Réformer l’Etat est une nécessité pour l’adapter aux réalités socioéconomiques du pays et surtout pour le rendre performant. Une volonté clairement déclamée par les plus hautes autorités, mais qui devrait d’abord se manifester par un très bon exemple, notamment la restructuration du gouvernement pour recentrer les activités de la superstructure de l’Exécutif autour d’une équipe moins pléthorique et plus efficace.
Suite à l’effondrement d’un pont après une pluie diluvienne, le ministre des Transports s’est dépêché de se rendre sur les lieux pour constater l’ampleur des dégâts et consoler les populations locales. Ce qui fit débat car même au sein du Gouvernement il y en a qui estimaient que ce rôle revenait au ministre de l’Equipement et du désenclavement.
Cet exemple est assez illustratif d’une confusion des rôles qui pourrait intervenir avec une pléthore de départements ministériels dont plusieurs, aux rôles et missions si proches, peuvent conduire à des empiètements regrettables. S’y ajoutent les querelles souvent vécues en ce qui concerne l’occupation des locaux administratifs déjà perturbés par les multiples changements d’appellation au point qu’en matière de signalétique, certains bâtiments administratifs ont beaucoup de mal à suivre la valse des enseignes.
Par ailleurs, une coutume bien établie est de quasiment vider les départements ministériels de la moitié de leur personnel chaque fois qu’un nouveau ministre doit s’y installer. Connaissant le rythme avec lequel on procède à des remaniements ministériels ou réaménagements gouvernementaux, on finit par déstabiliser l’Administration centrale car non seulement la continuité du service en prend un sacré coup, mais on ne parviendra jamais, à ce rythme, à construire une véritable administration, les hauts cadres fonctionnaires ne se souciant pas de mettre en avant leurs compétences, mais plutôt de chercher à se nicher sous le parapluie protecteur de X ou Y pour espérer garder leur poste.
En effet, il est temps d’arrêter de confondre l’Administration publique qui doit reposer sur les épaules de fonctionnaires rompus à la tâche, avec des cellules politiques où on cherche à caser des fidèles parmi les plus fidèles en politique.
“L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes”
C’est là où les propos du président Barack Obama, lors de sa première visite en Afrique, notamment au Ghana, trouvent tout leur sens : “L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes”. C’est tellement vrai que dans la plupart des pays africains, s’il y avait des fonctionnaires fidèles à leur serment de servir l’Etat et rien que l’Etat, au nom d’une loyauté républicaine, l’Afrique franchirait un grand pas vers le développement car débarrassé de grands problèmes qui sclérosent son progrès.
Le domaine le plus sensible est celui des élections. En effet, si elles étaient organisées par des fonctionnaires de l’Etat exempts de reproches de partialité, mais mus tout simplement par l’application des règles du jeu démocratique sous-tendues par les lois et règlements qui les lient, et rien d’autre que cela, on se débarrasserait de toutes ces structures lourdes et coûteuses pour intervenir dans le processus électoral qui ne serait donc qu’une routine pour les fonctionnaires d’Etat.
Chaque nouveau ministre veut remplacer le personnel trouvé sur place, jusqu’au planton
Si aussi au nveau des départements ministériels les nominations aux postes de responsabilité n’étaient pas considérées comme des récompenses pour fidélité politique, voire partisane ou sur la base du népotisme, les ministres passeraient et repasseraient, avec deux ou trois collaborateurs seulement, sans donc déranger le bon fonctionnement de l’Administration publique. En même temps, cela permettrait aux fonctionnaires d’affiner leur expertise dans leur domaine d’activité afin de mieux servir le pays.
Mais au lendemain de chaque remaniement ministériel, c’est comme un séisme qui traverse beaucoup de départements ou le nouvel arrivant tient à remplacer le personnel sur place jusqu’au planton par des proches parents ou des membres de son parti. Même les directions nationales et services rattachés ne sont pas épargnés par la valse des écriteaux sur les portes pour indiquer les noms des responsables qui changent au gré des remaniements ministériels. Ainsi arrive-t-il arrive que des gens qui n’ont jamais été initiés au commandement ou au management public se retrouvent à la tête de structures névralgiques parce qu’ils sont membres de…cadres de…ou proches de…
A ce rythme, l’Administration se trouve défigurée et ce serait illusoire d’en attendre des performances.
Regrouper des départements pour les fondre en un seul ministère
Au Mali, comme dans beaucoup de pays africains, il y a nécessité d’une réforme en profondeur de l’Administration publique et cela commence par une réforme du Gouvernement, notamment en regroupant des départements qui existent actuellement, voire les fondre en un seul ministère permettant de mener à bien des politiques cohérentes dans plusieurs domaines de la vie nationale.
Pourquoi donc, en tenant compte de réalités de notre pays, séparer le Commerce et l’Industrie ; la Culture, l’Artisanat et le Tourisme ; les Affaires étrangères et les Maliens de l’Extérieur ; la Justice et les Droits de l’Homme ; la Solidarité et la Réconciliation nationale ; la Coopération internationale et l’Intégration africaine ; l’Equipement et les Transports pour ne citer que ceux-là ? Il serait même bon, après avoir restructuré le Gouvernement, de sortir de ces dénominations stéréotypées et d’en trouver d’autres, plus novatrices et porteuses d’un élan fort de réforme de nos institutions.
Loin de nous l’idée de faire une quelconque proposition, mais nous voulons tout simplement susciter le débat à travers un brainstorming national pour semer les germes d’une vraie réorganisation des activités nationales. Ce qui passe par la réforme de l’Administration et en première ligne la restructuration du Gouvernement.
Qui ose gagne !
Rappelons que ce problème n’est pas spécifique au Mali car dès l’année 1991, les ministres africains chargés de la Fonction publique, réunis à Cotonou au Bénin les 3, 4 et 5 novembre de cette année-là, étaient d’avis que les systèmes de Fonction publique rencontrent en Afrique de sérieuses difficultés qui s’expliquent par l’héritage de l’Histoire, le poids des contraintes démographiques et économiques et par l’inadaptation des structures à l’environnement socioculturel dans lequel doit se mouvoir l’Administration. Des pistes d’action étaient dégagées à travers une déclaration dite Initiative de Cotonou. Mais entre la théorie, les déclarations d’intention et la pratique…
Il est vrai que tout changement rencontre des résistances. Mais le meilleur réformateur – au sens positif du terme- est celui qui sait vaincre les résistances au lieu de les craindre car qui ose gagne !
Amadou Bamba NIANG
Aujourd’hui-Mali