Au sujet de son départ de l’Adema/Pasj pour le RPM qui fait couler beaucoup d’encre et de salive, Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara livre, dans une interview exclusive qu’il nous a accordée, les raisons qui l’ont poussé à rendre le tablier. Lisez !
Le Prétoire: Quels sont les motifs qui ont prévalu à votre démission de l’Adema pour le RPM ?
Oumarou Ag Mohamed Ibrahim: Je vous remercie pour votre démarche contrairement à certains de vos confrères. Vous savez, je vis un grand malaise, depuis longtemps, au sein de la CE du parti Adema. Cela est parti des primaires de 2012, où il fallait choisir un candidat. J’étais président de la commission des bons offices, composée de doyens. Je n’ai nullement la prétention de les submerger ou de leur faire faire des choses qui iraient à l’encontre de leurs consciences. On a fait un choix qui n’a pas plu aux uns et aux autres, surtout aux ténors du parti. Là, il n’y avait que les vice-présidents.
Celui que la commission a choisi, Dramane Dembélé, je vous jure que je ne le connaissais pas avant qu’il ne soit candidat aux primaires. Je ne l’ai jamais rencontré auparavant. Son choix a fait l’objet de plusieurs sortes de supputations et d’interprétations. Mais, ma satisfaction est grande. Quand d’aucuns sont allés chez le président du parti pour lui dire que la commission a été achetée et que Dramane a acheté tout le monde, Dioncounda, que je félicite au passage, leur a dit ceci: «Ce n’est pas l’argent qui peut acheter un tel que je connais, cherchez autre chose. Il est au-dessus de l’argent. Quand il est venu dans ce parti, il avait ses moyens et quand on va à Tombouctou, nous savons chez qui nous allons».
Le Président du parti a voulu calmer la situation, mais vous savez, l’ambition étant là, les gens n’ont rien voulu comprendre. Là également, j’ai été traité de tous les noms d’oiseau, de tous les péchés d’Israël. Je me suis dit que ça allait passer, car toute chose a une fin. On était dans le feu de l’action lorsqu’ Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé ont été retenus pour le second tour de la présidentielle. Là, notre parti devait se positionner. Notre candidat a choisi d’aller avec IBK. Même s’il ne l’avait pas fait, moi personnellement, en âme et en conscience, j’allais partir comme beaucoup d’autres camarades. Parce qu’on avait foi qu’il peut régler le problème du Nord, c’est un homme à poigne qui a fait toutes les hautes sphères de l’administration, c’est un homme d’Etat.
Dans la tradition du Nord, on n’est pas fait pour aller à l’opposition, nos militants ne sont pas prêts à l’aller à l’opposition. De notre intime conviction, les gens ont décidé de soutenir Ibrahim Boubacar Keïta et le CE a entériné cette décision qui n’a pas plu à Iba N’Diaye. Mais, il a été mis en minorité par les ténors du parti. Cela a créé une cassure entre les barons du parti qui soutenaient le FDR qui voulait aller à l’opposition et nous, plus une frange importante du CE. La crème du parti était pour le FDR et nous, nous étions de l’autre côté. C’est ainsi qu’il a été décidé de soutenir le candidat IBK, et moi j’étais détenteur d’un ordre de mission du RPM pour sillonner toute la 6ème région pour faire voter IBK qui n’avait que 4% et qui, au finish, a eu 54% des voix.
C’est pour vous dire que j’étais parti avec la ferme conviction qu’il gagne et il a gagné. Ceci n’est pas resté en marge de la déchirure, du fossé qui s’est établi entre le CE et le leadership dont je fais partie. Dans nos réunions, le problème ne cesse de revenir sur la table, on me traite de fossoyeur du parti. Ils disent que je fais partie de ceux qui ont enterré le parti, de ceux qui recherchaient des postes ou ceci ou cela. On a beau calmé cette situation, elle perdure. A trois reprises, j’ai été violenté verbalement, j’ai été insulté tant au niveau du CE et même devant le président et ancien chef de l’Etat, qui a dit à certains camarades : «Si vous reprenez ces propos à l’encontre du Président du Haut conseil, je vous renvoie de mon salon». Donc, ce sont toutes ces péripéties, toutes ces pérégrinations qui m’ont amené à faire ce choix.
Ne pensez-vous pas que votre décision ressemble à un parricide contre le parti qui vous a tout donné, même votre fauteuil de président d’une institution de la République ?
Vous savez, ce parti m’a tout donné et je pense sincèrement à mon tour avoir donné tout ce que je peux à ce parti. Mon choix, j’avoue, n’a pas été facile. C’est un choix qui est très difficile, mais je sais que rester dans un parti auquel tu ne peux rien apporter, et ceux qui le détiennent aujourd’hui pensent que tu l’as cassé. Il vaut mieux se retirer pour qu’ils le remettent sur pied. Je constitue un frein à mon humble avis de par les critiques et tout ce que je reçois lors des réunions. Je constitue un frein à la reprise, au rebond du parti. Donc, j’ai décidé d’aller consulter ma base, et c’est là que la section de Goundam, ma section, a plébiscité ce départ. Malgré mon insistance pour que les militants restent dans le parti, ils ont refusé. Ils affirment qu’ils ne sont pas à l’Adema mais plutôt avec ma personne. Donc si je pars, il n’y a aucune raison pour eux de rester.
Pourquoi le RPM et pas un autre parti ?
Le choix du RPM, je vous ai dit que si je dois quitter l’Adema pour une requête politique. J’ai dit à mes militants à Goundam qu’il est temps que je me repose, j’ai 64 ans. Ils m’ont dit que je les laisse dans la rue et qu’ils veulent que je les mette dans une voie. Une voie autre que celle dans laquelle nous sommes. Je leur ai dit qu’au Mali aujourd’hui, il n’y a que deux partis, les partis de l’opposition et les partis de la majorité. Je vous ai dit que notre culture ne reconnait pas d’opposition, donc on est parti au RPM qui est au niveau de la majorité. Et je dois vous dire que de par l’estime et la considération que j’ai pour ce parti, déjà au second tour de la présidentielle et aux législatives, je suis parti en alliance avec le RPM aux premier et second tours. Donc, le parti qui est le plus proche de moi, c’est le RPM. Nous partageons beaucoup de valeurs et mieux que ça, l’homme qui préside aux destinées du RPM, jusqu’à preuve du contraire, je crois en lui. Dans la vie, il y a des moments qui sont difficiles, cela ne veut pas dire qu’il faut désespérer. C’est pourquoi on dit tant qu’il y a la vie, il – y a de l’espoir.
Etes-vous allé par conviction ou par opportunisme politique ?
Qu’est-ce que vous allez imaginer. Je vous assure qu’il n’y a aucun opportunisme politique dans ma démarche. Là où je suis aujourd’hui, est-ce qu’il peut avoir de l’opportunisme au regard de tout ce que j’ai ? Je n’ai pas besoin d’un poste dans le gouvernement. Je suis président d’une institution de la République. Peut-être qu’après mon mandat je vais me reposer. Il faut bien qu’un jour, qu’on se dise qu’il faut que je me repose. Mon choix est un choix délibérément fait, consciencieusement fait et sans arrière-pensée, si ce n’est l’intérêt des populations qui croient en moi.
Monsieur le Président, votre attitude tranche nettement avec l’idée de bon nombre de Maliens qui pensent qu’il faut mettre fin à la transhumance politique. Qu’en pensez-vous ?
Je n’appelle pas cela de la transhumance, c’est loin de là. Si je dois transhumer, ça ne commencerait pas aujourd’hui. J’ai 25 ans de militantisme à l’Adema. Combien de cadres de l’Adema ont transhumé ? Je vous demande de me citer un seul cadre de l’Adema qui n’a pas fait 3 transhumances. Je n’en ai jamais vu, je n’en ai jamais connu et mon cercle n’en a jamais connu, ma région non plus. Tombouctou est la seule région où, quel qu’en soit les péripéties, le parti est resté majoritaire. C’est grâce à Dieu et grâce à moi. Je pars aujourd’hui, parce que je suis devenu une gangrène. Je pars en paix avec la conscience tranquille.
Interview réalisée par Harber MAIGA
Source: Le Prétoire