« Notre monde est malade d’intolérance religieuse », affirme un pasteur d’Abidjan en ce jour de Noël. Le révérend Michel Lobo appartient à l’Église méthodiste unie de Côte d’Ivoire. Il répond aux questions de Christphe Boisbouvier.
Quel est votre message de Noël cette année, révérend ?
Michel Lobo: Le message de Noël cette année ? Tous, nous savons que Noël est la fête de la naissance de Jésus. Dieu qui est amour, quand son fils Jésus visite donc notre monde, notre monde malade d’intolérance religieuse, notre monde traversé par le désordre, les injustices, les menaces de guerre. Dieu vient au cœur de notre humanité profondément marquée par une répétition interminable de violences, avec un vivre ensemble si souvent difficile.
Vous parlez d’un monde « malade », « d’intolérance religieuse ». Faites-vous allusion à cette intolérance entre chrétiens et musulmans ?
Pas seulement entre chrétiens et musulmans, mais entre chrétiens aussi parce que l’intolérance religieuse, ce n’est pas seulement entre chrétiens et musulmans. Même au sein de la communauté chrétienne, nous vivons l’intolérance religieuse puisque certains se prennent pour plus spirituels que d’autres. Donc, nous constatons que l’intolérance religieuse, ce n’est pas seulement entre chrétiens et musulmans, mais entre musulmans entre eux, entre chrétiens aussi entre eux.
Et comment expliquez-vous cette montée de l’intolérance religieuse, notamment en Afrique de l’Ouest entre chrétiens et musulmans ?
Cette intolérance religieuse pour ma part, cela est dû au manque de foi et de la méconnaissance de dieu. Si nous connaissions réellement le dieu que nous servons, ce dieu qui est amour, alors nous sommes appelés à manifester aussi de l’amour par rapport à son prochain. Mais le prochain, ce n’est pas seulement celui qui est de mon bord religieux. Le prochain, c’est quiconque qui traverse ma vie, que je croise sur mon chemin. Et ça, c’est un grand défi à relever. Cherchons à connaître dieu, le dieu que nous servons. Si nous reconnaissons que ce dieu est un dieu d’amour, je crois que nous allons pouvoir relever le défi de l’intolérance religieuse.
Quels sont les faits de cette année 2019 qui vous ont le plus inquiété de ce point de vue ?
Au Burkina, tout près de moi parce que je suis en Côte d’Ivoire. Avec ce qui se passe au Burkina, au Mali, du côté de l’Inde où les églises sont brûlées, du côté du Nigeria, partout où les chrétiens sont attaqués ici et là. Tout cela doit pouvoir nous interpeller. Et pour ma part, cela m’inquiète.
Dans votre pays, on connaît les musulmans, on connaît les catholiques. On connaît peut-être moins les protestants. Êtes-vous moins nombreux que les autres ?
Les protestants sont tout de même assez nombreux, assez importants en Côte d’Ivoire. Nous avons les méthodistes, nous avons les baptistes, les Assemblées de Dieu, les évangélistes. Nous représentons tout de même un pourcentage important de la population ivoirienne. C’est parce que nous sommes dans un pays francophone qu’on ne parle pas assez des protestants. On le sait tous que dans un pays francophone, c’est l’église catholique qui est mise en relief. Donc, les protestants sont tout de même assez nombreux en Côte d’Ivoire. Au jour d’aujourd’hui, il y a beaucoup de courants évangéliques que nous voyons ici et là, mais les catholiques occupent une place importante dans la vie de la nation ivoirienne.
Dans le monde des églises protestantes, il y a donc cette vague d’églises évangéliques et pentecôtistes qui viennent des États-Unis et qui n’ont pas toujours une bonne réputation. Est-ce que cela ne porte pas atteinte à l’image de toutes les églises protestantes ?
Permettez que je ne réponde pas à cette question parce que chacun a sa manière de voir les choses, de comprendre les choses. Et pour nous, le message de dieu que nous annonçons est un message d’amour, un message de paix, un message de réconciliation.
Est-ce que l’argent ne dénature pas quelquefois le travail de la foi et de la prière dans certaines églises ?
Au jour d’aujourd’hui, dans certains milieux, l’église est devenue un fonds de commerce. Mais nous, nous cherchons à prêcher l’évangile, à rester fidèle à l’évangile et ne pas mettre l’argent au-devant de ce que nous faisons.
Et vous diriez que c’est le cas de tout le monde dans les églises protestantes ?
Puisque je ne suis pas dans les autres paroisses, je ne peux pas savoir leurs réactions ou leurs comportements par rapport à l’argent. Mais à mon niveau, au niveau de mon église, nous essayons de travailler, d’annoncer l’évangile, et l’argent c’est un moyen pour soutenir l’œuvre de dieu. Si l’argent vient, cela accompagne le ministère. Mais nous ne privilégions pas l’argent par rapport à l’annonce de l’évangile.
RFI