Pour le blogueur Michel Yao, une grande partie de la jeunesse, notamment à Kayes, a sombré dans l‘addiction à la drogue. Il faut vite agir.
Dix-sept ans, lèvres grillées, yeux rouges, ce jeune se fait appeler « Dose ». Il fume du cannabis en me répondant : « C’est ça ma dose, je la prends tout le temps. En fait, c’est le fuel de mon moteur, sans ça je ne peux pas fonctionner. » Il m’a aussi confié avoir quitté les bancs en 11e année et envisage d’aller un jour en Europe. Comme ce jeune, ils sont très nombreux à Kayes à consommer de la drogue.
Cela devient une inquiétante préoccupation de santé publique. Les conséquences liées à la consommation des substances toxiques sont nombreuses. Les cas de viol, de folie, de crimes, de banditisme, de violences sexuelles caractérisées et le vol sont fréquents dans notre société.
A Kayes, en 2018, plus de 253 000 comprimés de tramadol, des tonnes de cannabis et d’autres drogues ont été détruits par l’antenne régionale de l’Office central des stupéfiants (OCS Kayes), lors de la journée internationale de lutte contre la drogue.
Afrique et Asie touchées
Le rapport 2018 de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) indique que les opioïdes ont causé plus de 76% des décès dans le monde : l’Afrique et l’Asie sont les plus touchées. Les drogues de synthèse comme le tramadol, le diazépam, le valium roche sont les plus prisées chez les consommateurs. Les dealers ne vendent qu’à ceux qu’ils connaissent, avec un langage codifié. Rien n’est fait par hasard. « Tra, béret rouge, n’tè yèrè fê (je ne m’aime pas), fali n’toron (la cheville d’âne), Kôlôkisè, Aya… » sont des langages utilisés au Mali pour ne pas éveiller de soupçon. Certains l’appellent par les chiffres indiquant le dosage comme « 120, 125, 200, 225, 250 ».
Selon le capitaine Toutou Kanouté, chef de l’antenne régionale de l’Office central des stupéfiants de Kayes, « la composition de ces produits est faite de telle sorte que, quand on les utilise pour une durée, ils changent le fonctionnement normal du corps. » La région de Kayes a pris la tête du rang au niveau national dans la consommation des drogues de synthèse, et cela s’explique, selon le chef de l’OCS de Kayes, par « le fait que des zones minières dans la région attirent plusieurs nationalités venant avec leurs habitudes. En plus de cela, le travail dans les mines traditionnelles demande beaucoup d’efforts physiques, poussant ainsi les jeunes à se rabattre sur les drogues pour remplir leur contrat. »
Certaines jeunes filles utilisent aussi ces produits comme des aphrodisiaques. Les drogues de synthèse augmenteraient les hormones chez la jeune fille, ce qui pousse beaucoup d’entre elles à les utiliser. Spécialiste en médecine mentale à l’hôpital régional de Kayes, Dr Alou Bah explique que « les drogues perturbent la transmission des informations dans le système nerveux agissant sur les zones de sensation, d’humeur et de mémorisation. »
Pauvreté et misère
Des consommateurs avancent comme raison la pauvreté et la misère qui sévissent dans les communautés. Pourtant, ces arguments me convainquent peu, car on peut être pauvre et rester digne. Il est aussi vrai que le chômage, l’exode, les changements et bouleversements sociaux peuvent favoriser l’addiction chez les jeunes.Aussi, pendant la crise de l’adolescence, ces derniers utilisent de la drogue comme remède aux souffrances et aux douleurs qu’ils endurent.
Pour certains, c’est la recherche du plaisir, la curiosité, l’intégration sociale, le désir ponctuel d’améliorer ses performances (intellectuelles, physiques, sportives et sexuelles), l’automédication pour remédier à un problème.
Il est difficile de lutter contre ce fléau. Les raisons sont énormes. En plus des milliards de FCFA que génèrent ces produits, la vente est devenue un secteur qui attire de plus en plus de jeunes en manque d’emploi. Les journées de sensibilisation sur les conséquences liées à la consommation de la drogue à l’endroit des jeunes doivent se multiplier. Le marché de l’emploi doit être accessible, et l’implication de tous est nécessaire pour gagner la bataille contre cette mauvaise pratique qui détruit au jour le jour notre jeunesse.
Source: benbere