DÉCÈS. Quatre jours après son arrestation, l’artiste a été retrouvé pendu dans sa cellule. Il se serait suicidé, selon un communiqué de la police nationale.
Le chanteur âgé de 38 ans avait été arrêté jeudi 13 février dans le district de Nyaraguru, dans le sud du Rwanda. Il tentait de se rendre au Burundi, selon les autorités. Il aurait été arrêté en compagnie d’un autre individu après avoir été repéré par deux fermiers. Il est décédé ce lundi 17 février, a-t-on appris dans un communiqué publié par la police nationale, qui évoque un suicide. Le porte-parole de la police John Bosco Kabera a déclaré que le chanteur avait reçu la visite de membres de sa famille et de son avocat durant sa détention.
Chanteur populaire et rescapé du génocide
Chanteur de gospel très populaire, Kizito Mihigo s’est attiré les foudres du Front populaire rwandais (FPR au pouvoir) en 2013 après avoir composé des chansons qui remettaient en question le contrôle strict du gouvernement sur l’héritage de la tragédie de 1994. Sa musique a été rapidement interdite. Deux ans plus tard, il a été accusé de terrorisme et de soutien à un mouvement politique d’opposition et condamné à 10 ans de prison. Ses avocats avaient souligné l’absence de preuves contre leur client. Il était jugé aux côtés de trois coaccusés : un journaliste, Cassien Ntamuhanga, un soldat démobilisé, Jean-Paul Dukuzumuremyi, et Agnès Niyibizi, une femme accusée d’avoir servi de trésorière au Congrès national rwandais (RNC). On leur reprochait la préparation d’attentats pour venger la mort d’un fondateur du RNC, Patrick Karegeya, ex-chef des renseignements rwandais retrouvé mort étranglé en Afrique du Sud début 2014. Kizito Mihigo avait plaidé coupable et le procès avait à l’époque fait polémique.
Rescapé du génocide de 1994 contre les Tutsis, Kizito Mihigo avait plus spécifiquement été accusé d’avoir mobilisé des jeunes pour le RNC et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe rebelle hutu rwandais lui aussi en exil et dont des membres sont accusés d’avoir activement participé au génocide de 1994 qui a fait entre 800 000 et un million de morts, essentiellement parmi les Tutsis, selon l’ONU. Le procureur l’avait aussi accusé d’avoir évoqué « un renversement » du gouvernement et d’avoir établi une liste de « personnes à tuer », qui incluait le nom de Paul Kagame.
Mort un an après sa libération
À la surprise générale, il avait été libéré il y a un an et demi à la suite d’une grâce présidentielle en même temps que Victoire Ingabire, l’une des principales figures de l’opposition rwandaise. Kizito Mihigo était de nouveau derrière les barreaux depuis quatre jours soupçonné par le Rwanda Investigation Bureau d’avoir voulu traverser illégalement la frontière burundaise pour rejoindre des groupes rebelles. Parmi ses obligations, Kizito Mihigo devait se présenter une fois par mois au bureau du procureur pour demander l’autorisation du ministre de la Justice chaque fois qu’il souhaitait sortir du pays. Des conditions qu’il n’aurait pas respectées, selon les autorités, qui affirment avoir ouvert une enquête pour trouver le motif de son suicide. Sur les réseaux sociaux, les hommages ne cessent d’affluer du Rwanda et bien au-delà. En effet, Kizito Mihigo n’est pas la première personnalité critique envers le gouvernemenr à mourir de manière suspecte pendant une détention au Rwanda.
L’année dernière, un ancien directeur général du bureau de Kagame a été retrouvé mort dans une prison militaire après avoir été condamné à 10 ans pour corruption. En 2015, le médecin personnel de Kagame, Emmanuel Gasakure, a été abattu par la police alors qu’il était en détention. Au pouvoir depuis 1994,Paul Kagame est accusé de diriger le pays d’une main de fer, de réprimer toutes les formes de dissidence et d’emprisonner ou d’exiler des politiciens de l’opposition. Human Rights Watch a notamment accusé le régime de Kagame d’exécutions sommaires, d’arrestations, de détentions illégales et de tortures en détention.
Par Le Point Afrique