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Une déroutante constance…

Et si l’Afrique, du point de vue de l’État de droit et de la démocratie, avait pris trente ans de retard, pour avoir attendu, vautrée dans une douce anormalité, que la démocratie parfaite, tombe du ciel, ou surgisse du désert, de la savane ou de la forêt ?

Vous vous posez une question, ce matin : Que se passe-t-il donc à Bamako ? « Coup d’État dans le coup d’État », dit Emmanuel Macron ; « Rectification de la transition », précisent des proches des putschistes. Et le colonel Assimi Goïta d’affirmer qu’il assume le coup d’État. Pourquoi donc feint-il de ne pas être impressionné par les menaces de sanctions de la Cédéao, de l’Union Africaine et de la communauté internationale ?

Peut-être parce qu’il n’est pas impressionné. À force de varier au gré des circonstances dans leurs exigences de démocratie, ces institutions africaines et la communauté internationale sont en train de solder ce qu’il leur restait de crédibilité et de légitimité aux yeux de nombre d’Africains. On ne peut pas tolérer la mise en jachère de l’état de droit et de la démocratie sous certains cieux, pour s’inviter en arbitre des convenances, deux pays plus loin. Cette propension à énoncer des principes que l’on s’applique à violer avec une déroutante constance érode ce qu’il faut de crédibilité et de légitimité, pour être en droit d’imposer aux peuples des règles qu’ils acceptent de respecter.

Malgré tout, l’irruption des militaires dans la transition malienne rappelle une réflexion de Jacques Chirac, que l’Afrique, à l’unisson, avait à l’époque dénoncée et rejetée. En février 1990, il avait déclaré, entre Abidjan et Cotonou, que l’Afrique n’était pas suffisamment mûre pour la démocratie.

Peut-être aurait-on mieux fait, alors, de chercher à comprendre ce qu’il voulait signifier et a peut-être exprimé avec maladresse. L’Afrique aurait pu s’interroger, avoir le sursaut nécessaire, pour se préparer à entrer en démocratie. Et le continent n’aurait pas, aujourd’hui, le sentiment d’avoir perdu trente ans à se croire en Ligue 1, alors que certains peuples pouvaient à peine prétendre jouer en nationale, ou même en CFA.

Et alors, comment les Africains auraient-ils réagi, si Chirac avait dit cela, aujourd’hui, face au putsch survenu au Mali ?

Évidemment, les putschistes de Kati ne sont pas seuls en cause. Dans la chaîne des responsabilités, on peut aussi évoquer les opposants qui leur ont aplani la voie, le pouvoir qu’ils ont renversé, la Cédéao et l’Union Africaine aussi, qui ont feint de ne pas accepter ce coup d’État, pour ensuite vouloir l’encadrer, donc le légitimer.

Hors du Mali, l’affligeant spectacle qu’offre le Tchad tombe également sous le coup de la réflexion de Jacques Chirac, tout comme les troisièmes mandats en cours en Côte d’Ivoire et en Guinée, et toutes ces démocraties (Cameroun, Congo Brazzaville, Guinée Équatoriale), où l’on s’organise pour rendre impossible toute alternance. Et ces autres démocraties (Gabon, Togo), où l’appareil est programmé pour que les fils succèdent aux pères. Ces deux pays totalisent à eux seuls, plus de cent ans au pouvoir pour ces deux familles.

Finalement, faut-il comprendre que Chirac avait raison ?

Il faut comprendre que l’Afrique doit se ressaisir, si elle ne veut pas donner raison à Chirac. D’autant que pas un seul de ces régimes n’admet s’être mis en congés de la démocratie, ce qui aurait au moins eu le mérite de la sincérité.

Devant un tel tableau, oui, l’on en arrive, certains jours, de se demander si, vautrée dans une douce anormalité, notre Afrique n’est pas en train de transformer Chirac en prophète, pour avoir cru que la démocratie parfaite, un jour, tombera du ciel, ou surgira du désert, de la savane ou de la forêt.

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