi-disant zone démilitarisée.
Et maintenant que ces populations du nord savent qu’elles ont réellement le soutien du pouvoir central, elles vont sans doute s’organiser en autant de Gatia pour se défendre contre les rebelles terroristes et demander, elles aussi, le départ des troupes de la Minusma chaque fois que celles-ci s’aviseraient de s’acoquiner avec des criminels de guerre, criminels contre l’humanité, assassins, violeurs, voleurs et brigands.
Cheick TANDINA
Source: Le Prétoire