Sans apporter la moindre preuve formelle, le suspect a soutenu appartenir à un mouvement signataire de l’Accord de paix. Certains détails de son dossier l’ont très vite rattrapé
Ould A était poursuivi pour « actes de terrorisme, appartenance à un groupe de combat intentionnellement en relation avec une entreprise terroriste, détention, port et transport d’armes et de munitions de guerre ». L’homme est suspecté d’avoir commis ces faits courant 2019. Au terme de plusieurs heures d’audience à la Cour d’assises de Bamako, il a écopé de la réclusion à perpétuité.
Dans la nuit du 14 au 15 décembre 2019, les militaires de la force Barkhane menaient une patrouille dans un hameau situé entre Tin-Fadimata et Ménaka dans le Septentrion malien. Au cours de cette patrouille de routine, Ould A avait été capturé en possession d’une arme AK47, cinq boîtes de chargeurs et divers objets. Ainsi, tout portait à croire qu’il était prêt à en découdre avec l’armée régulière du pays.
Après son interpellation par la force française Barkhane, il a été conduit à Gao pour les besoins d’enquête. Par la suite, le jeune homme a été transféré aux autorités maliennes en janvier 2020 par la Brigade d’investigations spécialisées (BSI). Ainsi, il a été présenté au procureur du Pôle judiciaire spécialisé, lequel a requis l’ouverture d’une information judiciaire qui a abouti à son inculpation pour l’infraction citée plus haut. Une infraction criminelle prévue et punie par le Code pénal malien et susceptible de donner lieu à l’application d’une peine proportionnelle.
Face aux juges lors de son audience, lorsque l’interprète lui a fait comprendre les raisons de sa comparution devant les juges, l’inculpé a catégoriquement nié les faits d’appartenance à un groupe terroriste. Il a cependant reconnu la détention d’arme de guerre et de munitions. Après avoir nié qu’il appartenait à un groupe de terroristes, il a tenté de se blanchir. C’est ainsi qu’il a avoué être un combattant du Mouvement arabe de l’Azawad (M.A.A). Une organisation dans laquelle il dit avoir milité jusqu’à la signature de l’Accord pour la paix issu du processus d’Alger, signé à Bamako.
Dans la même veine, le mis en cause a tenté de convaincre les jurés en retraçant son parcours. Un parcours qui, s’il faut le croire sur parole, l’avait vu intégrer les ex-combattants après avoir passé par le processus de démobilisation, désarmement et réinsertion (DDR) et celui du Mécanisme opérationnel de coordination « M.O.C ».
L’accusé semblait avoir donné tous ces détails à la Cour pour justifier les raisons qui ont fait qu’il détenait une arme de guerre. Mais en dépit de ces détails, la Cour ne s’est pas laissée convaincre. Les juges lui ont rappelé qu’il n’avait aucun droit de porter une quelconque arme et d’en faire usage, à partir du moment où le processus d’enrôlement des ex-combattants était en cours.
Ces mots ont suffit aux juges de boucher toutes les issues pour l’accusé. Celui-ci est resté muet sans pouvoir apporter la preuve de son appartenance au M.A.A dont il se réclamait membre. Mais surtout à cause duquel, il portait une arme. Il aurait pu au moins prouver cela par une carte de membre ou par un témoignage convainquant comme les jurés le lui ont demandé. Mais hélas.
Pour ne rien arranger à la situation du jeune homme, le ministère public lui a rappelé dans son réquisitoire, l’historique de la genèse des différents mouvements armés et leur fusion ayant conduit à l’avènement de l’Accord pour la paix issu du processus d’Alger, signé en juin 2014. « Il a été capturé en compagnie de 6 personnes parmi lesquelles, il était le seul à détenir une arme de guerre », a défendu le haut magistrat. Pour enfoncer le clou, le défenseur des citoyens a détaillé qu’on ne peut pas appartenir à un groupe pacifique et être capturé avec une telle arme, et justifier vouloir assurer sa propre sécurité comme c’était le cas de cet inculpé.
Mais, celui-ci ignorait très probablement, le fait que le parquet avait souvenance qu’il n’était pas à sa première interpellation. C’est pourquoi, le magistrat debout lui a rappelé cela, sans oublier les conditions de son élargissement avant d’être repris de nouveau par les soldats français. Au regard de toutes ces observations, l’avocat général a requis à la Cour d’entrer en voie de condamnation contre lui.
Pour sa part, la défense n’a pas caché sa surprise face à un dossier qui, selon elle, est monté sans élément factuel. De l’avis de l’avocat, être membre d’un mouvement n’est pas forcément synonyme de terroriste. Il a rappelé à la Cour que l’une des conditions pour faire partie du DDR était de détenir une arme. « Voilà pourquoi, il détenait une arme », a-t-il plaidé avec force.
Dans le même ordre d’idée, l’avocat a centré sa plaidoirie sur l’absence de preuve contre son client. Un client qu’il a tenté de nettoyer verbalement, avec la ferme volonté de lui ôter la tunique de terroriste. « Dans ce dossier, il n’y a rien. Ce n’est pas un terroriste », -a-t-il martèlé de nouveau sans autre forme de procès, tout en soutenant à qui veut l’entendre qu’on ne peut, et ne doit pas inventer un terroriste.
Le parquet contre-attaque en expliquant toute la procédure d’enrôlement du DDR et du M.O.C. Il ne s’est pas non plus privé d’ajouter que partant de cela, ce n’est pas tout le monde qui doit se promener avec une arme, prétextant être membre d’une organisation ou d’un quelconque groupe. «On est là pour sanctionner les actes de terrorisme et non le terroriste lui-même», a précisé le magistrat. Le conseil de l’accusé a répliqué soutenant mordicus que c’est par erreur que son client s’est retrouvé à la barre et qu’il n’y avait aucun élément factuel dans son dossier.
En dépit de tout, au terme d’un débat particulièrement houleux, le mis en cause a été reconnu coupable sans bénéficier de circonstances atténuantes. La Cour qui semblait avoir suivi le parquet, l’a condamné à la réclusion à perpétuité et au paiement de 10 millions de Fcfa d’amende. Sans oublier le remboursement de la même somme à l’État à titre de dommages et intérêts.
Tamba CAMARA
JUGÉ PAR CONTUMACE
Si le Ould A, a écopé de la réclusion à perpétuité, A .A. M a lui comparu pour blanchiment de capitaux et financement de terrorisme. De l’acte d’accusation il est ressorti que cet homme a commis cette infraction courant 2014-2018. à cette date, il avait ouvert un compte épargne dans une des structures bancaires de la place. Par la suite, il s’est avéré qu’il était de connivence avec des groupes de terroristes.
Au cours de sa traque, il serait parvenu à disparaître des radars des enquêteurs. Très probablement en fuite, la justice s’est penché sur son cas lors de la session spéciale en cours actuellement à la Cour d’appel de Bamako. Il a ainsi été jugé par contumace et condamné à 7 ans de prison ferme.
En outre, le fugitif doit payer plus de 71 millions de Fcfa d’amende, et 10 millions de Fcfa à titre de dommages et intérêts au profit de l’état du Mali. Nous y reviendrons dans les prochaines parutions.
T.C
Source : L’ESSOR