Ce samedi 24 mai 2025, une attaque d’une rare violence a ciblé les installations de la société chinoise China Overseas Engineering Group (COVEC) à Tirena-Marena, localité du cercle de Yélimané, dans la région de Kayes, communément appelée la cité des rails. Des individus lourdement armés, soupçonnés d’appartenir à un groupe terroriste, ont pris d’assaut le chantier de la société, y semant destruction, terreur et désolation.
Bamada.net-Les premiers rapports recueillis par Bamada.net auprès de témoins locaux révèlent une opération minutieusement planifiée. Les assaillants ont mis à feu l’ensemble du parc matériel de l’entreprise, incluant grues, tracteurs, camions-citernes et autres engins lourds essentiels aux travaux de réhabilitation de la Route Nationale n°1 (RN1), qui relie Kayes à la frontière sénégalaise. Les entrepôts, magasins de stockage et autres infrastructures de chantier ont été méthodiquement incendiés, ne laissant derrière eux qu’un champ de ruines fumantes.
« Ils sont venus en nombre, très bien armés. Ils ont mis le feu à tout, sans rencontrer de résistance », rapporte un habitant de Tirena-Marena, encore sous le choc. « C’est la troisième attaque en quelques semaines dans la zone, et cette fois-ci, ils ont frappé très fort », ajoute-t-il.
Une série d’attaques inquiétante
Cette agression contre COVEC n’est malheureusement pas un acte isolé. Elle s’inscrit dans une dynamique de violences récurrentes qui secouent le cercle de Yélimané depuis plusieurs semaines. Le 4 mai dernier, une société chinoise de prospection aurifère basée à Laghamané avait été la cible d’une attaque similaire. Les détails restent rares, mais des sources concordantes évoquent une embuscade armée suivie d’un incendie volontaire de matériel minier.
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Quelques jours plus tard, le 17 mai, un convoi minier circulant entre Diéma et Sandaré est attaqué : deux camions incendiés, un excavateur endommagé, deux pick-up emportés et un bilan humain dramatique avec sept soldats maliens tués selon des sources locales. Ces événements montrent que les groupes jihadistes étendent leur champ d’action à l’ouest du Mali, jusque-là relativement épargné par les violences extrémistes.
Avec l’attaque du 24 mai à Tirena-Marena, c’est désormais l’un des projets routiers les plus stratégiques de la région qui est directement visé. La RN1 représente en effet une artère vitale pour le commerce, les échanges régionaux et la mobilité dans cette partie du pays.
Une stratégie ciblée contre les intérêts économiques étrangers
Derrière cette série d’attaques, le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (JNIM), affilié à Al-Qaïda, est pointé du doigt. Selon les dernières données du Projet de données sur la localisation et les événements des conflits armés (ACLED), le groupe mène depuis le début de l’année 2025 une campagne de harcèlement intensif dans la région de Kayes. Sa stratégie : frapper là où l’impact économique est le plus visible, en s’en prenant aux infrastructures étrangères et aux grands chantiers, notamment ceux financés ou réalisés par la Chine.
Ces actions visent à affaiblir l’État malien dans ses projets de développement, à dissuader les investisseurs étrangers et à affaiblir le moral des populations locales, déjà éprouvées par les difficultés économiques. En ciblant des chantiers routiers et miniers, les jihadistes perturbent les chaînes logistiques, ralentissent les projets structurants et imposent leur présence par la terreur.
L’État malien face à un nouveau front
La recrudescence des attaques dans la région de Kayes pose une question cruciale : le dispositif sécuritaire est-il suffisant dans l’ouest malien ? Alors que les Forces armées maliennes (FAMa) concentrent leurs efforts dans le centre et le nord du pays, la zone ouest — pourtant stratégique — semble être un maillon faible dans la réponse sécuritaire actuelle.
L’attaque de Sandaré l’a tristement illustré : aucune riposte efficace n’a été enregistrée, et les assaillants ont pu opérer à proximité d’une route nationale sans être interceptés. Cette faiblesse sécuritaire offre un terreau favorable à l’expansion des groupes extrémistes qui, en l’absence de réaction rapide, consolident leur emprise locale.
Un impact désastreux pour les populations et le développement
La suspension des activités de COVEC à Tirena-Marena est désormais inévitable. Des ingénieurs et techniciens étrangers ont été évacués, les travaux sont à l’arrêt, et la société procède à un audit des pertes. Les conséquences économiques sont lourdes : interruption des chantiers, perte de revenus pour les ouvriers locaux, rupture dans l’approvisionnement de matériaux, et retard important dans les délais d’exécution des infrastructures.
À Laghamané, la prospection aurifère a également été mise en pause pour des raisons de sécurité, privant ainsi les populations locales d’opportunités économiques. Dans un pays où le chômage et la pauvreté sont des vecteurs d’instabilité, chaque projet interrompu est un pas en arrière dans la lutte contre l’extrémisme.
Appel à une réponse ferme et coordonnée
Face à cette menace grandissante, l’heure est à la mobilisation générale. L’État malien, en partenariat avec ses alliés régionaux et internationaux, doit réévaluer sa stratégie sécuritaire pour mieux protéger les infrastructures critiques dans toutes les régions du pays, y compris celles longtemps considérées comme « calmes ».
De même, un renforcement du renseignement local, une présence militaire accrue sur les axes routiers et une coopération plus étroite avec les entreprises étrangères implantées au Mali s’imposent comme des priorités.
Bamada.net poursuivra sa couverture de la situation sécuritaire dans la région de Kayes et au-delà. En donnant la parole aux communautés affectées, en relayant les faits de manière rigoureuse et indépendante, notre rédaction entend contribuer au réveil citoyen et à la résilience collective face aux défis sécuritaires du pays.
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Moussa Keita
Source: Bamada.net