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SAS-GATE: l’aveu allemand

L’affaire des 49 soldats ivoiriens chopés à l’aéroport président Modibo Keita de Bamako Sénou, avec l’implication notamment de la société Sahel aviation service (SAS) reste une arête en travers la gorge de l’Allemagne. La suspension par le gouvernement, le 14 juillet 2022, des rotations de contingents militaires et policiers de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), y compris celles déjà programmées ou annoncées, et ce, pour des raisons de sécurité nationale, n’a pas arrangé la colère injustifiée de l’Allemagne contre notre pays.

Outre les sorties au vitriol de la Ministre allemande en charge de la défense, Christine Lambrecht, une audition à la commission de la défense du Bundestag ce mercredi 3 août 2022 a donné l’occasion à la ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, de tancer les autorités de la Transition pour avoir instruit à une société privée de se conformer aux règles et de respecter les termes de son agrément. Derrière les préoccupations sécuritaires, la charge de la chef de la diplomatie allemande sonne comme un aveu d’un État moins soucieux du respect de la souveraineté de notre pays, plus motivé par la défense d’une société privée qui agit en toute illégalité au Mali. La question est : pourquoi le gouvernement allemand défend-t-il bec et ongle la compagnie Sahel aviation services ?

Accusations officielles
Auditionnée ce mercredi devant la commission de la défense du Bundestag (parlement allemand), la ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a accusé notre pays d’entraver à plusieurs reprises le déploiement de la Bundeswehr (armée allemande), en référence à la suspension des rotations des contingents militaires et policiers de la Minusma, toutes choses qui ne touchent pas la seule Bundeswehr. La chef de la diplomatie allemande a estimé en substance que l’engagement de son pays dans le nôtre «est torpillé à plusieurs reprises par le gouvernement intérimaire malien… La situation actuelle est tout sauf bonne. Vous n’avez pas besoin de tourner autour du pot : c’est mauvais.»
Pour la ministre des affaires étrangères allemande les « nouvelles restrictions » imposées par le gouvernement de la Transition rendent les conditions des soldats allemands encore plus difficiles. Outre la suspension des rotations, la ministre allemande affirme aux « députés allemands » que les autorités de la Transition ont maintenant retiré le permis de survol du transporteur militaire A400M, comme l’a annoncé le commandement des opérations de la Bundeswehr.

Alexander Müller, le porte-parole de la politique de défense du groupe parlementaire FDP (Parti libéral-démocrate ; en allemand Freie Demokratische Partei, abrégé en FDP) ne va pas avec le dos de la cuillère. Selon lui, après que «le gouvernement putschiste» de Bamako ait déjà renvoyé les Français hors du pays, le nombre de « piqûres d’épingle » contre l’Allemagne a considérablement augmenté. «Il serait naïf de croire qu’il s’agit ici de coïncidences ou de simple malentendus» pour Alexander Müller qui estime que «si l’ambiance sur le terrain change et que la population nous considère comme des occupants étrangers au lieu d’»amis et d’assistants», alors la menace pour nos soldats augmente de façon exponentielle.»
Le député et porte-parole du groupe parlementaire FDP, Alexander Müller, pense que si la Minusma se retirait, le Sahel deviendrait plus instable. Il y aurait, appréhende-t-il, une nouvelle menace humanitaire ainsi que des flots de réfugiés vers l’Europe. Pour lui, en substance, «les mercenaires russes sur lesquels les Maliens comptent désormais ont d’autres intérêts que la paix, la stabilité et les soins médicaux et humanitaires. D’un autre côté, la sécurité de nos soldats a toujours été la priorité absolue.» Dans cet environnement, pour le député libéral, les bonnes décisions doivent être prises maintenant.

Pomme de discorde
En plus de la suspension, pour raison de sécurité nationale, des rotations des contingents militaires et policiers de la Minusma, l’Allemagne s’offusque que les autorités de la transition aient également suspendu les droits de survol de la compagnie privée Starlite, qui assure le transport des blessés entre Gao et Niamey. Rappelons que la majorité des soldats de la Bundeswehr de la mission MINUSMA sont stationnés à Gao. Même si la porte-parole du ministère de la Défense a indiqué que cette décision avait été révisée ce qui signifie que la chaîne de sauvetage de la Bundeswehr est à nouveau entièrement intacte.

Mais où serait le problème des autorités allemandes si notre pays maintenait la suspension d’autorisation de survol du transporteur militaire A400M allemande (la compagnie privée Starlite) de la Minusma Bamako-Gao, mais autorisait des vols TacAE (Tactical Air Evacuation) de Gao-Niamey ? A moins que l’espace aérien Bamako-Gao intéresse l’Allemagne pour des objectifs inavoués, sinon il ne devrait pas y avoir autant de levées de boucliers.
Le gouvernement allemand estime que notre pays entrave l’évacuation sanitaire rapide des troupes de la MINUSMA en suspendant l’autorisation de survol de la Starline sur Gao-Bamako, mais permet ceux de Tactical Air Evacuation sur Gao-Niamey. En réalité Gao-Niamey est longue de 383 km par vol tandis que Gao-Bamako est de 949 km. Comme on le voit Gao-Niamey est plus court que Gao-Bamako. Où est donc l’entrave ? Mieux selon leurs propres propos Niamey est devenue le hub des opérations européennes dans le Sahel, depuis le redéploiement de Barkhane. Donc sur quoi repose cette accusation ? Quel lien l’État allemand a-t-il avec cette autre compagnie la Starlite aviation Group (SAG) qui a un contrat de services communs d’évacuation sanitaire aérienne (MEDEVAC) pour l’EUTM Mali et l’EUCAP Sahel Mali entériné en juin 2017 ? Quand on sait que l’Allemagne s’est retirée de l’EUTM-Mali ? La compagnie Starlite Aviation Group étant une compagnie aérienne internationale active sur les cinq continents, fournit une capacité d’évacuation sanitaire aérienne à l’EUTM Mali depuis 2014. L’Allemagne a-t-il un contrat occulte avec cette compagnie à l’instar de Sahel Aviation service (SAS) ?

Collusion d’intérêts
Dans l’hypothèse inavouable de collusion d’intérêts, on comprendrait que l’Allemagne accuse d’obstruction notre pays pour avoir demandé à SAS une entité privée de cesser ses activités illégales sous le couvert de pseudo-NSE de la MINUSMA. Il n’est pas inutile de noter que le contingent Allemand est basé à Gao. Alors quel appui la soixantaine de soldats (l’ONU fixe à 50 le nombre NSE) se broyant à l’aéroport Bamako va-t-elle apporté aux soldats allemands déployés à Gao ? Par ailleurs le Mali n’a demandé à SAS que de mettre de l’ordre dans ce “dysfonctionnement” incontestable dans son accord d’établissement. Contrairement au narratif officiel allemand repris par les trolls et les narco-activistes comme «expulsion de contingents étrangers du Mali», il s’agit simplement pour SAS de se conformer à son objectif social. Faire de l’aviation et non de l’hôtellerie.

Mais les dessous de la colère de la Bundeswehr seraient liés à la décision du gouvernement via la direction des Aéroports du Mali de ne plus permettre aux forces étrangères de séjourner illégalement dans l’enceinte de l’aéroport, hébergées par la compagnie Sahel aviation services (SAS) qui n’a aucune autorisation pour ce faire. Le fait que cette décision touche 60 de ses soldats n’est pas digérable pour la Bundeswehr qui dit être un locataire de la société SAS qui exploite un hub logistique à l’aéroport. Sauf que la Bundeswehr omet d’ajouter que la compagnie SAS n’a aucune autorisation légale de construire un hôtel dans l’enceinte de l’aéroport, à plus forte raison d’héberger des gens.

Pourquoi l’Allemagne tient-elle à décrire les installations “illégales’’ d’une société privée au compte de la MINUSMA dans notre pays comme une “base militaire’’. Qu’appelle-t-on une base militaire d’une entité non-étatique ? Dans sa frénésie d’accuser et de blâmer le gouvernement de transition, l’Allemagne passe aux aveux et expose désormais publiquement son dessein. Il s’agit d’une question d’intérêts privés qui passe au premier plan et tant pis pour la souveraineté d’un pays qu’on a été le premier à reconnaitre.

La ministre des Affaires étrangères aura beau déclaré devant la commission défense du Bundestag que l’Allemagne était toujours disposée à participer à la Minusma, mais les populations et les autorités maliennes qui ne sont pas naïves auront compris désormais pour quelles raisons, pardon pour la défense de quels intérêts privées au détriment de la souveraineté du Mali.

SIKOU BAH

Source: Info- Matin

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