Nonobstant l’engagement affiché par les deux parties à trouver un compromis, le processus de paix demeure dangereusement menacé. Car durant les 21 jours qu’a duré le deuxième round, l’Etat et les groupes armés n’ont pas pu emboucher la même trompette en raison de certaines zones d’ombre.
En effet, depuis le 17 juillet dernier, l’avenir du Mali se joue dans la capitale algérienne. L’Etat du Mali s’est engagé à négocier avec les groupes armés du nord conformément à l’accord préliminaire de Ouagadougou en vue de la signature d’un accord global et définitif. Le premier round a tenu quasiment toutes ses promesses avec à la clé la signature d’une feuille de route. Ce qui a donné lieu à de réels espoirs quant à l’avancée vers le règne d’une paix définitive au Mali. Mais, comme par enchantement, le deuxième round a débuté sous un ciel nuageux, caractérisé par une floraison de milices armées et des attaques à répétition dans le septentrion, ayant causé la mort de plusieurs militaires de la Minusma. Mais là où le bât blesse, à mesure que ces attaques sporadiques se multipliaient, aucun groupe armé ne revendique la paternité. Pire, aucun groupe armé engagé dans les négociations avec l’Etat à Alger n’a pondu un communiqué pour condamner ces attaques.
Avec ce silence de mort, tout porte à croire qu’il y a vraisemblablement une complicité qui ne dit pas son nom, pour maintenir le statuquo sur le processus de paix. Dimanche dernier, une trêve a été observée par les parties prenantes à la crise en raison du préparatif de la fête. Durant les 21 jours qu’a duré le deuxième round des négociations, ponctué de tiraillement, les autorités maliennes et les groupes armés n’ont pas pu aplanir les différentes pierres d’achoppement qui étaient à l’ordre du jour. La reprise est annoncée pour le 15 octobre prochain. Pourtant, le Ministre des Affaires étrangères ne désespère point en dépit du spectre de blocage qui plane sur le processus. «Il y a des motifs d’encouragement. L’équipe de la délégation gouvernementale reste consciente en ce sens que le processus qui a été engagé à Alger a le potentiel. Il y a assez d’ingrédients pour nous permettre d’arriver à un accord. Aussi, quand nous regardons nos frères et sœurs des mouvements qui sont aussi tous à Alger, nous sentons aussi une volonté d’arriver à un accord. Tous ces éléments mis en ensemble sont des motifs qui peuvent nous permettre d’espérer malgré les difficultés», a-t-il déclaré.
La pomme de discorde
Nonobstant l’engagement affiché par les deux parties à trouver un compromis, le processus de paix demeure dangereusement menacé. Comme dirait l’autre : «l’arbre ne doit pas cacher la forêt». Car, il nous revient de sources proches des dignitaires de Kidal que seule l’indépendance des régions du nord reste à leurs yeux la l’issue vers la paix. La même source précise que le vieux Intalah de Kidal et ses affidés estiment que sans l’indépendance tout autre accord ne les engagera pas. Cette position des notables de Kidal ne milite pas en faveur d’un accord définitif. De l’autre côté de la frontière, des voix s’élèvent de plus en plus au sein des groupes armés présents à Alger pour faire de la surenchère.
Comme condition d’un accord de paix, ils proposent l’indépendance ou le fédéralisme. Selon des indiscrétions, un traité de paix consacrant l’érection de la République du Mali en une fédération aurait été concoctée par les groupes armés. Et ce, avec comme entités l’Etat de l’Azawad et celui du Mali. Ce qui a suscité l’ire des responsables de la Coordination des mouvements et forces patriotiques de résistance, dirigée par Me Harouna Toureh, qui ont choisi de claquer la porte, tout en réaffirmant leur attachement à l’unicité du Mali.
Le piège d’Alger
Il semble que tout le processus de sortie de crise tourne autour d’un point essentiel qui est devenu aujourd’hui sujet à multiples interprétations par les groupes armés. Il s’agit de l’alinéa premier de l’article 20 de l’Accord préliminaire de Ouagadougou, qui précise que «l’organisation administrative et institutionnelle du Mali en particulier les régions du Nord, désignées par certains «Azawad». Dans l’entendement des groupes armés, cela signifie ni plus ni moins l’octroi d’un statut particulier aux régions du nord. Ce point n’a pas été appréhendé par les autorités actuelles de cette façon encore moins par le citoyen lambda. Le président de la République n’a pas manqué de rétorquer indirectement à ceux qui tirent les ficelles. «Ne me demander pas de faire chez moi ce que vous refusez de faire chez vous», s’était-il rebellé lors du forum international des jeunes pour la paix, récemment tenu à Bamako.
Ainsi, pour contrer toute velléité séparatiste, les Maliens ne se sont pas montrés spectateurs au moment où l’avenir de la nation est en passe d’être scellé à Alger. D’abord, le samedi 20 septembre, la population de Gao a donné le ton en sortant massivement pour montrer à la face du monde qu’elle s’oppose à toute forme d’autonomie, de fédéralisme ou d’indépendance. Tombouctou a emboité le pas le dimanche. Bamako et les autres capitales régionales en ont fait pareillement la semaine qui a suivi. En tout état de cause, les Maliens sont plus que jamais déterminés à conserver jalousement leur souveraineté sur l’intégralité du territoire. Dans ce cas de figure, il parait évident que l’organisation d’un référendum s’impose comme un passage obligé pour aplanir toute dissension pour arriver à l’instauration d’une paix définitive au Mali.
Boubacar SIDIBE