Au vu de ce qui se dit sur les réseaux sociaux et dans les médias je retiens une grande incompréhension et une confusion totale en ce qui concerne le but et le contenu d’un programme d’éducation sexuelle complète (ESC). En effet, un site (Maliactu.net) a publié le 11 décembre 2018 sur sa page web « l’homosexualité enseignée à l’école au Mali : une pilule qui ne passe pas du tout ».
L’homosexualité étant une orientation sexuelle inhérente à la nature d’une personne, je me suis interrogée sur comment elle pourrait être enseignée aux enfants à l’école. Ce qui m’amena à chercher davantage d’informations. C’est alors que j’ai compris que, en fait, il s’agissait du programme d’ESC.
En tant que médecin de santé publique, j’aimerai participer au débat en rapportant ce que c’est que l’ESC et les avantages que cela peut avoir pour les jeunes et leurs parents jusqu’à leur pays à grande échelle.
Globalement l’éducation à la santé dans les établissements scolaires a trois principaux pôles. Eduquer à la santé, c’est permettre à l’élève de développement ses compétences personnelles, sociales et civiques ; d’acquérir les moyens d’un regard critique vis-à-vis de son environnement ; de connaître son corps, sa santé, les comportements et leurs effets.
Cette approche dans le cadre spécifique de l’éducation complète à la sexualité va chercher à doter les jeunes de connaissances, compétences, attitudes et valeurs dont ils ont besoin pour décider de leur sexualité et bien la vivre. La sexualité y est abordée de manière globale, comme faisant partie du développement affectif et social des jeunes.
L’ESC couvre un large éventail de questions relatives aux aspects physiques, biologiques, affectifs et sociaux de la sexualité et les programmes d’ESC doivent être adaptés en fonction de l’âge et du stade de développement du groupe ciblé et basés sur les droits fondamentaux de chaque personne.
Plus précisément l’ESC doit, selon Guttmacher Institute, aider les jeunes à acquérir une information exacte sur les droits sexuels et reproductifs, une information apte à dissiper les mythes et des renseignements sur les ressources et services disponibles ; développer des compétences de vie telles que l’esprit critique, la communication et la négociation, le développement personnel et la prise de décisions ; l’image de soi ; la confiance en soi ; l’affirmation de soi ; la capacité de s’assumer, de poser des questions et de demander de l’aide ; l’empathie et valoriser les attitudes et valeurs positives telles que l’ouverture d’esprit, le respect pour soi et autrui, l’estime de soi positive, l’empathie, les attitudes dénuées de jugement, le sens des responsabilités et une attitude positive à l’égard de la santé sexuelle et reproductive.
Ainsi j’aimerai inviter les uns et les autres à examiner la question de l’éducation sexuelle à l’école d’une manière moins passionnée et mettre au centre du débat nos enfants qui sont soumis quotidiennement à un flux continu d’informations (correctes et incorrectes, saines et malsaines sur la sexualité et la reproduction) sur lesquelles ils doivent faire une analyse et les mettre en rapport avec ce qu’ils voient, entendent et perçoivent de leur entourage comme bien ou mal ; moral ou immoral. Cet effort d’analyse est d’autant plus énorme que l’enfant est à un stade de construction de son identité, de sa personnalité. Ce qui est le cas pour les scolaires du cycle fondamental.
Et le but de l’éducation des enfants étant de les préparer à la prise de décision éclairée dans tous les aspects de leur vie (y compris la sexualité et la reproduction), j’estime que nous devons accorder ce droit fondamental à chaque enfant, notamment par rapport à la santé sexuelle et reproductive (qui est primordiale pour chaque individu) dans nos écoles. Et ce d’autant plus que le sujet est tabou dans les familles, car nos mécanismes traditionnels de communication sur le sujet n’ont pas résisté à la transition culturelle et à l’urbanisation moderne de nos villes.
Les parents, indépendamment de leur niveau d’instruction, n’ont pas les aptitudes de communiquer avec les enfants dans le domaine même s’ils le veulent ou les informations véhiculées au cours des échanges atteignent très rapidement leur limite et créent une crise de confiance entre les deux parties. Pour ce qui est de l’homosexualité (comme c’est ce thème qui crée la discorde), elle n’est pas chose inconnue dans nos sociétés ou communautés et nos religions monothéistes (islam et christianisme) en parlent aussi, alors pourquoi pas l’école ?
Parler d’homosexualité aux enfants ne les a jamais changés en homosexuel(le)s. Au contraire, cela permettra aux enfants d’être mieux éclairés sur les aspects inhérents à la question et adopter une attitude appropriée dans la vie réelle.
Avec l’Internet et la télévision, nous ne pourrons pas jouer à la politique de l’autruche indéfiniment. Mieux vaut alors y faire face et préparer nos enfants à aller dans le sens du respect des valeurs morales, religieuses ou sociales qui les importent.
Dr. Lalla Fatouma Traoré
Spécialiste d’ESC au département de santé publique/FMOS
Le Focus