Le maire de Gao est à la fois élu et homme d’affaires. Au Mali, il gère hôtels et boites de nuit, au grand dam des islamistes.
Sadou Diallo a retrouvé sa ville il y a deux mois exactement, grâce à l’armée française qui en a chassé les islamistes. Il a retrouvé une commune en ruine. Il y a perdu six établissements, des hôtels et des boîtes de nuit qui lui appartenaient et que les djihadistes ont détruits. Car pour eux, Sadou Diallo est le diable, une incarnation du vice. Selon un imam de la ville, « même les chiens le détestent ».
Dans Libération, ce matin, Jean-Louis Le Touzet dresse son portrait. Vous le verrez aussi en photo, un chapeau de cow-boy, une cigarette à la bouche. Le maire n’est pas modeste : « ma vie est un roman », dit-il. A 56 ans, il a tout fait : « boucher » à Ouagadougou, puis « tailleur pour dames » ; « charcutier » à Abidjan – à l’époque, il travaille pour un Italien qu’il finit par accompagner en Europe. Il se retrouve à Toulouse, où il est embauché dans une « casse automobile ». Il a seulement 22 ans quand il décide de tout quitter pour retourner en Afrique. Il s’engage chez Kadhafi. Il rejoint la légion islamique du guide libyen. « Rien que pour l’argent », dit-il. Il montre sur son abdomen le trou que lui aurait laissé une balle.
Cette vie n’est pas pour lui. Il a envie de faire des affaires. En 1982, il rentre chez lui, au Mali. A Gao, il ouvre son premier hôtel. D’autres établissements suivent rapidement. Sadou Diallo bâtit une petite fortune. En 2006, il loue ses chambres aux forces américaines chargées de former l’armée malienne :
« j’ai fait un fric fou avec les Américains. Je leur facturais tout au prix fort ».
Sadou Diallo est un businessman. Il l’assume : « Je sais bien ce qu’on dit de moi en ville : que j’ai trempé dans la drogue et que c’est de là que je tiens mon argent. Mais mon pognon, je le tiens de mon boulot dans le tourisme. Il n’y a pas une famille dans Gao à qui je n’ai pas rendu service« . Il se penche vers l’envoyé spécial de Libération : « Si tu as besoin de quelque chose, demande à mon bras droit. Il est très disponible. C’est un truand, mais attention, un truand de confiance« .
Voilà pourquoi les islamites détestent Sadou Diallo, hommmes d’affaires truculent et sulfureux, qui se présente comme un « musulman à la foi chrétienne », qui boit de la bière, et qui ne veut pas rester maire de Gao toute sa vie : « encore deux ans à tirer, dit-il. Maire, c’est chiant comme tout. Il faut vraiment être con pour être maire dans un pays pauvre comme le Mali ». Sadou Diallo n’a peur des contradictions. Dans Libération, il ajoute : « Je ne peux pas laisser Gao dans cet état. Nous allons rebâtir ».
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