Joueur du Djoliba, Kidian Diallo faisait également partie de l’effectif du Réal qui a rencontré le Stade d’Abidjan en finale de la Coupe d’Afrique des clubs champions. L’explication est simple : à l’époque, les clubs avaient la possibilité d’avoir deux joueurs issus d’autres formations. C’est ainsi que Kidian Diallo a été recruté ou plutôt choisi par le Réal pour la campagne de la Coupe d’Afrique des clubs 1966. Le défenseur central que nous avons également rencontré à son domicile, raconte. «Ce qui m’a marqué pendant la campagne, c’était d’abord mon adoption par le groupe du Réal. J’étais un joueur du Djoliba et c’est lors de cette campagne que j’ai été appelé par les dirigeants du Réal pour venir renforcer l’équipe. Dès que je suis venu, les joueurs du Réal m’ont adopté très rapidement. On jouait comme si on évoluait ensemble depuis très longtemps», introduira d’abord Kidian Diallo (75 ans). «Au-delà de cette adoption, renchérira l’ancien défenseur international et ancien sélectionneur des Aigles, le but que j’ai marqué contre les Camerounais lors des matches de poule m’a beaucoup impressionné. C’était sur un service de Salif Keïta dit Domingo. La finale aller contre le Stade d’Abidjan s’est bien déroulée. Comme les Ivoiriens avaient une culture de la victoire plus que nous, au retour à Abidjan, ils ont inventé une histoire en disant que leurs responsables ont marché à pied de l’hôtel au stade, lors du match aller. Ils ont inventé d’autres histoires et quand nous sommes arrivés à Abidjan pour le match retour, il y avait une chaude ambiance.
D’abord, on était dans un petit hôtel au centre-ville, comme notre séjour a coïncidé avec Noël, ils ont passé toute la nuit à perturber notre sommeil. Le jour du match, quand nous sommes arrivés au stade, nous avons trouvé que notre vestiaire était vide. Il n’ y avait rien, si ce n’est un vieux matelas. Quand Salif Keïta s’est assis sur le matelas, il s’est tout de suite relevé en criant qu’il y avait un chat et des gris-gris. Cet incident a fait perdre à Salif Keïta une bonne partie de ses moyens.
24h auparavant, on nous avait refusé l’accès au stade pour la reconnaissance du terrain et la séance d’entraînement. Il y a eu beaucoup de choses, on ne peut pas tout raconter. C’est comme ça que nous avons perdu la finale et après le match, nous n’avons même pas assisté à la remise du trophée. Vraiment ce match s’est joué dans une atmosphère détestable», insistera Kidian Diallo, avant de conclure : «J’ai tiré beaucoup de leçons de cette finale. J’ai compris qu’on peut être le meilleur dans une campagne et perdre au bout du compte. En 1966, le Réal avait une très bonne équipe, sans doute la meilleure d’Afrique. Nous avons réalisé un parcours sans faute jusqu’à la finale et nous étions très confiants pour le sacre.
Mais voilà, il y a eu des choses auxquelles nous ne nous attendions pas. De ce côté aussi, j’ai compris qu’une finale de Coupe d’Afrique ne se joue pas seulement entre les 22 acteurs qui sont sur le terrain, elle se joue également hors du terrain».
B. T
Il était 10h30, ce mercredi 25 décembre quand notre équipe de reportage arriva au domicile de Salif Keïta à Korofina, sans rendez-vous. Nous voulions appeler le premier Ballon d’or africain, avant de venir mais une de ses connaissances nous a dit que Salif Keïta reçoit sans rendez-vous, surtout quand il s’agit de parler football, précisera-t-il. Effectivement, à notre arrivée au domicile de Salif Keïta, nous serons conduits sur la terrasse par son épouse et quelques minutes plus tard, nous serons reçus par l’ancienne gloire du football malien. Vêtu d’un grand boubou basin, Domingo, comme on l’appelle, ne posera aucun problème après que nous l’informions de l’objet de notre visite.
Première question : quels souvenirs gardez-vous de la finale de la première édition de la Coupe d’Afrique des clubs, perdue par le Réal face au Stade d’Abidjan ? «Un très mauvais souvenir», répond sans détours Salif Keïta. Et de poursuivre, «le Réal avait la meilleure équipe d’Afrique à l’époque et méritait cette Coupe des clubs champions d’Afrique. La preuve est qu’on a fait un parcours sans faute avant la finale. On a gagné contre les Guinéens, les Sénégalais, les Libériens, les Camerounais, avant d’affronter les Ivoiriens en finale. En finale, l’équipe du Stade d’Abidjan avait un football brut. Les Ivoiriens savaient que nous étions favoris pour la simple raison qu’on a gagné toutes nos rencontres non seulement à domicile mais aussi chez les adversaires. Au match aller disputé à Bamako, on a gagné 3-1. Au match retour, les Ivoiriens savaient bien que sur le terrain, ils ne pouvaient pas nous battre. Il fallait donc trouver un autre moyen pour nous empêcher de jouer. Ainsi, quand nous sommes arrivés à Abidjan pour la manche retour, il y avait une ambiance très hostile, ils ont tout fait pour nous intimider. Ils ont insulté nos dirigeants, même le président de la République de l’époque, Modibo Keïta n’a pas été épargné. En plus, ils ont déchiré le drapeau malien».
«Evidemment, ça finit par payer, puisque nous nous sommes inclinés 4-1 après prolongations. Cette finale m’a laissé un très mauvais souvenir, elle s’est déroulée dans une ambiance détestable», insistera le premier Ballon d’or africain. Deuxième question : Que pense Salif Keïta du niveau actuel du football africain ? «Le football africain a beaucoup progressé, le niveau des joueurs augmente d’année en année. A notre époque, il était très difficile, voire impossible de gagner un match à l’extérieur, parce que les supporters et les dirigeants n’acceptaient pas la défaite à domicile qu’ils considéraient comme une humiliation.
Mais avec le temps, les choses se sont améliorées, les matches sont télévisés, on peut tout voir, on ne peut plus se permettre certaines choses. Le monde entier a la chance de voir les matches, les supporters peuvent juger en temps réel», dira Salif Keïta, qui vient de fêter ses 73 ans (il est né le 12 décembre 1946 à Bamako). L’ancien international malien qui a également porté les couleurs de plusieurs clubs européens, dont Saint-Etienne, Marseille, Valence et le Sporting Lisbonne conclura : «En plus maintenant, les joueurs sont protégés par les arbitres qui sanctionnent systématiquement les fautes graves. Le football a beaucoup évolué et tout le monde devrait s’en féliciter».
Boubacar THIERO
Kidian Diallo : «EN 1966, LE RÉAL ÉTAIT LA MEILLEURE ÉQUIPE D’AFRIQUE»