La campagne électorale du premier tour de la présidentielle, prévu pour dimanche prochain, prendra fin demain à minuit. A part la région de Kidal où, pour cause d’insécurité, seuls Ibrahim Boubacar Kéita du Rpm, Modibo Sidibé des Fare et Dramane Dembélé de l’Adema se sont rendus, les candidats ont sillonné le pays de long en large, dévoilant leur projet de société, pour ceux qui en ont. Dans leur quasi-majorité, les vingt-sept candidats à l’élection présidentielle ont promis le changement et un nouveau départ pour le Mali.
Sur ce dernier point, on peut aisément comprendre que le Mali a besoin d’un nouveau départ après une transition (1991-1992) à l’issue de laquelle l’auteur du coup d’Etat du 26 mars a offert le trône à l’Adema d’Alpha Oumar Konaré pour un bail de dix très longues années au cours desquelles ce parti s’est illustré par une gestion tentaculaire et hégémonique, catastrophique et désastreuse du pays. En 2002, l’Adema ne pouvait que renvoyer l’ascenseur au putschiste qui reviendra cette fois par les urnes. Pour une durée de dix années de gestion consensuelle du pouvoir, avec les mêmes têtes qui animent la scène politique depuis l’insurrection populaire et militaire de 1991. Dix ans abrégés prématurément par un coup d’Etat, le 23 mars 2012. Depuis, les auteurs de ce coup de force n’ont jamais véritablement quitté la scène politique. Pendant ce temps, les forces armées et de sécurité, l’administration et les populations locales ont été chassées de plus des deux tiers du territoire occupé par des groupes armés rebelles terroristes. D’où la nécessité, effectivement, d’un nouveau départ, avec les institutions légales et légitimes que réclame la communauté internationale, après une courte transition dirigée par Dioncounda Traoré et, d’abord Cheick Modibo Diarra, ensuite Diango Cissoko, sous l’œil vigilant des putschistes du 22 mars.
Concernant le changement, c’est encore ces mêmes têtes qui animent la scène politique depuis le 26 mars 1991 qui le prônent, avec le même ton et dans les mêmes termes, au cours de ces trois semaines de campagne électorale qui prendra fin demain. D’où cette question : peut-on faire du neuf avec du vieux ? Autrement dit, les responsables politiques peuvent-ils réellement apporter le changement qu’ils n’ont pas pu réaliser en deux décennies de présence effective sur la scène politique ? Ces acteurs majeurs sont issus, essentiellement, du Pasj, du Rpm et de l’Urd, les trois membres de la grande famille Adema. A leurs côtés figurent Modibo Sidibé des Fare et Mountaga Tall du Cnid.
Peut-on faire du neuf avec du vieux ?
Peut-on donc faire du neuf avec du vieux ? Apparemment, le peuple malien le croit. Un récent sondage d’opinion mené sur l’étendue du territoire national hormis la région de Kidal par un statisticien expérimenté et des enquêteurs confirmés va dans ce sens. Selon les intentions de vote exprimées, Ibrahim Boubacar Kéita, le candidat du Rpm, arrive largement en tête avec entre 35 et 48,10% soit une moyenne de 40,70%. Il est suivi de Soumaïla Cissé de l’Urd, entre 17,46% et 23,31%, soit une moyenne de 20,45%, et de Dramane Dembélé, entre 8,33% et 11,04%, soit une moyenne de 9,68%. Modibo Sidibé des Fare boucle le quarté avec entre 4,73 et 6,27% et une moyenne de 5,50%. A part dans les régions de Mopti et de Tombouctou où Soumaïla Cissé arrive premier dans les intentions de vote, partout ailleurs il est largement dominé par Ibrahim Boubacar Kéita, alors que nulle part Dramane Dembélé ne ravira la première position.
Dans le trio de tête, on retrouve donc l’Adema, vainqueur des présidentielles de 1992 et 1997 avec Alpha Oumar Konaré, finaliste en 2002 avec Soumaïla Cissé alors candidat de la Ruche, et le Rpm d’Ibrahim Boubacar Kéita arrivé troisième du premier tour de la présidentielle de 2002 et deuxième au seul et unique tour de 2007.
La perte de vitesse de l’Adema peut se comprendre par le départ massif d’IBK et de ses camarades en 2000, celui de Soumaïla Cissé et de ses affidés en 2002, et son refus de présenter un candidat à la présidentielle de 2007 quand les Ruchers ont préféré accompagner la candidature d’Amadou Toumani Touré qui briguait un second mandat. Mais surtout, l’Adema pèche par la présentation d’un candidat quasiment inconnu du grand public, contrairement aux deux ténors que sont Soumaïla Cissé et Ibrahim Boubacar Kéita. Quant à Modibo Sidibé, il doit sans doute sa quatrième place à plus de vingt ans de visibilité au plus haut niveau de la scène politique nationale même si c’est dans l’ombre des autres.
Quid des vingt-trois autres candidats ? Seuls Soumana Sako (Cnas), Cheick Modibo Diarra (RdPM), Housséni Amion Guindo (Codem), Oumar Mariko (Sadi) et Moussa Mara (Yelema) ont la chance de figurer dans un quinté, avec chacun environ 5% des intentions de vote. Au moins vingt candidats n’auront pas un score supérieur à 4%.
Pour beaucoup, tout ceci n’est que le résultat d’un sondage, c’est-à-dire susceptible de changement pour apporter le vrai changement prôné. Mais un sondage, surtout celui-ci qui a été réalisé par des méthodes rigoureuses et scientifiques, est aussi indicatif des tendances et pourrait traduire la réalité des urnes. A condition que la fraude ne s’invite pas à la fête.
Cheick Tandina
Source: Le Prétoire