Pendant deux mois, plus de 180 présumés délinquants financiers vont défiler devant le juge de la Cour spéciale sur les crimes économiques pour tenter de se justifier ou même de s’innocenter dans les affaires les concernant chacun.
Cinq ans en arrière, c’était la plupart de ces mêmes présumés, aujourd’hui devant le juge, qui s’affichaient comme acteurs de lutte contre la corruption et la délinquance financière sous toutes ces formes. Tout comme rien ne garantit que ceux qui sont aujourd’hui au-devant la scène pour parler de l’éradication de ce fléau ne seront pas, un jour, à leur tour devant un autre juge pour répondre des faits de corruption les concernant. C’est comme pour dire que cette question de corruption est plutôt un règlement de compte ou une affaire qui n’implique pas les princes du jour et leurs protégés.
Pendant que l’on est en train de faire ce jeu de cache-cache, ce sont les caisses de l’État qui saignent. Pendant ce temps, la prison devient l’antichambre du pôle économique et financier. Il est difficile de se retrouver à ce pôle pour une question de corruption ou de délinquance financière et retourner parmi les siens sans passer par la prison. Si, par malheur, l’on s’y retrouve deux fois et pour la même affaire, c’est directement la prison.
Il faut le dire, ce principe judiciaire ne permet pas forcément de lutter contre la corruption. D’ailleurs, aucun pays au monde ne pourra bannir définitivement ce fléau. Tant qu’il y a l’argent, tant qu’il existe des riches et des pauvres, tant que nos sociétés restent matérialistes et capitalistes, la corruption va bel et bien demeurer. C’est une gangrène, un cancer qui est en nous et qu’il faudrait traiter de manière intelligente dans la mesure où l’on n’a plus peur de la prison.
Pour lutter contre ce fléau, les autorités doivent trouver un autre mécanisme qui permet à l’Etat de récupérer le denier public malversé ou détourné. L’une des meilleures solutions serait de saisir les biens des coupables, les obligeant ainsi à rembourser à l’Etat tout le montant détourné. En cas de décès d’un coupable avant la date de l’échéance, les ayants droit sont tenus responsables des actifs et passifs du défunt et doivent s’engager à restituer le reste du denier public détourné par leur défunt père.
Aujourd’hui, des coupables, après avoir purgé leurs peines ou payé des cautions pour une liberté provisoire, ne sont plus inquiets. Au même moment, la corruption continue au sein de l’Administration. Du coup, l’on a l’impression que cette question de corruption est devenue un jeu qui consiste à détourner des centaines de millions, voire des milliards de francs CFA, faire deux ou trois ans en prison, puis payer une caution pour revenir faire la belle vie au vu et au su de tout le monde. Cela est inacceptable.
Puisque personne n’a plus peur, ni honte d’aller en prison, il faudrait donc changer de méthode ou de stratégie en amenant les coupables de détournement du dernier public à rembourser à l’Etat par tous les moyens la somme volée.
En vérité, si l’on aspire réellement à asseoir un vrai mécanisme de lutte contre la corruption et la délinquance financière, il n’y a pas de raison que le gouvernement ne puisse pas se doter d’un moyen plus efficace et plus cohérent pour pouvoir mieux protéger les caisses de l’Etat.
Ousmane BALLO
Source : Ziré