Dans un contexte de reconfiguration géopolitique et stratégique en Afrique de l’Ouest, les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) — le Burkina Faso, le Mali et le Niger — multiplient les initiatives pour traduire leur vision de souveraineté et de sécurité partagée en actes concrets. La dernière en date est la tenue, du 8 au 11 avril 2025, d’une rencontre stratégique à Ouagadougou, la capitale burkinabè, réunissant des experts militaires des trois États membres.
Bamada.net-Cette réunion de haut niveau marque une nouvelle étape dans le processus d’opérationnalisation du pilier Défense et Sécurité de l’AES, et vise à poser les jalons de la future force militaire conjointe de l’organisation.
Une dynamique de mutualisation des efforts
Face à des menaces sécuritaires persistantes, en particulier le terrorisme transfrontalier qui sévit dans la bande sahélo-saharienne, les pays de l’AES ont compris qu’il ne suffit plus de coordonner ponctuellement leurs actions : il faut désormais mutualiser durablement les moyens, les stratégies et les visions. Cette rencontre d’experts, à Ouagadougou, s’inscrit dans cette dynamique de coopération renforcée.
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Selon un communiqué de l’État-major général des armées du Burkina Faso, les travaux ont porté sur l’évaluation des opérations militaires en cours, tout en explorant les modalités pratiques de mise en œuvre de la stratégie sécuritaire de l’AES, avec en ligne de mire l’établissement d’une force conjointe autonome et pleinement opérationnelle.
Une montée en puissance progressive
Quelques jours avant cette rencontre, l’État-major des armées du Mali avait déjà informé l’opinion publique nationale et internationale des progrès réalisés sur le terrain par les forces de l’AES, notamment dans certaines zones sensibles du Sahel. Ces avancées concrètes témoignent d’une montée en puissance progressive et maîtrisée de la nouvelle architecture sécuritaire sahélienne.
À travers des opérations coordonnées dans des zones autrefois considérées comme hors de contrôle, les forces armées des trois pays montrent leur capacité à reprendre l’initiative face aux groupes armés terroristes. Ce réveil stratégique ne relève pas de l’improvisation, mais bien d’une volonté politique partagée et assumée.
Une force conjointe dotée de ses propres moyens
Dès les premières annonces relatives à la création de la force militaire de l’AES, les autorités des trois pays avaient été claires : il ne s’agira pas d’une force supplétive ou dépendante d’une organisation extérieure, mais d’une entité pleinement souveraine, dotée de moyens propres, sur le plan logistique, technique et opérationnel.
Le ministre nigérien de la Défense, le Général Salifou Mody, avait précisé dans une interview que cette force disposerait de capabilités aériennes, terrestres, mais aussi de renseignement de pointe, lui permettant d’agir de façon proactive et autonome, dans le strict respect de la souveraineté des États membres.
Cette volonté de doter l’AES de moyens militaires à la hauteur des défis contemporains vise non seulement à réduire la dépendance vis-à-vis des puissances étrangères, mais aussi à inspirer une nouvelle forme de coopération régionale, fondée sur la réciprocité, le respect et l’efficacité.
Une rupture assumée avec la CEDEAO
La création de cette force conjointe survient dans un contexte marqué par une rupture politique majeure avec la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont, en effet, décidé de quitter cette organisation sous-régionale, qu’ils accusent d’avoir failli à sa mission de solidarité entre États membres et d’avoir été instrumentalisée au détriment des peuples sahéliens.
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En fondant l’AES, les trois pays ont voulu bâtir une alternative fondée sur la souveraineté, la coopération équitable et la sécurité collective, loin des injonctions extérieures et des logiques néocoloniales. Le pilier Défense et Sécurité de cette alliance apparaît donc comme l’épine dorsale de cette nouvelle ère.
Une vision panafricaine en construction
Au-delà du seul Sahel, le projet porté par l’AES a des résonances panafricaines. Il interroge les paradigmes classiques de sécurité en Afrique, et propose une voie nouvelle, où les États prennent pleinement en main leur destin sécuritaire, politique et économique. L’initiative a d’ailleurs été saluée, dans certains cercles africains, comme une forme de résistance géopolitique et un appel à la refondation des relations entre États africains.
La rencontre de Ouagadougou s’inscrit donc dans un processus plus large : celui de la construction d’une souveraineté sécuritaire durable, légitime et ancrée dans les réalités locales.
Conclusion : un avenir commun à sécuriser ensemble
L’Alliance des États du Sahel avance résolument vers l’institutionnalisation de sa propre doctrine de sécurité collective. La réunion des experts militaires à Ouagadougou aura permis de clarifier les contours de la force conjointe, mais surtout de renforcer la cohésion et la confiance entre les trois armées nationales.
Dans un contexte mondial en mutation, les peuples du Sahel peuvent désormais espérer voir émerger une véritable armée sahélienne, unifiée, agile et capable de répondre efficacement aux menaces locales, tout en incarnant une vision panafricaine de la défense.
Bamada.net continuera à suivre, avec vigilance et patriotisme, l’évolution de cette dynamique porteuse d’espoir pour les populations du Sahel et pour toute l’Afrique.
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Moise Touré
Source: Bamada.net