Avant et après le 1er mars, date du paraphe dans la capitale algérienne du projet d’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger, plusieurs fractions de la classe politique et de la société civile s’étaient déjà mobilisées, à l’initiative du gouvernement, en faveur de ce document. Supposé « porteur d’espoir », cet accord néanmoins ne parvenait pas à avoir l’adhésion d’autres fractions de la classe politique et de la société civile, dont certaines s’y opposaient plus par principe que par conviction sans même l’avoir examiné. Mais malgré les réticences et critiques de cette opposition tout autant active que les adhérents, ces derniers ont beaucoup sensibilisé la population, confortant ainsi la position et la détermination du gouvernement à faire accepter un accord qui « n’est pas parfait » mais avec lequel il fallait faire.
Ennemis de la paix
Et depuis le 15 mai, quelques heures après avoir été paraphé à Alger par les réticents de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), quand le document a été signé à Bamako par le gouvernement malien, la plateforme des mouvements patriotiques d’autodéfense, la médiation internationale conduite par l’Algérie, plusieurs observateurs et deux avatars de la CMA, partis politiques et organisations de la société civile ont à nouveau envahi diverses tribunes, missionnés encore par l’Etat, cette fois pour fustiger et pourfendre les « ennemis de la paix et du développement ». Grande nouveauté rendue publique depuis le mémorable et impétueux discours du chef de l’Etat lors de la cérémonie de signature de l’Accord, au nombre de ces « ennemis de la paix et du développement » figurent désormais en bonne place la France et l’Onu. Pour cause, celles-ci rechigneraient à prendre les sanctions prévues contre les non signataires de l’Accord. En particulier le Mouvement national de libération de l’Azawad, le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad et le Mouvement arabe de l’Azawad qui demeurent fermes dans leur position de ne signer le document que si et seulement s’ils avaient des garanties concernant un statut particulier pour leur Azawad et un avenir radieux pour eux-mêmes dans les hautes sphères de l’Etat. Autre grief contre l’Onu et la France, les mouvements rebelles terroristes continuent les exactions contre des populations civiles et des positions militaires maliennes sans que la Minusma et Barkhane ne daignent intervenir. Pire, ces deux auraient pris fait et cause pour les mouvements rebelles terroristes au détriment des groupes patriotiques populaires qui se sont constitués pour défendre leurs populations contre les incursions et exactions de la CMA. Minusma et Barkhane ne reconnaissent que la seule autorité de l’armée malienne tout en sachant que les militaires maliens, partout où ils se trouvent dans le nord, sont soit cantonnés soit limités dans leurs mouvements, conformément aux accords de cessez-le-feu et de cessation des hostilités que le Mali est seul à respecter sur le terrain, et contrairement à la volonté populaire de voir les forces armées et de sécurité exercer la souveraineté nationale sur l’ensemble du territoire national. Volonté également partagée récemment par la Cedeao qui en plus s’est engagée à prendre des sanctions contre les « ennemis de la paix » au Mali.
Agitation incantatoire
Mais face à toute cette agitation incantatoire de la classe politique et de la société civile, dont les dernières d’envergure sont les séances de prières organisées par les ministres des différents cultes et la grande marche de mardi dernier qui a rassemblé les Maliens de tous horizons, la question est de savoir si elle a grande utilité. Fustiger la France et l’Onu n’est pas un fait nouveau. En 2013, la justice malienne avait émis des mandats d’arrêt internationaux contre des responsables des mouvements rebelles terroristes pour des crimes excessivement graves. Le gouvernement de transition a fini son mandat et passé le relai à Ibrahim Boubacar Kéita sans que la France, les autres pays sollicités ou l’Onu n’aient daigné donner suite à cette demande de coopération judiciaire. Au contraire, les personnes recherchées par la justice malienne ont continué à narguer les Maliens depuis ces pays ou dans leurs chancelleries à l’étranger. Et, comble de mépris, certaines de ces personnes recherchées étaient attendues à Bamako, le 15 mai, pour signer l’Accord de paix que la communauté internationale a imposée au Mali. Et au cas où elles signeraient un jour, elles participeraient activement à sa mise en œuvre.
La Corse, cet Azawad français
Ces personnes sont tellement attendues et désirées que l’émissaire de Ban Ki-moon à la cérémonie de signature de l’Accord et le chef de la Minusma ne se sont pas privés de se délecter du plaisir de faire comprendre aux autorités maliennes que le processus reste ouvert aux non signataires, que ceux-ci peuvent signer quand ils le désirent, qu’ils n’ont à s’inquiéter d’aucune sanction. Même son de cloche du côté français, dont une secrétaire d’Etat invite IBK au dialogue et à la négociation, tout en sachant que la seule chose que les rebelles terroristes veulent négocier, un statut spécial du nord, n’est pas négociable, conformément à la volonté de plus de 99,99% de Maliens. Mais cela n’est pas le souci de la France hollandaise –ce n’était déjà pas le souci de la France mitterrandienne, chiraquienne ou sarkozyenne. Et comme ses prédécesseurs, Hollande doit punir ce président qui a été si sincère dans son désarroi. Pour briser le formidable élan de solidarité envers le gouvernement et raviver les ardeurs de l’opposition dont une partie a participé à la cérémonie de signature de l’Accord, l’affaire Michel Tomi est remise au goût du jour grâce à une ingénieuse fuite organisée. IBK est ainsi accusé d’avoir reçu une bagnole et des fringues de Michel Tomi, un mafioso français auquel de nombreuses personnalités françaises, de droite comme de gauche, des milieux politiques comme judiciaires, devraient leur ascension sociale et politique, raison pour laquelle il reste encore en liberté. Michel Tomi est originaire de la Corse, une région française rebelle qui revendique en vain son indépendance depuis des décennies. Une sorte d’Azawad, en somme. Et IBK doit payer ses amitiés, supposées ou réelles, avec ce rebelle dès lors qu’il refuse de consentir à des terroristes maliens ce qu’il accorde à un Corse mafieux.
Cheick TANDINA
source : Le Prétoire