Le président malien a tendu la main à la société civile, à l’opposition et aux groupes armés signataires de l’accord de paix pour tenter de dégager des réponses autres que militaires à la crise.
Un geste face auquel beaucoup se détournent.
« Unissons-nous, unissons nos mains pour boucher les trous de la jarre percée », a-t-il exhorté sous les applaudissements à l’ouverture de cet événement censé durer une semaine.
En boubou blanc, debout devant un immense drapeau du Mali, le président Ibrahim Boubacar Keïta a lancé samedi le Dialogue national inclusif (DNI) devant 3 000 personnes à Bamako, capitale d’un Mali meurtri par les violences depuis 2012, en lançant un appel à « parler, réfléchir, respirer ensemble ».
Mais les principaux opposants, invités à plusieurs reprises, ont refusé la main tendue, compliquant la recherche d’une réponse autre que strictement militaire à la crise multiforme que traverse le Mali.
Une telle réponse politique doit pourtant aller de pair avec la force des armes, conviennent le gouvernement malien et ses partenaires étrangers, dont la France.
Les adversaires d’IBK voient dans ce dialogue le moyen pour le Président de reprendre la main après un automne sanglant – plus de 140 soldats tués depuis septembre – durant lequel les autorités ont peiné à convaincre de leurs capacités à répondre à la crise.
Le parti du chef de file de l’opposition Soumaïla Cissé a dénigré ce dialogue comme « une mise en scène ».
L’État peine à exercer son autorité sur une large partie du territoire et chaque jour ou presque, des attaques djihadistes et crapuleuses endeuillent les quelque 20 millions de Maliens.
Malgré la présence de 13 000 Casques bleus et 4 500 soldats français, les mouvements djihadistes, ralliés pour certains à Al-Qaïda ou à l’organisation État islamique, ne cessent d’étendre leur champ d’action: du nord du Mali vers le centre, et désormais aux Niger et Burkina Faso voisins.
Le Niger a perdu cette semaine 71 soldats selon un chiffre officiel dans la dernière attaque djihadiste signée Daech dans cette zone dite des trois frontières. Dans ce contexte, le dialogue malien se propose «d’ausculter le pays et de faire des diagnostics pour le guérir», a déclaré le président.
Une semaine d’échanges sans les principaux opposants suffira-t-elle à trouver des
solutions ?
« Le dialogue ne pourra résoudre tous les problèmes d’insécurité liés au terrorisme », a estimé le chef de la tribu Kel Antessar de Tombouctou, Abdoul Majid Ag Mohamed, en saluant néanmoins « la présence des notabilités de partout, (et) la présence des mouvements signataires » de l’accord de paix d’Alger de 2015.
Même l’imam Mahmoud Dicko, bête noire du pouvoir, a fait le déplacement.
Les groupes armés touareg signataires de l’accord d’Alger, qui exercent un contrôle militaire sur plusieurs villes et régions du nord, ont, eux, fait planer le doute sur leur venue jusqu’au dernier moment.
En cause, la révision ou non de cet accord qu’ils ont signé contre des promesses d’inclusivité et de décentralisation.
L’accord peine à être mis en oeuvre et certains opposants demandent sa révision.
C’est l’un des principaux sujets de querelle politique au Mali.
Le président avait dit en novembre ne pas être fermé à une « discussion » autour de certaines dispositions, ce qui a déclenché l’ire des groupes armés signataires.
La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), principal collectif de groupes signataires, a cependant indiqué avoir obtenu du gouvernement l’assurance qu’il ne serait pas question de cet accord lors du dialogue.
« Nous sommes là parce que nous avons eu la certitude qu’on ne touchera pas à l’accord de paix pendant ce dialogue », a déclaré son porte-parole Almou Ag Mohamed.