Au vingt-quatrième jour de procès pour meurtre d’Oscar Pistorius mercredi, les experts ont repris la parole, pour critiquer la version de l’accusation. Mais ils auront bien du mal à effacer l’impression négative laissée par le champion à la barre, selon plusieurs avocats.
Après des jours de tension extrême, le procès ronronne depuis mardi après-midi, tandis que l’expert Roger Dixon livre son savoir, photos, diagrammes, tests phoniques.
Mais plusieurs avocats interrogés par l’AFP estiment que Pistorius s’est fait tort à lui-même durant ses sept jours consécutifs de déposition à la barre, en se contredisant.
Initialement, Pistorius avait déclaré qu’il se croyait attaqué par un cambrioleur quand il a tiré quatre coups de feu sur la porte des toilettes. Cela pouvait lui permettre de de se couvrir derrière le principe de la légitime défense et de justifier de l’usage de la force.
Mais durant le contre-interrogatoire du procureur Gerrie Nel, il a été longuement interrogé sur son état d’esprit au moment de tirer et ses intentions.
L’athlète de 27 ans a changé sa version pour dire qu’il avait tiré sur la porte par accident, une ligne de défense complètement différente suggérant une action involontaire.
“Deux versions c’est comme pas de version”, résumait dans les colonnes du Star mercredi le pénaliste de l’université de Pretoria, Wium de Villiers.
Pistorius a également suggéré qu’il n’était pas rationnel lorsqu’il a déchargé son 9 mm sur la porte des WC en déclarant “n’avoir pas eu le temps de réfléchir”. Sa victime s’est effondrée derrière la porte, touchée d’abord à la hanche puis au bras et à la tête.
“Vous avez tiré quatre fois à travers la porte sachant qu’elle était là et qu’elle vous parlait. Qu’elle s’était enfermée à l’intérieur et vous vous êtes armé avec la seule intention de la tuer. C’est seulement après coup que vous avez été dépassé par ce que vous aviez fait!”, a tonné le procureur, connu pour son acharnement et surnommé déjà avant le procès “le bulldog”.
“Un homme désespéré”
“Il a été au danger avec son arme, la sécurité retirée, et il a progressé dans le couloir d’une manière qu’il a décrite comme très tactique”, remarque Martin Hood, un avocat pénal de Johannesburg. “Donc toutes ses décisions étaient très conscientes et intentionnelles”.
Pistorius plaide non coupable du meurtre intentionnel de Reeva, de même que des autres chefs de poursuite. Il n’avait notamment pas le droit de détenir, sans autorisation, des munitions appartenant à son père et il est accusé d’imprudence pour avoir essayé et tiré avec l’arme d’un ami dans un restaurant, le Tasha’s, début 2013.
“Le fait qu’il refuse d’accepter sa responsabilité pour le coup de feu du Tasha’s alors qu’il avait l’arme sous son contrôle a marqué un tournant dans le procès”, estime M. Hood.
Plusieurs commentateurs ont regretté dans les médias que cet incident du restaurant n’ait jamais été signalé à la police, estimant que cela aurait peut-être conduit à priver Pistorius de son port d’armes et épargner une vie quelques semaines plus tard.
Le procureur a aussi eu beau jeu de pointer des omissions ou contradictions entre la version donnée sur le papier par les avocats de Pistorius et son propre récit.
“Vous réfléchissez constamment à votre version et vous ne répondez pas aux questions”, l’a accusé le procureur. “Cela devient de plus en plus improbable et vous ajustez de plus en plus à mesure que nous avançons”, lui a-t-il reproché.
Pistorius a rejeté sur ses avocats le problème des incohérences entre son récit et les deux dépositions précédentes, qui étaient écrites. Il a aussi accusé la police d’avoir tout déplacé dans sa chambre quand les photos de la scène de crime ont paru l’incriminer.
“Brusquement il a fait cavalier seul”, observe William Booth, un autre avocat connu du Cap. “Il a l’air d’un homme désespéré”.
Pistorius a commis des erreurs d’école à la barre, selon lui, en se montrant évasif, en ne répondait pas directement aux questions et en contestant quand bien même d’une petite voix.
Après la confrontation avec le procureur, “son avocat a essayé très brièvement de redresser la situation mais il était probablement judicieux de ne pas insister”, ajoute M. Booth. “Poser davantage de questions ne pouvait qu’empirer la situation”.
“Je pense que rétrospectivement, ils regrettent probablement de l’avoir cité comme témoin”, enchaîne M. Booth. Mais “le problème est qu’il devait témoigner pour sa défense… il était le seul témoin de l’incident”.
© 2014 AFP