L’armée malienne fêtera ses 57 ans le 20 janvier prochain. Oui, cinquante-sept années d’existence, que de chemins aura été parcourus ! Au-delà des défilés militaires et les différentes activités militaires qui vont certainement émailler cette commémoration, il convient de dresser le bilan des cinquante-sept bougies que l’armée malienne de soufflera en 2018.
Sa création le 20 janvier 1961, à la suite de la naissance de la République du Mali, avait donné une lueur d’espoir au peuple malien dans son ensemble. Elle était d’abord et avant tout la marque de la souveraineté du Pays. Elle se devait d’assurer l’intégrité du territoire, garantir la protection des personnes et de leurs biens, protéger les institutions de la République entre autres.
C’était en tout cas la vision du président Modibo Keita. Dans son histoire, l’armée malienne a fait ses preuves sous le leadership du président Modibo Keita. Elle a participé aux maintiens de paix en république démocratique de Congo (ONUC) de 1960 à 1964, MONUC en 1999, au Libéria, en Sierra Léone etc. Cette performance de l’armée malienne lui a valu beaucoup d’honneurs sous le son des Koras des grands griots du Mali. Des sons qui résonnent encore aujourd’hui.
La décadence
Après sa création, l’armée s’est retournée contre le peuple et a déposé le premier président du Mali. Les rivalités internes du comité de libération nationale ont pris le dessus sur l’organisation et l’orientation de l’armée malienne. Le Président Moussa Traoré était plutôt préoccupé par sa place qui pouvait être menacée par une armée organisée. Après l’élimination de nombreux cadres, l’armée malienne a été gérée comme une entreprise familiale. Durant tout le règne de Moussa Traoré, l’armée n’était pas loin d’une grosse pétaudière.
C’est vers les années 1992, à l’aube de la démocratie naissante au Mali, l’avenir (organisation, orientation) de l’armée malienne n’a pas été considéré comme une priorité. Sa décadence depuis les années 1968 s’aggravait considérablement, manque de cadres valables, de moyens financiers et matériels. Le professeur Alpha Oumar Konaré alors président de la République du Mali va contre toute attente paralyser son armée au nom d’une démocratie forte. Et depuis, la gloire qu’a connue l’armée malienne semble n’être qu’un vague souvenir pour le peuple Malien. Désormais, l’armée ne vit que de ces souvenirs.
Une armée morcelée et affaiblie par ses propres dirigeants. Une armée abattue physiquement et moralement. Elle tombe encore plus bas sous le règne laxiste du président déchu Amadou Toumani Touré. Sous son mandat, les recrutements militaires étaient devenus une occasion d’intégrer la fonction publique. Les recalés du DEF ou encore du BAC n’avaient plus d’autres destinations que d’intégrer l’armée. Les effectifs de l’armée furent ainsi grossis par des hommes sans convictions ni amour pour la partie. Leur raison d’être sous le drapeau se ne résumait qu’à la recherche du pain quotidien. La corruption, les arnaques, les raquettes sont désormais les déviances auxquelles se livre ce corps qui devrait être le garant de la souveraineté de l’Etat.
Bien qu’elle soit parmi les plus faibles au monde, l’armée malienne comprend le plus grand nombre d’officiers. Le régime d’ATT a contribué à la floraison de ces « généraux bureaucrates » qui n’ont jamais connu le champ de bataille à plus forte raison conduire une armée. Les grades étaient distribués comme de petits pains. Le silence complice des politiques et même du peuple a contribué davantage à créer une rivalité sans précédent au sein de la grande famille militaire.
Cependant le régime a su cacher cette faiblesse militaire en faisant croire qu’une armée républicaine capable de défendre le pays et ses frontières existait encore. L’imposant défilé militaire à Sikasso à l’occasion du 45ème anniversaire de l’indépendance du Mali puis celui du cinquantenaire avaient donné une certaine confiance au peuple Malien. D’ailleurs, Il n’en pouvait être autrement face à cette démonstration de force. Mais en réalité quel bluff !
La vraie face de l’armée fut dévoilée au monde après la série de défaites qu’elle a enregistrées face à l’invasion djihadiste. C’est alors qu’on s’est mis à s’interroger sur le sort des armements qui ont été montrés au monde lors des différents défilés militaires. Naturellement, l’armée n’est ni de près ni de loin la cause de cette décadence mais plutôt ses dirigeants. Les soldats maliens ont montré qu’ils avaient la volonté de combattre. En face des adversaires redoutables capables de tenir tête à n’importe quel Etat, les braves soldats maliens n’avaient comme arme que leur détermination et leur bravoure.
Le défi sécuritaire reste de taille
Aujourd’hui plus que jamais le défi sécuritaire reste de taille au Mali. L’insécurité ne cesse de prendre de l’ampleur et cela, chaque jour que Dieu fait. Le nord du Mali est en proie à une l’insécurité grandissante depuis que les terroristes ont fait du septentrion malien leur nid. Les attaques répétitives dans la zone en sont une parfaite illustration. Au sud, les choses ne sont guère meilleures. L’attaque de la terrasse le 07 mars, l’hôtel de Sévaré le 7 aout et l’hôtel de luxe le Radisson le 20 novembre ont montré la fragilité du système sécuritaire malien. La situation ne s’améliore que très lentement voire presque pas, parce que dans la capitale les vols et agressions à main armée sont presque le quotidien de la population.
Malgré les efforts des autorités à vouloir reformer l’armée, beaucoup de choses restent encore à faire. Le défi sécuritaire est celui que le Président et son gouvernement doivent relever de toute urgence, en tout cas s’ils comptent garder la confiance de 77% des maliennes et maliens qui les ont porté au pouvoir.
Amadingué Sagara
La Dépêche