La Semaine sainte avec… (3/3). Préoccupée et mobilisée par la crise que traverse son pays d’origine, la diaspora congolaise en Île-de-France veut espérer un avenir meilleur.
Les fidèles de Saint-Bernard (Paris 18e), pour qui la RD-Congo vit un véritable « chemin de Croix », se raccrochent à la prière.
Pour l’occasion, les femmes ont revêtu leurs plus beaux boubous. Les hommes aussi sont sur leur 31. Les « joyeuses », les petites filles qui accompagnent la liturgie zaïroise de leurs danses, ont mis leurs jolies robes bleues et blanchesiL’entrée dans la Semaine sainte se fait en grande pompe à l’église Saint-Bernard, dans le 18e arrondissement, paroisse de rattachement de l’aumônerie catholique congolaise de Paris. L’heure est à la ferveur à l’approche de la grande fête de Pâques. Avec, dans le cœur de tous les fidèles, leur pays d’origine, dont la situation politique et économique ne cesse de se dégrader depuis 2016.
« En proie à des milices venues de l’étranger, le pays est retenu en otage par ses dirigeants, qui ne pensent qu’à eux et non à leurs concitoyens. Nos jeunes, faute d’emploi, sont désœuvrés, c’est la misère la plus totale », se désole Achille Wansilabo, ingénieur d’une soixantaine d’années, originaire de Kinshasa et arrivé en France pour ses études.
Comme beaucoup de Congolais de la diaspora, il s’apprête à vivre « avec intensité les mystères de la Passion, de la mort et de la Résurrection du Christ », qui revêtent cette année une dimension particulière, « dans l’attente d’un véritable renouveau ».
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La diaspora unie à la cause des catholiques congolais
Comme ce père de quatre enfants, ils sont ainsi nombreux à se sentir intimement unis à la cause défendue par les catholiques congolais, à la pointe de l’opposition au président Joseph Kabila. Ce dernier refuse toujours l’application d’accords – pourtant approuvés par les différentes factions politiques fin 2016 – prévoyant la tenue d’élections.
Depuis le 31 décembre dernier, le Comité laïque de coordination, se revendiquant de l’Église, a organisé trois grandes marches pacifiques pour demander la tenue d’élections et le départ du chef de l’État. À chaque fois, les manifestations ont été durement réprimées, parfois dans le sang.
C’est d’ailleurs dans la chapelle du Saint-Sacrement de Saint-Bernard, que les Congolais d’Île-de-France se sont réunis eux aussi : une marche a été organisée à Paris le 18 février. À l’issue de la messe des Rameaux, certains s’y retrouvent pour échanger. La situation politique est bien sûr évoquée, ainsi que le choix de l’Église de RD-Congo de privilégier désormais le lobbying auprès des institutions internationales.
« J’aurais préféré que la pression continue… », glisse Achille Wansilabo, qui se dit malgré tout prêt à suivre les consignes des leaders. Wivine, cadre de santé à l’hôpital Bichat, arrivée en France il y a plus de trente ans et désormais à la tête du « mouvement catholique des mamans congolaises » de Paris, ne perd pas une miette de ce qui se passe au pays. Facebook et Whatsapp permettent aux familles de rester en lien. « Sauf lorsque le gouvernement coupe les réseaux là-bas », souffle-t-elle. Ce sont alors des heures d’angoisse.
L’Église joue un rôle de rempart
La notion de sacrifice, au cœur du Vendredi saint, n’est pas étrangère aux Congolais de la diaspora. Beaucoup se privent pour soutenir ceux restés en Afrique. « Pour eux, ce n’est plus une vie. C’est de la survie », lâche à son tour Filipe Mamutomdo, employé dans les transports et lui aussi installé en France de longue date. « On a touché le fond : il n’y a plus d’administration, tout est à refaire. La seule institution qui tient, c’est l’Église. »
Cette dernière joue un effet depuis plusieurs décennies un rôle de rempart. « La voix du cardinal Monsengwo, archevêque de Kinshasa, est notre voix à tous. Les consciences se sont levées. Le jour des souffrances de notre Seigneur, nous lui confions les nôtres, prêts à les porter avec lui », assure Filipe. À l’image de Jésus, pas question de violence ou de haine : « Nous nous tenons debout, mais de façon pacifique. »
Saluant les uns et les autres, le père Noël Mpati, l’aumônier de la communauté, accueille volontiers les initiatives qui naissent dans la paroisse. « Mais nous ne limitons pas notre action spirituelle aux marches, précise-t-il. Nous prions avant tout pour l’avènement d’une bonne démocratie, dans un pays aux nombreuses richesses naturelles. Pour que le Congo soit plus beau qu’avant. »
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Une crise politique qui s’éternise
Novembre 2011. Réélection contestée du président Joseph Kabila, arrivé au pouvoir en 2001.
19 décembre 2016. Le mandat de Joseph Kabila expire mais aucune nouvelle élection n’est organisée. Journées de violence dans le pays.
31 décembre 2016. Grâce à une médiation du ministre de la justice et de l’Église catholique, un accord, dit « de la Saint-Sylvestre », est trouvé pour organiser une élection en 2017.
Juin 2017. L’épiscopat congolais lance un message appelant les catholiques à se lever et demande au président Joseph Kabila de ne pas briguer un troisième mandat, ce que lui interdit la Constitution. Les élections, initialement prévues fin 2017, sont reportées à décembre 2018.
Décembre 2017. Naissance du Comité laïc de coordination, qui relaie l’appel des évêques et organise des marches pacifiques pour demander l’application des accords et le départ de Joseph Kabila.
Marie Malzac
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