Le Dialogue inter-Maliens pour la Paix et la Réconciliation nationale a vu son épilogue le 10 mai 2024 à Bamako. Au total, 300 recommandations ont été reformulées à travers les quatre thématiques débattues tout au long du processus, à savoir : paix, réconciliation nationale et cohésion sociale ; questions politiques et institutionnelles ; économie et développement durable ; et enfin aspects sécuritaire et défense du territoire.
En analysant l’ensemble de ces recommandations, l’on se rend compte que le Comité de pilotage, qui était censé orienter et même recadrer les participants dans la logique des termes de références, avait certainement besoin d’être aussi coaché dans sa démarche. A la lecture de certaines recommandations, l’on comprend aisément que le Comité de pilotage a été, un moment donné, emporté par les faits. C’est pourquoi dans le document final, aucune recommandation ne concerne la garantie de la liberté d’expression et de la liberté de presse, ainsi que la rédevabilité des autorités envers les contribuables. Et pourtant ces éléments sont essentiels pour une paix durable.
Au même moment dans la thématique paix, réconciliation nationale et cohésion sociale, l’on note comme recommandation : dissoudre les milices et les groupes d’auto-défense et assurer la réinsertion socioprofessionnelle de leurs combattants. Cette recommandation constitue un piège pour les autorités de la transition. Le chef de l’État, ainsi que ses ministres de la Défense et de la Sécurité savent mieux que quiconque les conditions dans lesquelles ces milices-là ont vu le jour. Donc, avant de parler de leur dissolution, il faudrait complément sécuriser les localités pour lesquelles elles sont prêtes à mourir en défendant leurs parents et leurs biens. D’ailleurs si toutes ces localités reviennent aujourd’hui dans le giron de l’État avec la présence effective des Forces Armées maliennes et le retour des services sociaux de base, il n’y a pas de raison que ces milices continuent d’exister.
Sans ce préalable, si Assimi se fie au Comité de pilotage pour prononcer la dissolution des milices, il va forcément y avoir un désordre. Parce que rien ne garantit que toutes les milices vont obtempérer à une telle décision. D’ailleurs, l’on se souvient du cas de Dan Na Ambassagou, une milice dogon qui avait été annoncée dissoute en mars 2019 par le président de la République, feu Ibrahim Boubacar Kéita. Une décision qui n’a jamais été respectée sur le terrain. Donc, il n’est pas surprenant que les mêmes effets produisent les mêmes conséquences.
S’agissant de la thématique ‘’Questions politiques et institutionnelles’’, le Comité de pilotage souligne que les Maliens recommandent aux autorités de proroger la durée de la Transition de deux (02) à cinq (05) ans, jusqu’à la stabilisation du pays ; de susciter la candidature du colonel Assimi Goïta à la prochaine élection présidentielle ; et d’élever au grade de général, les colonels Assimi Goïta, Malick Diaw, Abdoulaye Maïga, Sadio Camara, IsmaëWagué et Modibo Koné ; de contrôler la ligne éditoriale des prêches par les religieux afin d’éviter la propagation des messages de haine ou susceptibles de créer un conflit entre les différentes tendances religieuses.
Oui, nul ne peut aujourd’hui empêcher la distribution de grades, surtout que l’on a en mémoire qu’un simple capitaine fut bombardé général de corps d’Armée. Donc si un colonel devient un général de division, quelque part l’on a minimisé les dégâts, sachant que ceux qui détiennent l’appareil d’Etat sont les plus forts et surtout lorsqu’ils sont aussi munis d’armes. Il en est ainsi pour la prolongation de la période de la transition et de la candidature du colonel Assimi Goïta. Sauf que l’on doit retenir que le temps est le meilleur juge et que chacun répondra de ses actes devant l’histoire et les hommes.
Maintenant, s’agissant de la propagation des messages de haine, il ne s’agit pas de contrôler la ligne éditoriale des prêches, mais plutôt de moraliser le secteur en rappelant au Haut Conseil islamique ses responsabilités, son rôle et ses missions. En réalité, contrôler la ligne éditoriale des prêches sous-entend le musellement des prêcheurs. Ce qui peut être perçu comme une entrave à la liberté d’expression. Sûrement que c’est la raison pour laquelle la garantie de cette liberté d’expression ne figure pas dans les recommandations.
Certes, ce Dialogue inter-Maliens pour la Paix et la Réconciliation nationale est une initiative du président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, mais cela n’est pas une raison pour formuler des recommandations taillées sur mesure et dont la mise en œuvre pourrait susciter un autre conflit ou une crise de confiance entre les autorités et le peuple.
Ousmane BALLO
Source : Ziré