«Il faut qu’il y ait un mécanisme de financement dû au sponsoring pour que les disciplines sportives puissent aller de l’avant»
Dans une interview exclusive qu’il bien voulu nous accorder, le président de la Fédération malienne d’escrime, Wahabou Zoromé, parle la pratique de l’escrime au Mali, les performances enregistrées et les difficultés rencontrées par le bureau de la Fédération qu’il préside, ainsi que les perspectives pour la discipline.
Aujourd’hui-Mali : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Wahabou Zoromé : Je suis le président de la Fédération malienne d’escrime et premier vice-président de la Confédération africaine d’escrime (CAE). Je suis également président de l’Union ouest africaine d’escrime (Uoae).
Quel est l’historique de votre Fédération ?
Je pense que la Fédération malienne d’escrime est l’une des fédérations les plus récentes. Pour plus de précision, elle a été mise en place dans les années 2004-2005, sous l’impulsion du feu Contrôleur général de police Boubacar Diouf. C’est suite à un programme de la Fédération internationale d’Escrime intitulé : “La relance de l’escrime au niveau de l’Afrique Subsaharienne” que le Mali, le Burkina Faso, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et d’autres pays de la sous-région ont bénéficié du soutien de l’instance mondiale d’escrime et de la Confédération africaine d’escrime pour l’installation des fédérations nationales dans ces pays. Quant à moi, c’est en 2011 que je suis arrivé à la tête de cette fédération. J’ai fait un premier mandat de quatre 4 ans et je suis à mon deuxième mandat. Et depuis un certain temps, nous sommes en train de travailler pour l’épanouissement de la discipline au Mali.
Quel est l’état de la pratique de l’escrime au Mali?
L’escrime est une discipline sportive comme les autres, même si elle est souvent désignée comme sport des nantis. Depuis un moment, la Fédération internationale d’escrime (FIE) a compris que pour donner une certaine impulsion à l’escrime, il faut pouvoir donner la possibilité à certaines catégories de personnes de pouvoir la pratiquer. Donc, c’est en cela que l’escrime peut connaitre un essor merveilleux. C’est à travers cette idée que l’aspect démocratisation de l’escrime est né, pour faire en sorte que l’escrime soit pratiquée et par les riches et par les pauvres. Pour la pratique, on utilise trois types d’armes : l’épée (discipline olympique depuis 1900 pour les hommes et 1956 pour les femmes), le sabre (discipline olympique depuis 1896 pour les hommes et 2004 pour les femmes) et le fleuret (discipline olympique depuis 1896 pour les hommes et 1924 pour les femmes). C’est avec ces trois armes que la pratique d’escrime est acceptée.
De nos jours, de l’Egypte jusqu’en Afrique du Sud, nous sommes presque 35 fédérations nationales d’escrime. Ces fédérations bougent puisqu’elles pratiquent régulièrement la discipline.
Comment se porte aujourd’hui l’escrime malienne ?
Je pense que l’escrime malienne se porte bien et même très bien dans l’ensemble. Pour une toute jeune fédération, vous savez que ce n’est pas facile, mais malgré cela nous avons œuvré afin de donner une certaine audience à la discipline. En témoigne déjà, le championnat d’Afrique senior qualificatif pour Tokyo 2020 que nous venons organiser témoigne à suffisance que nous avons le regard de la Confédération africaine d’escrime, mais aussi de la Fédération internationale d’escrime (FIE). Aujourd’hui, nous sommes à une phase où il faut travailler afin que cette discipline soit connue, acceptée et adoptée par le public sportif malien. Des efforts ont été faits dans ce sens. Je pense que nous sommes sur la bonne voie.
L’escrime se porte bien au Mali parce que nous avons mis en place quelques ligues comme les ligues de Bamako, Ségou, Sikasso, Koulikoro. Pour les autres régions, nous sommes en train de préparer l’installation de leurs ligues.
Depuis votre élection à la tête de la Fédération malienne d’escrime, quelles sont les performances réalisées par votre bureau ?
Des performances, nous en avons enregistrées plusieurs. Mais ce qu’il faut retenir déjà, nous avons obtenu des médailles d’or au niveau de deux catégories, notamment cadette et junior. Nous avons organisé deux championnats d’Afrique cadet et junior, deux tournois de la Cedeao, un championnat d’Afrique sénior qualificatif pour Tokyo 2020. Pour la participation, nous avons participé aux Jeux africains de Brazza où nous avons obtenu une médaille de bronze.
Lors du championnat d’Afrique cadet-junior qui s’est déroulé en Algérie en 2017, nous avons obtenu des médailles d’argent et de bronze. Nous avons également eu des médailles de bronze au championnat d’Afrique cadet-junior, en 2018 à Lagos au Nigéria. De mon arrivée à la tête de la Fédération malienne d’escrime à nos jours, je pense qu’on a eu beaucoup de médailles, mais nous allons travailler encore plus parce que nous sommes une jeune nation dans cette discipline.
Quelles sont les difficultés auxquelles votre Fédération est confrontée aujourd’hui ?
La première difficulté que nous avons aujourd’hui, c’est le problème d’équipement. Vous savez, l’escrime est une discipline qui n’est pas très connue, donc pour avoir des équipements ce n’est pas facile.
En plus de cela, il y a le problème des compétitions. Aujourd’hui, pour que les athlètes puissent avoir un niveau acceptable, il faut de la compétition. Pour avoir de la compétition, il faut qu’ils partent dans d’autres pays et cela a un coût. Malgré tout cela, la Fédération est en train de se battre pour que plus d’athlètes puissent bénéficier de compétitions à l’extérieur. Enfin, il y a le problème de sponsoring qui est général. Toutes les fédérations sportives du pays sont confrontées à ce problème de sponsoring.
L’Etat seul ne peut pas financer à 100% toutes les fédérations sportives du pays. Il faut qu’il y ait un mécanisme de financement dû au sponsoring afin que les disciplines sportives puissent aller de l’avant, mais rares sont des entreprises qui sont dans cette logique de compréhension. Je pense qu’avec beaucoup de sensibilisation, ils vont comprendre. Je profite de cette occasion pour remercier les autorités sportives maliennes qui fournissent beaucoup d’efforts, malgré cette difficulté afin que nos athlètes participent à beaucoup de compétitions sous régionales et internationales.
Quelles sont les perspectives pour la discipline ?
Pour les perspectives, nous sommes en train de nous préparer pour les Jeux africains qui doivent se tenir à Rabat au Maroc dans quelques mois.
En plus de cela, nous avons un programme pour l’année en cours. D’ailleurs, du 23 au 25 juillet prochain, nous allons organiser à l’école de la Fontaine de l’Hippodrome, une journée portes ouvertes où nous allons parler de l’escrime aux jeunes. Cet espace est aussi un cadre pour amener les enfants à connaitre et à accepter cette discipline. Hormis tout cela, nous avons un athlète qui va participer au championnat du monde d’escrime à Budapest en fin 2019.
Tout récemment le Mali a abrité le 19ème championnat d’Afrique sénior d’escrime, comment avez obtenu l’organisation de cette grande compétition ? Quelle a été la performance des escrimeurs maliens et quels ont été les acquis pour votre Fédération ?
Effectivement, comme vous avez si bien dit, nous avons abrité le 19ème championnat d’Afrique sénior d’escrime qui sont qualificatifs pour Tokyo 2020. Pour l’organisation de cette compétition, nous avons eu beaucoup de difficultés pour la simple raison que nous sommes un pays en difficulté, en guerre pour certains.
C’est vrai que nous traversons un moment difficile de notre histoire, mais nous sommes un pays débout. C’est ce que nous avons fait comprendre aux pays participants, que le Mali est une destination sure contrairement à ce que certains médias disent. Nous sommes capables d’organiser de grands événements. Heureusement, ils ont compris et nous avons pu organiser le tournoi et cela dans les meilleures conditions possibles. Côté performance, cette compétition a permis à nos athlètes de comprendre, d’analyser et de voir le travail qui nous reste à faire. Au cours de la compétition, nous avons fait un état des lieux afin de savoir où est-ce que nous sommes ? Qu’est-ce qu’il faut faire pour aller de l’avant ? Par rapport aux acquis, nous avons acquis du matériel performant, de dernière génération qui nous permet d’être au diapason de la technologie. Dans cette discipline, si vous n’avez pas des équipements nécessaires, cela peut être un handicap sur la performance des athlètes. Autre chose, nous avons eu l’expérience de l’organisation du championnat d’Afrique.
Au cours de cette compétition, nous avons pu établir un partenariat avec la Fédération italienne d’escrime. Vous savez, la Fédération italienne d’escrime est le premier pays au classement mondial d’obtention de médaille aux Jeux Olympiques avec 134 médailles olympiques.
Quelles sont les relations de votre Fédération avec le Cnosm ?
Je pense que nous avons de très bonnes relations avec le Comité national olympique et sportif du Mali (Cnosm). Pour être plus bref, je suis membre de ce Comité ou j’occupe le poste du quatrième vice-président. En plus de cela, j’ai une relation personnelle avec le président du Comité national olympique et sportif du Mali, Habib Sissoko. D’ailleurs, je profite une fois de plus de cette occasion pour remercier le président Habib Sissoko et toute son équipe qui ne cessent d’apporter leurs soutiens aux différentes fédérations sportives du Mali.
Votre mot de la fin ?
Pour mon mot de la fin, je remercie tout d’abord votre journal “Aujourd’hui-Mali” qui m’a donné cette opportunité de m’exprimer sur l’escrime au Mali. Avant de remercier les autorités sportives maliennes qui font de leur mieux afin que le sport malien puisse aller de l’avant.
Réalisé par Mahamadou TRAORE
Source: Aujourd’hui-Mali