C’est une annonce qui marque les esprits. À compter du 29 janvier 2025, les citoyens de la Confédération des États du Sahel (AES) pourront brandir un nouveau passeport, symbole d’un renouveau institutionnel. Une démarche qui, sur le papier, illustre l’ambition de renforcer la libre circulation et de forger une identité confédérale forte. Pourtant, au-delà de l’euphorie de l’instant, des interrogations légitimes émergent.
Le passeport, un symbole à double tranchant
Bamada.net-Les nations, comme les peuples, ont besoin de symboles. Le passeport de l’AES se veut être l’emblème d’une nouvelle ère. Mais un symbole, aussi fort soit-il, ne peut se suffire à lui-même. Derrière ce document au logo flambant neuf, se pose la question de son utilité réelle et de son acceptation par les citoyens.
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Les anciens passeports CEDEAO restent valides jusqu’à leur expiration. Cependant, la transition vers les passeports AES pourrait devenir une véritable épreuve si les avantages actuels, notamment en matière de mobilité, ne sont pas maintenus, voire renforcés. Pour beaucoup, l’annonce ressemble davantage à un coup politique qu’à une solution concrète aux défis du quotidien.
Me Mountaga Tall : une voix de raison
Dans ce contexte, les propos de Me Mountaga Tall, avocat émérite et président du CNID-Faso Yiriwa Ton, résonnent comme un avertissement salutaire. Selon lui, « aucun slogan, aucune incantation ne va faire adhérer les gens à l’AES ». Et il a raison. Ce ne sont ni les discours enflammés ni les effets d’annonce qui convaincront les citoyens, mais bien la preuve que ce nouvel espace peut améliorer leur vie.
Pour l’AES, il ne s’agit pas uniquement de remplacer un passeport, mais de construire une alternative crédible. Les acquis de la CEDEAO, qu’il s’agisse de la reconnaissance des diplômes, des politiques commerciales ou de la libre circulation des biens et des personnes, doivent être intégralement intégrés, voire enrichis, au sein de la Confédération. À défaut, les populations risquent de percevoir ce projet comme un simple exercice de rebranding institutionnel, vide de contenu.
Un projet encore en chantier
Mettons les choses en perspective. L’idée d’une intégration régionale sous l’égide de l’AES est séduisante. Elle incarne l’espoir d’une Afrique sahélienne plus soudée, mieux armée pour faire face à ses défis communs. Mais la réalité est plus complexe :
- Harmonisation régionale : Les États membres doivent surmonter leurs divergences et adopter des politiques communes cohérentes pour garantir la libre circulation, sécuriser les frontières et encourager les investissements.
- Reconnaissance internationale : Un passeport qui n’est pas reconnu au-delà de l’espace confédéral perd de sa pertinence. L’AES devra engager des négociations diplomatiques pour assurer sa crédibilité mondiale.
- Satisfaction des citoyens : Les populations, souvent confrontées à des difficultés économiques et sécuritaires, attendent des mesures concrètes qui impactent leur quotidien.
Et maintenant ?
Pour que l’AES réussisse son pari, elle doit rapidement passer des symboles aux actes. Les citoyens du Sahel ne se contenteront pas de belles paroles. Ils veulent des routes sécurisées, des opportunités économiques et une véritable unité régionale.
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Les dirigeants de l’AES ont une responsabilité historique. Ils doivent prouver que cette Confédération n’est pas qu’une réponse politique aux tensions actuelles, mais un projet d’avenir capable d’unir et de prospérer. Sinon, ce passeport flambant neuf ne sera qu’un trophée de plus dans les archives d’une intégration avortée.
À Bamada.net, nous observons avec attention cette transition. En tant que porte-voix des réalités sahéliennes, nous restons engagés à poser les bonnes questions et à alimenter le débat. Car, au bout du compte, c’est bien le peuple sahélien qui jugera de la réussite ou de l’échec de cette initiative.
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BEH COULIBALY
Source: Bamada.net