Après 129 travailleurs déjà licenciés sans droits et malgré les promesses de l’Etat de renégocier les conventions minières en faveur des Maliens, la mine d’or de Sadiola exploitée par la Semos-Sa, s’apprête à mettre à la rue 500 travailleurs qui, eux non plus, ne bénéficieraient d’aucun droit.
La société d’exploitation des mines d’or de Sadiola veut rééditer son dernier forfait. Il y a quelques semaines seulement, elle avait réussi à licencier 129 travailleurs, dans des conditions que certains ont qualifiées de mafieuses, puisque ces travailleurs mis à la porte n’auraient bénéficié d’aucun droit ni de plan social. La Semos-Sa veut remettre cela. Et cette fois-ci, ce sont 500 travailleurs qui seront concernés. Eux aussi sans droit, semble-t-il.
Il est incompréhensible qu’encore aujourd’hui, ces sociétés prospèrent dans de telles attitudes. Au cours de la campagne pour l’élection présidentielle, tous les candidats avaient promis, en cas de victoire, de procéder, dès leur élection, à la révision des contrats et conventions qui régissent l’exploitation minière. Avec l’arrivée d’Ibrahim Boubacar Kéïta, sur lequel beaucoup d’espoirs sont fondés, beaucoup sinon tout le monde avaient cru que l’or malien allait enfin briller pour le bonheur du peuple malien. Ce qui, jusque-là, n’a jamais été le cas. Pourtant, le sous-sol malien est riche, très riche, notamment en gisements d’or. En témoigne la ruée dont ce pays fait
l’objet de la part des chercheurs d’or. Ils se ruent d’autant plus qu’ils sont assurés d’obtenir des licences sans trop se soucier de leurs revenus. La part léonine est pour eux, la partie congrue pour le Mali.
Une fois installés, ces exploitants montrent leur véritable visage de maîtres incontestés et incontestables. Ainsi, sur certains sites aurifères du Mali, les travailleurs sont obligés de se soumettre aux tracasseries et aux caprices des responsables qui font la loi. Gare à celui qui bronche ou qui parle de grève pour une amélioration de condition de vie ! Les travailleurs qui ont osé réclamer leurs droits, ont été purement et simplement licenciés sans autre forme de procès et sans droits. Des chefs de familles sont ainsi livrés à la clochardisation. Le comble dans cette affaire est que le malheur des travailleurs de la mine de Sadiola est dû à certains responsables maliens qui ne voient que leurs seuls intérêts. Ce sont certains responsables maliens de ces mines d’or qui seraient en train d’attiser le feu en encourageant les responsables étrangers à sévir contre des travailleurs maliens dans le but de faire «embaucher leurs parents». Certains de ces responsables étrangers sur les sites miniers de Sadiola n’ont aucun respect pour les autorités maliennes, encore moins pour les travailleurs maliens. Et pourtant, sans cette main d’œuvre malienne, la mine ne serait pas là aujourd’hui.
Le contenu de l’Arrêté du ministre caché aux travailleurs licenciés
La connivence entre ces responsables locaux et leurs maîtres étrangers ne fait aucun doute. Et ne date pas d’aujourd’hui, comme l’atteste l’Arrêté N° 0039 Mtash/CAB du 28 janvier 2014, signé par l’actuel ministre du Travail et des Affaires sociales et humanitaires, Hamadoun Konaté, pour un rappel de salaire, après saisie par la Fédération nationale des mines (Fename), suite à un conflit qui l’oppose au Directeur général de la Société d’Exploitation des Mines d’Or de Sadiola (Semos-Sa), à propos d’un dépôt de préavis de grève le 03 juillet 2012. Le conflit a été porté devant le Conseil d’arbitrage qui, dans sa sentence rendue le 13 janvier 2013, a condamné la Semos SA à rappeler au personnel la majorité du salaire de base, instituée par le décret N°99250/PRM du 15 septembre 1999 ; la prime de rendement prévue par la Convention Collective applicable. Selon le contenu de l’Arrêté, il est revenu au ministre que le Directeur n’a toujours pas donné effet à cette décision du Conseil d’arbitrage. Cependant, le Ministre a demandé au Directeur de prendre les mesures nécessaires pour faire rentrer tous les travailleurs dans leurs droits. Peine perdue, le Directeur n’a pas encore réagi et pis, il aurait refusé de faire connaître aux travailleurs licenciés le contenu dudit Arrêté. Comme s’il foulait au pied les décisions prises par nos autorités. Or, pour rappel, le président de la République a soutenu le 27 novembre 2013 lors de session du Haut conseil national de lutte contre Sida, en réponse à une question en rapport aux mines d’or, qu’il a donné des instructions par rapport à ces mines. Où sont passées ces instructions ? Quel deal y a-t-il entre le gouvernement et les responsables de mines? En tout cas, ils font la pluie et le beau temps. Tant pis pour les travailleurs qui n’ont rien à envier aux esclaves, tellement ils ne peuvent pas s’exprimer librement au risque de se retrouver à la porte.
Environ 500 travailleurs seraient en lice pour être licenciés. Pour en savoir clair dans cette situation, nous sommes rentrés en contact avec un certain Berthé qui serait un responsable syndical. Sans autre forme de transition, il a raccroché son téléphone. Parler ou se taire, c’est toujours de l’information. Cette attitude nous fait croire en ce qui se dit sur les lieux, à savoir que les responsables syndicaux sont de mèche avec les responsables de la mine. Car, ils semblent ne pas défendre les travailleurs. Pourquoi et à quels prix, ils font ce jeu dangereux? Qu’est ce que le Gouvernement fait de la lutte contre le chômage? Mettre tous ces travailleurs en chômage, c’est en rajouter à la délinquance sous toutes ses formes et bonjour à plus de pauvreté. La balle est dans le camp du gouvernement pour nous épargner d’autres crises dont le Mali n’a vraiment pas besoin en ce moment. Les mines d’or doivent être revues avec une attention particulière de la part du Gouvernement.
Selon toujours notre source, des informations circulent pour demander aux travailleurs de renoncer à une partie de leurs droits qui sera remise au notaire. Pourquoi et dans quel but ? Nous ne saurons le dire. Dans tous les cas, cette situation pourrait occasionner un regain de tension à la Semos-Sa. Par ailleurs, il nous a été rapporté que pendant que le Directeur refuse de payer les droits des travailleurs licenciés pour insuffisance de ressources, il serait en train de signer en catimini des sous-contrats avec d’autres petites sociétés. Que veut-il réellement ? Il est temps que les autorités réagissent avec vigueur contre certaines pratiques qui remettent en cause nos propres textes au profit des pratiques malveillantes. L’or est extrait du sol malien, mais les Maliens sont devenus les dindons de la farce. Des centaines de milliards proviennent de ces mines sans que le Mali en bénéficie convenablement. En tout cas si ça dure, ça casse et si ça casse, ça ne dure pas. A bon entendeur salut ! Affaire à suivre.
Bruno LOMA
SOURCE: Le Flambeau