Au Mali, l’épanouissement de la femme reste encore un idéal en matière d’emploi. Beaucoup d’études révèlent qu’elle évolue largement dans le domaine de l’informel. Nous nous sommes alors intéressés aux causes de ce phénomène.
Les inégalités genres notamment celles existantes entre les hommes et les femmes deviennent de plus en plus percutantes au Mali. Cette forme de violence se manifeste grandement dans le domaine de l’emploi. Dans ce secteur, la gent féminine continue à subir le poids des traditions dans la plupart de ces sociétés où elle était vue comme n’étant bonne que dans les tâches ménagères ou dans les emplois informels. Dans le rapport « Genre et valorisation du Travail domestique non rémunéré au Mali » publié en février 2018 par le Centre National de Documentation et d’Information sur la femme et l’enfant, on peut lire : « Le travail domestique repose essentiellement sur les femmes qui, non seulement y consacrent plus de temps, 10 fois plus d’heures, mais aussi ont des taux de participation à ces activités plus élevés. »
Dû au poids de ces travaux domestiques, moult femmes préfèrent exercer des activités pouvant être menées à côté de ceux-ci. La plupart s’adonnent à ce titre à des petits commerces avec de maigres revenus et n’ayant pas un avenir assuré. D’autres encore, notamment les jeunes filles préfèrent vendre leur force de travail en tant que servantes pour un salaire mensuel dérisoire variant entre 7500 et 10 000 FCFA. « L’analyse a montré qu’au Mali 93% des hommes travaillent dans l’emploi informel contre 95% des femmes. La rémunération moyenne de cet emploi est en deçà du SMIG (35. 000 FCFA, en 2016) d’après l’analyse », lit-on dans le Rapport de l’atelier de restitution des rapports d’analyse des données sensibles au genre en juillet 2018.
L’informel est devenu l’autre nom des femmes en matière d’emploi au Mali. Cette situation concerne pratiquement toutes les régions du pays même si les tendances varient d’une région à l’autre, voire d’une zone à l’autre.
Cette problématique reste tributaire, comme nous venons de le dire, à ces considérations anciennes sur les femmes au Mali. Ce qui explique aujourd’hui leur faible représentativité dans les secteurs décisionnels ou institutionnels comme nous laisse entendre ce document du Centre National de Documentation et d’Information sur la femme et l’enfant en juillet 2015 et intitulé ‘’La représentativité des hommes et des femmes dans les instances nominatives de l’administration publique’’: « Les femmes représentent, faut-il le rappeler, près de 51,8% de la population Malienne. En dépit de cette importante démographie, elles restent faiblement représentées au niveau des instances de décisions. Cette marginalisation des femmes dans la vie publique traduit un certain déficit démocratique, tant au niveau des partis politiques qu’à l’échelle nationale. »
En plus du cadre institutionnel, en matière d’entreprise, nous comptons moins de femmes propriétaires d’entreprise au Mali. Elles n’ont la possibilité que de mener de petits commerces au bord des grandes artères des grandes villes ou se promener pour vendre leurs produits même si la plupart rêvent de posséder une grande entreprise comme Salimata Traoré (le nom à changer) : « Si j’arrive aujourd’hui à avoir des moyens conséquents, je veux bien m’ouvrir une grande boutique de vente des produits ménagers notamment des légumes, de l’arachide, de la courge, etc ; et arrêter cette vente par promenade qui n’honore nullement ».
Ce qui semble paradoxale dans ce domaine, c’est que cette situation existe malgré l’existence de plusieurs initiatives d’aide aux femmes comme la Kafo Jiginew qui octroie des crédits aux femmes pour leur épanouissement économique. Mais combien sont les femmes qui prennent ces crédits dans les zones rurales notamment pour les remettre à leur mari ? Elles sont nombreuses pour ne pas dire toutes. C’est sûrement pour cette raison que dans le ‘’Rapport sur la situation de la femme et de l’enfant au Mali en 2014 du ministère de la famille, de la promotion de la femme et de l’enfant’’, on indique : « Le nombre de femmes individuellement bénéficiaires de microcrédits (280 267) est moins important que celui des hommes (434 317). »
Tous ces paramètres constituent des obstacles à l’entrepreneuriat féminin dans notre pays et partant du développement de toute la nation.
Notons également que dans les zones rurales, la plupart des femmes mènent l’élevage en plus des petits commerces qui rapportent peu. Or, dans ces mêmes zones comme nous devons le savoir, la femme n’est pas propriétaire de parcelles. D’aucuns pourront répliquer en disant que la plupart mènent l’agriculture, mais combien d’hectares et pour quel rendement si nous savons qu’elles ne peuvent travailler leur champ qu’après les tâches domestiques. « Le pourcentage de femmes propriétaires de parcelles agricoles est très faible, soit 0,6% », lit-on dans le même Rapport sur la situation de la femme et de l’enfant au Mali en 2014.
Le pire dans la situation est que certaines sont empêchées aussi de mener des petits commerces par leur mari alors que leurs études ont été avortées pour une histoire de mariage. C’est le cas pour la jeune Ramata Diallo (le nom a été modifié à la demande de l’intéressée) : « J’ai été donnée en mariage à cet homme (son mari) quand je faisais la classe de 8e. Mes ambitions scolaires se sont arrêtées là. J’ai voulu vendre de la nourriture la nuit à notre portail, mais mon mari ne l’a jamais voulu. Donc, je ne fais qu’exercer les tâches domestiques et puis dormir. Je suis fatiguée de tout cela. »
Le faible niveau d’éducation favorise également cette situation des femmes au Mali. Il conviendrait alors que les autorités déploient tous les moyens nécessaires pour changer la tendance. Les accompagnements à l’endroit des femmes entrepreneures, des filles scolarisées, doivent être la ligne de mire pour mettre fin à cette forme de discrimination. À côté de cela aussi existe le manque de confiance en soi, en leur propre capacité physique aussi bien qu’intellectuelle. Maintes femmes minimisent leur compétence dans le secteur de l’entrepreneuriat. Ce qui doit cesser afin que ce secteur devienne une réalité et non un idéal.
Fousseni TOGOLA
Le Pays