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Orpaillage à Kangaba : Les engins lourds entrent dans la danse

Depuis 2018, le gouvernement a élaboré un projet de plan d’action pour l’interdiction de l’exploitation de l’or par dragues

À la manière des compagnies minières industrielles, les orpailleurs s’organisent davantage pour louer des engins lourds qui mettent les forêts sens dessus dessous. Les dégâts sont certes énormes sur l’environnement, mais les profits pour les villageois sont également colossaux. Une nouvelle tendance qu’il faudrait certainement encadrer

Si l’or n’existait pas, le Mandé dont les griots et écrivains arabes chantent la grandeur, n’aurait peut-être pas existé. Le métal jaune a fait la gloire et la prospérité de tous les empires et royaumes qui se sont succédé sur ce vaste territoire.

En la matière, le Cercle de Kangaba, vitrine de cette civilisation authentique, est une zone d’orpaillage par excellence. Pratiquée autrefois par les Malinkés dans cette contrée aurifère, l’extraction traditionnelle de l’or consistant à creuser des puits surdimensionnés avec des outils rudimentaires se faisait en saison sèche. Les bras valides partaient, avec la bénédiction des anciens, chercher de l’or afin de pouvoir subvenir aux besoins de la famille comme le paiement de l’impôt, de la dot et des trousseaux des jeunes en âge de se marier.

Mais, le phénomène a pris de l’ampleur au point de devenir la principale source de revenus pour des centaines de Maliens. La plupart d’entre eux, généralement motivé par le gain facile ou rapide, parcourent des dizaines de kilomètres pour s’offrir la pierre précieuse que l’on «ramasserait à la surface de la terre à travers le pays». Il vide les villages de leurs bras valides en plein hivernage malgré les décisions interministérielles l’interdisant en cette période.

À cette pratique est venue s’ajouter l’orpaillage par dragage sur les cours d’eau. Le fait nouveau est l’usage d’engins lourds dans l’orpaillage. Les effets aux plans économique et environnemental, ne se sont pas faits attendre. Face à ce contraste, les observateurs s’interrogent : faut-il arrêter l’orpaillage ou l’organiser ? Faut-il intensifier les activités de répressions contre ceux qui bravent l’interdiction du dragage sur les cours d’eau comme il est stipulé dans le Code minier de 2019 (entré en vigueur en 2020), mais qui rapporte beaucoup d’argent aux communautés locales ?

Les réponses à ces questions divisent les acteurs concernés. Certains demandent juste de voir comment, en deux décennies, les villages et même les hameaux se sont métamorphosés. En lieu et place des maisons en chaume ou en cases rondes, ont poussé des bâtiments en dur avec les toits en dalle ou en tôles.

«Celui qui a vu ces villages hier et aujourd’hui ne peut pas imaginer qu’on puisse demander d’arrêter l’orpaillage. Pour preuve, les incendies qui ravageaient les villages appartiennent désormais au passé, car les toits de toutes les maisons sont en dalle ou en tôle», explique un propriétaire terrien de la Commune rurale de Minidian. S’y ajoute, selon lui, le paiement des intrants et équipements agricoles, des taxes et impôts grâce à l’argent issu de l’orpaillage.

Un autre orpailleur qui fait office de «tomboloma», organisation chargée de la sécurité et de la protection des placers, va plus loin. Ce dernier estime que l’orpaillage est aujourd’hui le plus gros pourvoyeur d’emplois dans la zone. Les jeunes, diplômés ou non, affluent vers les sites d’orpaillage et y gagnent de quoi subvenir à leurs besoins. L’arrêt de l’orpaillage équivaut aujourd’hui à ouvrir la porte au grand banditisme à travers le pays, affirme-t-il.

DÉGÂTS ÉNORMES- De plus en plus ambitieux «l’appétit venant en mangeant» les villageois s’organisent pour louer des engins lourds qui rapportent gros. Telle est la tendance aujourd’hui sur plusieurs sites d’orpaillage. Les effets néfastes de cette pratique nouvelle sur l’environnement sont incommensurables. Les dégâts causés par les bulldozers sont énormes et sautent à l’œil.

Au nombre de ces dégâts, figurent la dégradation des sols et de la végétation à cause de la coupe abusive des arbres, le risque d’empoisonnement des cours d’eau par les produits chimiques et la destruction/disparition des mares, explique le chef du Service local de l’assainissement. Celui-ci ajoute que les énormes fosses creusées par les pelles mécaniques ne sont pas réhabilitées. Si rien n’est fait au plus vite, c’est l’avenir de plusieurs générations qui s’en trouverait compromis.

à entendre le chef d’antenne du sous bassin du Haut Niger à Kangaba Opéri Berthé, l’orpaillage par dragage est le drame des cours d’eau au Mali. Selon lui, cette activité est à l’origine de la pollution de l’environnement, la contamination des eaux, la destruction de l’oxygène dissout et la disparition de la faune aquatique et la modification de la topographie des cours d’eau.

Depuis 2018, le gouvernement a élaboré un projet de plan d’action pour l’interdiction de l’exploitation de l’or par dragues dans les cours d’eau au Mali.

Pour minimiser les dégâts, le 2è adjoint au préfet du Cercle de Kangaba Allaye Cissé a récemment signé une décision pour mettre fin à l’utilisation des engins lourds dans l’orpaillage. Chefs traditionnels et responsables des sites d’orpaillage se sont engagés à arrêter l’utilisation des engins lourds à partir du 15 novembre 2021 comme prévu par la décision du préfet du Cercle de Kangaba.

Dans la Commune de Benkadi, la population a dit à la mission de sensibilisation dépêchée par le chef de l’exécutif local que les ressources tirées de l’orpaillage avec les pelles mécaniques et les bennes sont considérables. Elle a également fait savoir que l’arrêt de ces machines provoquera un manque à gagner irremplaçable. La délégation conduite par le préfet s’est montrée intraitable et a prévenu les éventuels récalcitrants des sanctions auxquelles ils s’exposent.

Sidy DOUMBIA
Amap-Kangaba

Source : L’ESSOR

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