La semaine dernière, le gouvernement a ordonné et appliqué la retenue sur les salaires des enseignants grévistes, en application de l’article 17 de la loi N° 87-47/AN-RM. Cette décision tranche avec ce qu’il convient de qualifier la jurisprudence relative au paiement des salaires des magistrats ayant observé des mois de grève. Pourtant, la Constitution du Mali consacre l’égalité de tous devant la loi ?
Selon l’article 17 de la loi N° 87-47/AN-RM : « le salaire étant subordonné à l’accomplissement du travail, l’absence de service fait, donne lieu à une retenue du traitement ou du salaire et de ses compléments autres que les suppléments pour charges de famille. Les retenues sont opérées en fonction des durées d’absence constatées ». C’est en application de cette loi que le ministre de l’Économie et des finances a instruit, en son temps à son homologue de la Justice de procéder à la retenue sur les salaires des magistrats grévistes, à partir du mois de septembre 2018.
« Suite à la grève de sept jours ouvrables, du 25 juillet au 02 août, et illimitée à compter du 03 août 2018 observée par les magistrats, j’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir prendre les dispositions nécessaires et diligentes en vue de l’établissement des ordres de recettes sur les salaires, de septembre, des magistrats grévistes de vos ressorts conformément à la liste en annexe à la présente ».
Avant l’exécution de cette décision, le Premier ministre, dans le souci d’apaisement social, a-t-il indiqué, a ordonné le paiement intégral des salaires des magistrats grévistes.
A l’opposé, concernant les enseignants du préscolaire, fondamental, et secondaire en grèves séquencées, depuis janvier 2019, le gouvernement après sommation, a mis en exécution la retenue de leurs salaires, conformément à la même loi citée plus haut.
Si pour des raisons d’apaisement du climat social, le gouvernement a décidé, en son temps, du paiement intégral des salaires des magistrats grévistes, le principe de justice entre tous les citoyens du Mali vaudrait qu’il restitue aux enseignants grévistes ce qui a été coupé sur leurs salaires.
Cela est d’autant plus juste, que les enseignants comme les magistrats sont tous des citoyens du Mali et des travailleurs du même État.
En tout cas, nous sommes dans une République gouvernée par des lois et principes bien définis.
En procédant au paiement des salaires des magistrats, il est évident que le gouvernement a superbement violé la Loi portant exercice du droit de grève dans les Services publics. Quelle que soit l’excuse qu’on peut trouver à l’Exécutif, il y a là une reculade spectaculaire de sa part, qui sera érigée en jurisprudence. Car l’on va dit : il sera désormais difficile d’appliquer cette Loi sur la grève aux fonctionnaires d’autres corporations dans ce pays. Parce que la Loi n’est pas à géométrie variable.
Comme dirait la célèbre citation de la Fontaine : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », au Mali, selon que vous serez magistrat ou enseignant, le gouvernement retiendra oui ou non vos salaires en cas de grève. Et cela ne saurait marcher dans une République respectueuse de sa Constitution qui consacre la liberté et l’égalité de tous les Maliens devant la loi.
Par Sékou CAMARA
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