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Présidentielle malgache: une bataille électorale par procuration

Palais présidentiel Ambosorohitra MADAGASCAR

A une semaine de la date fatidique du premier tour de l’élection présidentielle malgache, aucun candidat capable de l’emporter dès le premier tour n’ayant émergé, la Grande Ile semble s’acheminer inexorablement vers un second tour. Il y a de fortes chances que ce second tour voit de nouveau les principaux rivaux de la vie politique malgache, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, s’affronter. Mais cette fois par leurs suppléants interposés.

La feuille de route pour la sortie de crise à Madagascar a interdit à l’ancien président Marc Ravalomanana et à l’actuel homme fort Andry Rajoelina de participer à l’élection présidentielle, dont l’acte décisif va se jouer le 25 octobre prochain. Les deux rivaux de la vie politique malgache ont été obligés de jouer le jeu bon gré mal gré, mais chaque camp a choisi son poulain parmi les 33 concurrents en lice. Ces poulains ont pour noms Hery Rajaonarimpianina et Jean-Louis Robinson. Qui sont-ils ? Quelles sont leurs chances de s’affranchir de l’influence de leurs mentors dont les ombres ont plané sur cette campagne présidentielle pas comme les autres ?

Rajaonarimpinina, expert-comptable aux ambitions politiques

Issu de la haute société merina, Hery Rajaonarimpinina n’est pas totalement inconnu des Malgaches. Jusqu’à encore récemment, l’homme a été un ministre influent, chargé des Finances et du Budget, dans le gouvernement de la Haute autorité de la transition qui dirige Madagascar depuis la révolution orange de 2009. Proche de l’homme fort du régime Andry Rajoelina, cet expert-comptable a tenu à bout de bras l’économie de son pays confrontée à l’une de ses crises les plus graves depuis l’indépendance. Sa rigueur et son professionnalisme lui ont valu les éloges des instances internationales.

L’ambition politique de Rajaonarimpinina s’est véritablement révélée en avril dernier lors du congrès du parti au pouvoir Tanora malaGasy Vonona (TGV), lorsque cet expert-comptable de 55 ans s’est porté candidat pour concourir au scrutin présidentiel. Sa candidature fut écartée au profit de celle du maire d’Antananarivo, Edgard Razafindravahy, qui est devenu depuis le candidat officiel du TGV. Le ministre des Finances est revenu dans la course en août à la faveur de l’annonce d’une liste des candidats révisée. Hery Rajaonarimpinian est désormais le candidat numéro 3 selon la liste révisée, publiée par par la nouvelle Cour électorale spéciale (CES). Il est aussi devenu le candidat implicite d’Andry Rajoelina, alors même que le parti de ce dernier, le TGV, continue de rouler pour son candidat officiel. L’ « entente cordiale » entre le chef de la Transition et son grand argentier a été sans doute le secret le moins bien gardé de cette campagne électorale. Elle a été confirmée récemment par le candidat en personne lorsqu’au détour d’une phrase celui-ci a proposé le Palais de Mahazoarivo (la primature) à son mentor s’il était élu président.

Andry Rajoelina soutiendrait Hery Rajaonarimampianina (photo) pour la présidentielle malgache.

RFI/ Bilal Tarabey

Entré tardivement dans la course au scrutin présidentiel, l’ancien ministre des Finances a rattrapé son retard grâce aux réseaux politiques et économiques de son mentor. Il jouit notamment du soutien financier du puissant groupe Sodiat dirigé par Mamy Ravatomanga, patron proche du régime de la Transition. Son staff de campagne est composé de professionnels de communication qui ont permis à Rajonarimpinina d’occuper le terrain dans les média publics au grand dam des autres concurrents. L’homme a aussi brillamment réussi l’épreuve du Coliséum d’Antsonjombe (50 000 places) à Antananarivo qui a dû refuser du monde le 29 septembre dernier pour la première rencontre du candidat avec les Tananariviens.

Enfin, grâce à son trésor de guerre de quelque 43 millions de dollars, considéré comme le budget de campagne le plus élevé, le candidat a réussi à installer ses relais à travers l’ensemble de l’île. Il s’est personnellement rendu dans les principales villes de Madagascar, notamment dans les villes côtières, où il a répété inlassablement les grandes lignes de son programme : instauration de l’Etat de droit, lutte contre la pauvreté, renforcement de la sécurité, défense de la souveraineté et de l’unité nationale.

Malgré les foules immenses que les périples de Rajonarimpinina réussissent à mobiliser, ses professions de foi quasi-incantatrices ne suffiront peut-être pas pour garantir sa présence au deuxième tour prévu pour le 20 décembre. La proximité de l’ancien ministre avec la Haute autorité de la transition est à la fois un atout et une faiblesse. Ses adversaires rappellent qu’en tant que grand argentier dans le gouvernement de la Transition, il n’aurait pas pu ne pas connaître les scandales financiers qui ont secoué le régime depuis trois ans. Aux yeux de nombreux Malgaches, les ressources illimitées des candidats proches du gouvernement transitoire proviennent en partie des trafics illégaux dans lesquels l’entourage de Rajoelina a été impliqué.

Enfin, il est raisonnable de se demander si Hery Rajonarimpinina réussira à rassembler derrière lui le parti TGV dont les militants ne savent plus à quel saint se vouer. Doivent-ils voter pour le candidat officiellement adoubé par leur formation ou pour l’ancien ministre des Finances qui se présente comme candidat indépendant tout en se réclamant du soutien implicite du président du TGV en personne ? Dilemme !

Docteur Robinson, « un médecin de confiance »

Dilemme aussi dans les rangs de la mouvance de l’ancien président exilé Marc Ravalomanana depuis l’adoubement par ce dernier de la candidature à l’élection présidentielle de son ancien ministre de la Santé puis celui de la Jeunesse et des Sports Jean-Louis Robinson. Le choix de ce catholique francophone divise les partisans du président déchu rassemblés au sein du parti protestant Fiangonan i Jesoa Kristy eto. Ceux-ci réclament le retour de leur chef de file, estimant que ce dernier s’est fait une nouvelle fois « rouler dans la farine » par la Communauté internationale !

De son exil sud-africain, Marc Ravalomanana s’est contenté d’appeler ses partisans à s’unir derrière la candidature de Robinson, médecin de formation. « Le pays est malade, a-t-il déclaré, et il a besoin d’un médecin de confiance ». Depuis cette annonce publique faite en septembre, les Ravalomanana, mari et femme, participent activement à la campagne de leur poulain. Lalao Ravalamanana s’est fait un point d’honneur d’assister à ses meetings qui ont vu, depuis l’adoubement du candidat par son mari, mobiliser les foules.

Personnalité discrète, née en 1952, Jean-Louis Robinson était jusqu’ici peu connu

Jean-Louis Robinson, lors d’une conférence de presse le 15 septembre à Antananarivo avec les chefs de la mouvance Ravalomanana.

RFI/Marie Audran

en dehors des cercles politiques malgaches. Ce métis franco-sino-malgache a longtemps vécu en France où il est membre de la Société française de la médecine aérospatiale. Selon la livraison d’octobre de La Lettre de l’Océan indien, Robinson serait un sympathisant PS (Parti socialiste français) et aurait même renouvelé sa carte de militant il y a quelques mois. La révélation ne manque pas de piquant quand on connaît les rapports conflictuels qu’entretient le camp Ravalomanana avec la France, l’ancienne puissance coloniale, régulièrement accusée de vouloir faire la pluie et le beau temps dans son pré-carré africain. Dans ce contexte, la décision de Marc Ravalomanana de soutenir la candidature de Jean-Louis Robinson semble pour le moins surprenante, mais s’explique peut-être par l’acceptation de ce dernier d’œuvrer pour le retour sur l’île du président exilé.

Robinson est allé jusqu’à déclarer que s’il était élu, il proposerait le nom de Lalao Ravalomanana comme Premier ministre. L’homme a aussi haussé le ton envers l’équipe de la transition, promettant la mise en place d’une « haute cour de justice pour juger ces putschistes sans scrupules qui se croient au dessus de la loi ». Enfin, il a pris soin de droitiser son programme économique pour mieux se placer dans la continuité de l’idéologie ultra-libérale de son mentor. Sa priorité est désormais de réintégrer l’AGOA   («African Growth Opportunity Act »), un dispositif législatif américain permettant aux Africains d’exporter leurs produits vers les Etats-Unis sans droits de douane. La sortie de l’AGOA sous le régime de la transition s’était révélée désastreuse pour l’industrie textile malgache.

L’évocation de l’AGOA par Robinson en pleine campagne électorale suggère le retour de la diplomatie américaine dans le « Grand jeu » malgache où intérêts anglophones et intérêts francophones sont depuis belle lurette les véritables adversaires. Ces rivalités économiques, plus que des rivalités de personnes, risquent de déterminer l’issue de la course électorale à l’œuvre sur la Grande Ile.

Source: RFI

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