Le président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affiché sa fermeté contre la rébellion kurde et sa vitrine politique au Parlement, promettant mercredi de poursuivre avec “détermination” les opérations armées contre les rebelles enTurquie, confrontée à une vague de violences.
“Ces opérations vont se poursuivre (…) Nous allons mener cette lutte avec détermination. Nous ne nous arrêterons jamais”, a dit le président turc devant un parterre d’élus locaux réunis dans son palais, à Ankara.
Le processus de paix engagé en 2012 avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) est “gelé”, a-t-il martelé, affirmant que les combats dureraient jusqu’à ce que les rebelles kurdes “quittent la Turquie et enterrent leurs armes”.
Sur le terrain, les accrochages, désormais quotidiens depuis trois semaines entre les forces d’Ankara et les rebelles kurdes, se sont poursuivis mercredi.
Dans la région d’Hakkari, à la frontière avec l’Iran et l’Irak, des policiers turcs et des militants kurdes se sont affrontés mercredi après les funérailles d’un responsable du PKK, tué dans des combats avec l’armée la veille.
Un autre rebelle du PKK a été tué dans l’est et 20 autres se sont rendus à l’armée dans le sud-est, a précisé l’état-major turc, tandis qu’un soldat est mort dans une attaque à la roquette près de Diyarbakir (sud-est).
Recep Tayyip Erdogan s’est aussi vivement attaqué au parti prokurde HDP (Parti démocratique des peuples), dont la percée lors des élections législatives (13% des suffrages, 80 députés sur 550) a privé son Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir) d’une majorité gouvernementale.
Le pouvoir turc accuse ce parti, union de courants kurdes et d’une partie de la gauche, d’être largement à la solde du PKK. La justice pourrait d’ailleurs lancer contre le HDP une procédure d’interdiction pour “terrorisme”.
La guérilla du PKK est dans la ligne de mire de la Turquie, qui a lancé le 24 juillet une “guerre contre le terrorisme”.
Officiellement, si l’armée vise à la fois les rebelles kurdes et les combattants du groupe Etat islamique (EI), dans les faits, les raids ciblent essentiellement les bases arrières du PKK en Irak.
“Nous avons fait une pause après le début de notre offensive” contre l’EI, s’est justifié mercredi un responsable turc du ministère des Affaires étrangères, “les Américains ayant demandé d’attendre pour coordonner les objectifs”.
– Crises sécuritaire et politique –
Outre les violences, la Turquie, privée de gouvernement depuis les législatives du 7 juin, est en proie à une crise politique.
Sur ce point, M. Erdogan a balayé mercredi les critiques de ses détracteurs, qui accusent le leader turc de jouer sur la peur et l’instabilité croissantes pour affaiblir le HDP et son jeune chef charismatique, Selahattin Demirtas, et ainsi répéter le scrutin des législatives.
“Une recrudescence des attentats du PKK pourrait faire fuir les électeurs en cas de nouvelle élection et peut faire repasser le parti HDP sous la barre des 10?% des voix lui permettant d?avoir des députés”, a déclaré à l’AFP Serkan Demirtas, chef de bureau du journal Hürriyet Daily News.
Une stratégie qui pourrait d’autant plus fonctionner que les derniers sondages donnent deux à trois points de plus à l’AKP (40% des voix en juin) en cas d’élections anticipées, ce qui permettrait au parti de former seul un gouvernement.
“Je veux garder espoir qu’un gouvernement de coalition pourra se former”, a toutefois affirmé M. Erdogan.
La Turquie a besoin d'”une volonté politique forte”, a estimé M. Erdogan, qui a échoué à instaurer un système présidentiel, une modification de la constitution nécessitant l’appui d’au moins deux tiers du Parlement.
L’AKP a entamé le 13 juillet des pourparlers avec le parti social-démocrate CHP, deuxième force du Parlement, pour former trouver un accord sur un gouvernement de coalition avant le 23 août. En cas d’échec, le président convoquera de nouvelles élections.
Le Premier ministre en exercice, Ahmet Davutoglu, et le chef du CHP, Kemal Kiliçdaroglu, doivent se rencontrer une dernière fois jeudi après-midi.