Le cadre démocratique exige que les partis politiques participent à la gestion du pouvoir et assure la formation politique des citoyens. A ce titre, exclure les partis politiques et vouloir engager des réformes politiques et institutionnelles reviendrait à creuser sa propre tombe. La révision de la constitution, la relecture de l’accord, la réforme de la loi électorale et de la charte des partis politiques… sont autant de questions primordiales pour la refondation de l’Etat mais qui ne peuvent s’opérer sans l’implication des partis politiques. En outre, la crise que le Mali traverse sur fond de crise sécuritaire depuis 2012, a touché pratiquement toutes les couches sociales du pays. Pour cette raison, les solutions ne peuvent être que communes et partagées. L’exclusivisme militaire est contreproductif dans le contexte malien car chaque acteur (citoyens, partis politiques, société civile, ex-rebelles, etc.) ont tous une perception particulière de la situation et apporteront certainement, si l’occasion leurs ait donnée, des propositions de solution différentes et complémentaires. Et l’on n’y parviendra que si l’on arrive à créer les conditions de l’inclusivité et de la responsabilité partagée. Dans ce sens, l’inclusivité présente de nombreuses vertus dont le Mali a fortement besoin actuellement, à savoir le rassemblement ; la concertation ; la consultation ; la mutualisation des efforts et des idées etc. Néanmoins, le souci de l’inclusivité ne doit pas avoir raison de la lucidité à faire la part des choses entre le bon et le juste, le bien et le mal, l’utile et le nécessaire, l’urgence et la priorité…
Les pièges d’un gouvernement dit « d’union nationale »…
En reconduisant Moctar Ouane au poste de Premier Ministre, le Président de la transition Bah N’Daw a invité ce dernier à former un gouvernement large et inclusif. Depuis lors, de concertation en concertation, Moctar Ouane est entrain de rencontrer l’ensemble des acteurs de la vie politique malienne. Les concertations politiques continuent sur fond d’un climat social tendu dû à la grève de l’UNTM qui maintenant, est reconduite. D’après certaines sources dont Rfi, le prochain gouvernement de transition pourrait aller jusqu’à 33 ministres. L’enjeu étant l’inclusion des partis politiques dans la conduite de la transition, il s’agira concrètement d’élargir la base politique pour le prochain gouvernement. Sauf que, l’expérience a prouvé qu’au Mali, de tel gouvernement ont une très faible efficacité et parviennent à produire peu de résultats satisfaisants. Dans l’histoire récente du pays, les dirigeants ont recours le plus souvent à cette formule lorsqu’ils font face à un rapport de force tendu dans le champ politique. L’incapacité de produire de véritables solutions politiques en vue d’une gestion durable des problèmes structurels pousse alors les autorités à recourir à cette vieille recette de « partage de gâteau » au nom du rassemblement ou de la réconciliation nationale. Mais ce type de gouvernement n’arrive en aucun moment à doter le pays d’une véritable stabilité pour la simple raison qu’il n’est pas fondé sur des principes mais plutôt sur l’envie de se servir de l’Etat. C’est le moyen qu’ont trouvé d’aucuns pour faire taire les opposants politiques afin que les revendications légitimes des populations ne trouvent de relais politiques. Il revient au Premier Ministre Moctar Ouane et au Président Bah N’Daw de faire en sorte que le prochain gouvernement dit « inclusif » ne tourne pas à un partage de gâteau au mépris des profondes revendications légitimes du peuple dont celle de la justice sociale ; de l’égalité de tous les citoyens devant la loi ; de lutte contre la corruption et de toutes les formes de mauvaise gouvernance etc. C’est là le piège à éviter, à tout prix ! L’inclusivité n’est pas synonyme d’un gouvernement d’union nationale mais c’est plutôt la capacité à définir les objectifs de la transition de manière concertée et consensuelle en se donnant ensemble les moyens pour les atteindre. A ce jour, ce qu’il faut pour le Mali c’est un gouvernement stratège, composé de technocrates et de politiques qui devront travailler avec des personnes compétentes et de moralité non douteuse ; afin que le pays puisse aller rapidement vers la sécurisation de son territoire, la conduite des reformes et l’organisation d’élections générales libres et transparentes.
Ballan D., Politologue et Khalid D., Economiste.
Source: Bamakonews