À quelques mois de l’élection présidentielle de 2018, le chef de l’Etat a lancé sa campagne. Une campagne, certes officieuse, mais non moins trépidante.
Le président IBK multiplie les initiatives dans le cadre d’une vaste entreprise de séduction des Maliens. Aucune couche sociale n’est négligée. Un vrai marathon électoraliste qui a la particularité de s’abriter derrière la fonction et les moyens (illimités!) de la présidence de la République. De plus, il démarre à quelque 10 mois de l’échéance présidentielle, ce qui nécessite des dépenses qu’aucun autre candidat potentiel ne peut effectuer. Enfin, les médias d’Etat sont mis à contribution car, officiellement, il s’agit de couvrir des activités du chef de l’Etat et de ses ministres, et la campagne d’un candidat. Mais voyons les choses dans le détail…
Programme d’urgence
Le chef de l’Etat initié un « programme dit programme présidentiel d’urgences sociales ». Cet ambitieux chantier auquel ses adversaires reprochent d’avoir vu le jour à moins d’un an de la présidentielle, vise à réduire les inégalités dans l’accès aux services sociaux de base pour la période 2017-2020 dans les secteurs de l’eau, de la santé, de l’énergie et des pistes rurales. 2020? Cela suppose, bien sûr, que le parrain du programme ne bougera pas de son fauteuil d’ici là…
A en croire les promoteurs du programme, la capitale Bamako ne manquera plus d’eau potable. Elle sera alimentée à partir du centre de pompage de Kabala, de sorte qu’en 2018, un million de Maliens boiront à satiété.
En ce qui concerne la santé, les promesses pèsent une tonne. 12 Centres de santé communautaire seront, dit-on, érigés en Centres de santé de référence, 6 Centres de santé de référence en établissements publics hospitaliers de 2ème référence, 4 établissements publics hospitaliers de 2ème référence en établissements publics hospitaliers de 3ème référence. Il est annoncé la construction des Centres de dialyse dans les hôpitaux de Mopti et de Kayes; d’un Centre de prise en charge de la drépanocytose et d’une Banque de sang à l’Hôpital régional de Mopti; et d’un nouvel hôpital à Kayes.
Au sujet des pistes rurales, le programme se fixe des objectifs tout aussi grandioses: entretenir 42.000 km de routes, consolider 27.000 km de routes en terre et 8.825 km de pistes rurales, en particulier dans les zones CMDT et OHVN. En outre, 925 km de pistes rurales seront construits ou réhabilités dans les régions de Koulikoro, Sikasso et Mopti, dont 400 km pour faciliter l’accès aux vergers de mangues en toute saison dans les zones de Yanfolila et de Sikasso. 445 km de pistes pastorales seront réhabilités et 330 km de pare-feux aménagés.
IBK n’oublie pas l’armée. Pendant trois semaines, tout ce que le pays compte de petits écrans a été inondé d’images d’hélicoptères censés redonner des ailes à l’armée de l’air. Ce qui n’empêche pas des opposants de s’interroger sur l’efficacité des engins, mais aussi sur leur origine et leur prix.
Ousmane Chérif Madani Haidara
Pour mettre toutes les chances de son côté, le président IBK s’appuie sur des rélais religieux. Cette fois, son choix est tombé sur le prêcheur Chérif Ousmane Madani Haidara. Ce dernier, on le sait, est un mobilisateur. Il est le seul, dans notre pays, à pouvoir remplir deux fois, en l’espace d’une semaine, le stade du 26 Mars (50 000 places assises, sans compter la pelouse et la devanture). IBK le sait. Voilà pourquoi, depuis plus d’un an, il fait les yeux doux à l’homme. Ainsi, quand le gouvernement, au prétexte de l’état d’urgence, tente d’empêcher, en 2015, les festivités du « Maouloud » (anniversaire du Prophète), Haidara gronde et l’Etat recule. Mieux, en 2016, le chef de l’Etat lui-même, flanqué de l’essentiel de ses ministres, participera aux côtés du prêcheur la célébration du « Maouloud » au Stade du 26 Mars. Malgré l’état d’urgence. Depuis, c’est la lune de miel entre le chef de l’Etat et le chef d’Ançar Dine. Malgré son agenda chargé, IBK tiendra à lancer personnellement les travaux de construction de la route bitumée de Djalakorodji, un quartier qui a le mérite d’abriter la résidence bamakoise de Haidara. Le 24 mai 2017, bis repetita: revoilà IBK à Tamani, village natal du prêcheur, pour lancer les travaux de construction de la route Barouéli-Tamani. Pour couronner le tout, IBK vient de désigner Haidara comme parrain du mois d’octobre, mois de la solidarité.
En mettant Haidara dans son camp, le chef de l’Etat n’espère peut-être pas que le leader religieux appelle à voter pour lui; mais il a espoir que Haidara ne tombera pas dans le camp adverse. Cela, déjà, vaut bien des efforts…
Notabilités de Koutiala
Dans sa stratégie de séduction électorale, IBK entend obtenir l’allégeance des notabilités traditionnelles et des leaders religieux des grandes localités pourvoyeuses d’électeurs. Ainsi, il a reçu à Koulouba le samedi 30 septembre, les notabilités de Koutiala, la capitale de l’or blanc. La délégation comprenait 70 personnes venues des 5 cercles du Miniankala (Koutiala, Yorosso, Bla, San et Tominian). Elle comprenait aussi le président du Réseau des communicateurs traditionnels (Recotrade) de Koutiala, Adama Kouyaté; le représentant des paysans, Bakary Dembelé; le président de la Fédération des huileries du Mali, Fantamady Kéïta; le représentant de la Communauté musulmane, Cheick Oumar Dembélé; celui de l’Eglise catholique, Appolinaire Dembelé; celui de l’Eglise protestante, Joseph Goïta; et la présidente des femmes de Koutiala, Korgua Diallo. Ces bonnes âmes ont remercié le chef de l’État « pour tout ce qu’il fait pour la paix et le développement au Mali ».
À l’issue de la cérémonie, le porte-parole des notables de Koutiala, Oumar Ouattara, a exprimé toute son admiration envers le président de la République: « On est venu dire au président de la République que nous, de Koutiala, nous sommes avec lui. IBK est de Koutiala et on ne va jamais lui tourner le dos. On n’est pas venu lui soumettre une doléance, ni lui demander de l’argent. On est venu lui dire que malgré les problèmes, on est avec lui. Nous ne souhaitons jamais qu’il échoue dans son travail. On est venu le soutenir pour que tout ce qu’il souhaite pour le Mali soit réalisé. C’est la raison de notre présence ici ».
Très ému, le président IBK dit: « Vous pouvez être reconnu à Paris, Londres, Bruxelles ou Washington, si dans votre petit village natal on ne vous reconnaît pas, cela vous disqualifie de toutes qualités humaines, sociales. Je considère Koutiala comme le lieu à partir duquel tout fut possible : lieu de naissance, lieu d’éducation primaire et de vie sociale fondamentale…Que ceux qui viennent de cette grande ville économique, importante pour l’économie du Mali, aient tenu à venir aujourd’hui en rang serré me dire la chaleur de leur amitié, de leur fraternité, de leur accompagnement ne pouvait pas me laisser indifférent ».
Cette visite aux allures d’allégeance a créé , plus tard, à Koutiale une vive tension qui a conduit à la fermeture de la radio « Kayira« . En effet, des chroniqueurs de cette radio ont vertement reproché aux notables d’avoir, sans mandat, pris l’engagement, au nom de toute la population de Koutiala, de soutenir IBK. Jugeant grossiers ces propos adressés à des notables, des jeunes de la localité ont décidé de saccager la radio. Pour éviter le pire, le préfet a pris la décision de fermer celle-ci. Décision suspendue par le tribunal administratif de Bamako…
Notabilités de Yélimané
A la suite de celle de Koutiala, une délégation de notables du cercle de Yélimané, région de Kayes, a été reçue le 14 octobre 2017 à Koulouba. La délégation était composée des 85 chefs et conseillers de villages de Yélimané, de leaders religieux, de jeunes, de femmes et d’un député. Les invités ont remercié IBK pour le système d’adduction d’eau récemment installé dans le cercle. »Grâce à vous, monsieur Président, le fût d’eau ne coûte aujourd’hui que 40 FCFA à Yélimané et la ville est éclairée par une centrale électrique neuve », a déclaré a déclaré Baraka Traoré Chef de village de la ville de Yélimané.
L’AEEM aussi
IBK, voulant ratisser aussi large que possible, a reçu à Koulouba le Bureau de coordination de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM). Au cours de la rencontre, le Secrétaire général de l’AEEM, Abdoul Salam Togola, n’a pas été avare d’éloges envers le maître des lieux.Il dira, en somme, que l’AEEM apportait son soutien total à IBK pour son « investissement citoyen en faveur du Mali, malgré les difficultés de l’heure ».
Heureux de ce soutien des élèves et étudiants, le Président a administré aux élèves et étudiants un cours d’histoire et de latin. Il leur a surtout remis un minibus de type de marque « Hyundai ». Le cadeau fait beaucoup jaser les réseaux sociaux où l’on se demande si un élève mérite d’autres présents que des livres et des bourses scolaires.
Tournée dans les régions
Après Mopti et Sikasso, le président IBK s’était rendu à Ségou au mois de mai 2017. Ce n’était pas assez tôt puisque ces déplacements à l’intérieur intervenaient après plus de 80 voyages hors du Mali qui avaient valu à l’hôte de Koulouba le sobriquet de « Magellan ». Comme pour faire oublier ces périples extérieurs, le président a pris, du 16 au 17 octobre, la route de Kayes. Il s’y rendait officiellement dans le cadre de la célébration de la Journée Mondiale de l’Alimentation et de la Femme rurale. Mais il n’a pas raté l’occasion de réitérer aux Kayesiens de vieilles promesses datant de 2013. A cette différence qu’il a visité le chantier de construction du 2ème pont de Kayes. Un pont bien concret, certes, mais pas forcément suffisant pour capter l’électorat local. D’autant qu’à dire d’opposant, l’accueil populaire ne fut pas très enthousiaste.
Source: proces-verbal