Plus d’un an après la tenue du Dialogue inter-malien (DIM) en mai 2024, les espoirs nourris par les résolutions issues de cette consultation nationale commencent à se matérialiser. Le projet de Charte nationale pour la paix et la réconciliation, l’une des recommandations majeures de ces assises, entre dans sa phase de finalisation. Les grandes lignes de ce document de référence qui ambitionne de poser les fondations d’une paix durable, fondée sur les valeurs endogènes, loin des schémas importés et des accords sans lendemain, ont été présentées ce mercredi à la presse.
Le projet de cette Charte était au cœur des échanges, ce mercredi 21 mai 2025, entre les hommes de média et des membres de la Commission de sa rédaction au Centre international de conférences de Bamako. C’était à la faveur d’une conférence de presse animée par le professeur Oumar Kamara KA, directeur général du Conservatoire Balla Fasséké Kouyaté, entouré d’autres membres de la commission. À cette occasion, ils ont exposé les grands axes du texte.
Au cœur du projet figure la volonté assumée de promouvoir des mécanismes de résolution des conflits ancrés dans les réalités socioculturelles de notre pays. Une orientation stratégique justifiée, selon le conférencier, par l’échec répété des accords de paix précédents, souvent perçus comme extérieurs et déconnectés des dynamiques communautaires locales.
« Lorsque les plus hautes autorités ont compris que les différents accords signés n’ont pas abouti à une paix durable, elles ont décidé de prendre en main cette question essentielle sans interférence extérieure », a déclaré Pr Kamara KA. Cette volonté s’est traduite par l’organisation du Dialogue inter-malien en mai 2024, en prélude à la rédaction de la présente Charte, après que les autorités de la transition ont dénoncé l’Accord d’Alger signé en 2015, dont le contenu était jugé caduc.
Le document, qui compte 105 articles, consacre une place prépondérante aux valeurs partagées issues des cultures communautaires et des pratiques traditionnelles. L’article 9, le plus long, porte notamment sur ces principes fondamentaux, parmi lesquels le cousinage à plaisanterie, véritable régulateur social ancestral, est élevé au rang de mécanisme de régulation des tensions.
«Ça fait partie des principes et des valeurs de l’éducation civique et morale. Cette pratique nous permet de générer les conflits à l’interne, de faire baisser les tensions », a-t-il précisé, soulignant que c’est l’un des premiers mécanismes explorés par les autorités et les communautés traditionnelles avant toute saisine de la justice dans la gestion des conflits.
« C’est une arme efficace de règlement à l’interne des conflits », a-t-il affirmé.
La Charte met également l’accent sur l’éducation à la culture de la paix comme levier de transformation sociale. Deux articles sont expressément consacrés aux principes d’éducation civique et morale. Il s’agit, pour les rédacteurs, d’inculquer aux jeunes générations les valeurs de tolérance, de respect mutuel, de solidarité qui concourent à la paix, à la sécurité et à la cohésion sociale dans notre pays.
En outre, la Charte s’appuie sur des pratiques concrètes de gestion communautaire des conflits mises en place par les communautés et s’enracinent dans les valeurs ancestrales. À travers cette approche, a-t-il rappelé, lors des rencontres informelles comme les foires et marchés, les activités culturelles et sportives, ou encore la mobilisation des communicateurs traditionnels, les communautés se retrouvent pour aborder leurs différends. Aussi, la diplomatie coutumière, vecteur de dialogue intercommunautaire, est réhabilitée comme instrument privilégié de règlement des conflits.
En somme, dit Pr KA, l’objectif visait à la recherche de la paix et de la cohésion sociale sur les croissances, les coutumes qui caractérisent les communautés.
C’est pourquoi les autorités ont annoncé que cette Charte, une fois élaborée, sera le document de référence pour toute initiative qui concourt à la paix, à la sécurité, à la cohésion sociale, à la réconciliation nationale et au vivre ensemble.
« Nous sommes en train d’élaborer les derniers passages de la Charte, nous sommes déjà en train de préparer la restitution. Nous allons rencontrer le gouvernement pour la restitution, après, nous allons remettre une copie au chef de l’Etat», a-t-il indiqué.
Cette charte est loin d’être une charte politique
Son objectif est d’unir tous les fils du Mali autour de l’essentiel, a rappelé Zeyni Moulaye, membre de la commission de rédaction de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Selon lui, la charte est faite pour renforcer la paix et la cohésion sociale et définir l’avenir du peuple malien.
« Il faut être clair et net, il y a deux choses à ne pas confondre. La charte des partis politiques et la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Notre charte pourrait être un document de politique générale, ce que décideront les autorités, mais ce n’est pas une charte politique, elle est multidimensionnelle en réalité », a martelé Zeyni Moulaye.
Rappelons que ces rencontres s’inscrivent dans le cadre de l’application de l’article 8 du Décret n°2024-0714/PT-RM du 10 décembre 2024 relative à la création de la Commission de rédaction du projet de Charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale, qui lui donne la latitude de consulter les forces vives de la Nation.
Par Abdoulaye OUATTARA