Mardi 22 septembre 2020, les Maliennes et les Maliens ont commémoré le 60ème anniversaire de l’Indépendance du Mali. Placée sous la présidence du colonel Assimi Goita, président du Cnsp et vice-président de la transition, elle a donné lieu à une cérémonie digne de sa portée avec à la clé un impressionnant défilé militaire. Au-delà des parades militaires et de l’ambiance de la foule venue nombreuses pour la circonstance, la réalité est que le Mali n’a jamais fêté un anniversaire dans une incertitude aussi saillante. En cause, la période a coïncidé avec une transition qui peine manifestement à poser les jalons de la lutte contre l’insécurité qui gagne chaque jour du terrain et à redresser une situation économique à bout de souffle. Aussi grandiose qu’il paraisse, le défilé militaire en a dit long au Génie militaire de Bamako où le corps diplomatique, excepté l’ambassadeur et le ministre des Affaires étrangères de l’Algérie, a brillé par son absence à la cérémonie. On pouvait même se contenter d’une réapparition publique et en vedette du capitaine-général Amadou Aya Sanogo, l’auteur du putsch de 2012 et de plusieurs haut gradé de l’armée malienne. Quant aux anciens présidents de la République comme les chefs des partis politiques, aucun n’a rehaussé l’éclat de la cérémonie par son déplacement. Comme quoi, les militaires seraient seuls face à leur destin, dont la trajectoire a subitement changé le 18 aout 2020.
Ce n’est point le seul symptôme de l’incertitude qui guette le Mali. En effet, les 60 ans du Mali indépendant coïncident également avec la désignation, sous la pression de la Cédeao, du président et du vice-président de la transition par la junte militaire aux affaires. En attendant que les deux têtes soient validées par la communauté sous-régionale, le Mali reste à la portée d’un embargo. Jusqu’ici financière, l’embargo peut être total en cas de non satisfaction des attentes de la Cedeao, apparemment décidée à éloigner la transition de toute emprise militaire.
Enfin autre motif d’incertitude est le problème sécuritaire et le défi de reconquérir les ¾ du territoire, qui échappe au contrôle de l’Etat malien depuis 2012. Sur la question, le désormais vice-président de la transition appelle la population malienne, ses concitoyens, à soutenir les forces partenaires du Mali «Barkhane, la MINUSMA et Takuba. », pendant que des voix dissonantes commencent à s’élever pour demander le départ de la France. Engagé auprès du Mali dans la lutte contre le terrorisme, le départ de la France peut être catastrophique surtout pour les populations du centre et du nord qui dépendent en grande partie de cette force étrangère.
Dans son adresse à la Nation, pour la circonstance, le chef de l’Etat proclamé par acte fondamental s’est relativement hissé à la dimension des grands enjeux de l’heure, en parcourant notamment la situation du pays et esquissant même certains remèdes transitoires. Aucun indicateur sur l’état des finances publiques, ni allusion aux impacts de la crise sur la production nationale, mais Assimi Goïta s’est dit toutefois conscient que «le pays se trouve «à la croisée des chemins» tant il est éprouvé par une décennie de la crise multidimensionnelle à laquelle s’est greffée une crise socio-politique assez grave pour justifier l’intrusion de l’armée le 18 Aout dernier. «L’action du CNSP, le 18 août dernier, n’est point le résultat de l’aventurisme juste pour faire une incursion dans la vie publique politique. Elle est la résultante du pourrissement de la situation socio-politique persistante dont l’acuité mettait en mal le tissu social», s’est-il justifié ajoutant ceci : «Notre intervention avait pour but d’éviter à notre pays de sombrer dans les profondeurs d’une crise qui l’a fortement marquée ces dernières années». Et de promettre d’en profiter pour amorcer les mutations nécessaires pour doter l’armée des capacités et outils en adéquation avec ses missions de sécurisation de l’ensemble du territoire, asseoir les bases d’une justice saine et plus enviable, assurer un accès plus accru aux services sociaux de base et impulser à l’école l’élan nécessaire pour rendre ses produits assez compétitifs dans la sous-région et bien au-delà.
Sans la moindre allusion ou clin d’œil aux nombreuses victimes de la crise du Centre, le chef de l’Etat promet par ailleurs une application intelligence dans la droite ligne du Dialogue National Inclusif – dont les recommandations ont trait également à d’autres ambitions évoquées dans son adresse de salut public du nouveau vice-président de la Transition. Il s’agit
notamment d’une véritable rupture qui s’amorce et qui passe à ses yeux par des sacrifices comme une lutte implacable contre l’impunité à travers l’instauration d’un mécanisme plus dissuasif contre la corruption et de délinquance financière. Aucune immunité ne pourra plus couvrir les auteurs des pratiques y afférentes, a laissé entendre le chef de la junte qui préconise de rendre imprescriptibles les faits dans ce domaine. Il promet en outre, pour ce qui est de la gouvernance politique, l’instauration d’un dispositif électoral plus transparent et une administration plus équitable.
Amidou KEITA
Le Témoin