Le texte recueille des appréciations généralement positives, mais une voix discordante se fait quand même entendre. Le 16 juillet dernier, les ministres de la Défense Jean Yves Le Drian de la France et Bah N’Daw du Mali ont paraphé les documents qui matérialisent le traité de coopération en matière de défense entre nos deux pays. La signature de ce texte a évidemment suscité de vifs commentaires, surtout dans la classe politique malienne.
Il convient d’indiquer tout d’abord que cet accord rappelle dans son préambule l’attachement aux engagements pris par chaque Etat dans le cadre de l’Union africaine, de l’Union européenne et de l’Organisation des nations unies.
Dans ses grandes lignes, le traité fixe les objectifs et les principes de la coopération militaire entre nos deux pays, ainsi que les domaines et les formes qu’elle prendra. Il précise le statut des membres du personnel et des personnes à charge. Autres rubriques non moins importantes, le partage des compétences entre les juridictions, les conditions d’entrée et de séjour, les dispositions fiscales et douanières, les règlements des dommages, ou encore le soutien logistique et les moyens de communication. Le traité couvre les personnels français et les personnes à charge au Mali et les personnels militaires maliens et les personnes à charge en France. Le traité est conclu pour une durée de cinq ans reconductible. Il doit être examiné par l’Assemblée nationale qui en autorisera la ratification.
Si dans les sphères militaires maliennes, l’unanimité se constate sur le fait que ce traité vise à concourir à une paix et une sécurité durables, du côté des partis politiques, les points de vue divergent. Au niveau de la majorité présidentielle, évidemment l’opinion est largement favorable à la signature de ce traité. C’est ce que confirme le chargé à la communication du RPM, Boubacar Touré. Pour lui, le Mali a tout à gagner dans ce traité qui garantit trois choses fondamentales : le règlement pacifique du conflit armé qui oppose la République du Mali aux groupes armés, le respect de l’intégrité territoriale ainsi que la qualité de la coopération militaire (notamment en matière de renseignements). Il a également précisé que le peuple aura son mot à dire à travers l’Assemblée nationale qui pourrait apporter des modifications si nécessaire. « Le Mali seul, à l’état actuel, ne peut pas faire face aux menaces terroristes. La France nous a secouru en janvier 2013 pour stopper l’avancée des groupes armés », a rappelé Boubacar Touré.
Yelema, la formation politique du chef du gouvernement Moussa Mara, avait déjà indiqué au cours de son dernier congrès national qu’elle ne voyait pas d’un mauvais œil la signature d’un accord de coopération militaire avec la France ainsi qu’avec les pays voisins du Mali. A condition que l’intégrité territoriale soit respectée et que les citoyens retrouvent la paix définitivement. Même jugement positif porté par le professeur Tiémoko Sangaré, leader de l’ADEMA. Du côté de l’opposition, notamment le PARENA, la signature de ce traité était également attendue.
PAS DE CESSION DE BASE. « Le PARENA est favorable à cet accord de coopération. Comment ne pas l’accepter si on se souvient que la France est venue à notre secours quand nous étions au fond de l’abîme et qu’aujourd’hui sa présence au Nord constitue notre principal bouclier contre le terrorisme ? Sur cette question, le PARENA se situe aux antipodes des putschistes qui ne voulaient pas de l’intervention Serval, et qui en complicité avec les djihadistes projetaient de renverser la Transition et d’installer le chef putschiste en lieu et place du président de la République par intérim. Nous sommes d’autant plus d’accord avec cette collaboration militaire avec la France qu’elle n’implique pas de cession d’une quelconque base militaire et n’exclut aucunement que demain le Mali signe de pareils accords avec d’autres pays », a commenté Djiguiba Keïta dit « PPR », Secrétaire général du parti du Bélier blanc.
La voix discordante que nous avons entendue est venue du SADI. A en croire, Nouhoum Kéita, Secrétaire administratif du Bureau politique du parti, le traité signé entre les deux pays est « un nouveau pacte colonial scellé au détriment de la morale et de l’unité du Mali. Le document signé, qui reste strictement confidentiel, accorde des privilèges et immunités au personnel du détachement français sur la base de la Convention des Nations-Unies signée à Vienne le 13 février 1946. »
Keïta assure que « Paris agira selon ses besoins. Un meilleur échange de renseignements est officiellement prévu, mais pour la France, cela n’ira pas jusqu’à informer au préalable les autorités maliennes des actions entreprises ».
Pour le responsable de SADI, si la France avait voulu se mettre au service de la MINUSMA elle aurait intégré les troupes onusiennes et donné à ces dernières un mandat consistant comme celui de la MONUSCO en République Démocratique du Congo. Nouhoum Keita juge que conscient des limites juridiques de l’opération Serval déclenchée à la suite d’une simple lettre du président d’une Transition décrédibilisée, Paris a décidé de renforcer aujourd’hui le poids juridique de son intervention au Mali et de donner un cadre nouveau à son implantation durable. Le nouvel accord franco-malien ira donc, pour notre interlocuteur, au-delà de la simple coopération de défense classique.
Du coté de l’URD, toutes nos tentatives de joindre les principaux responsables se sont soldées par des échecs.
A. DIARRA
Source: Essor